Quiconque ayant suivi l’actualité de façon assidue au cours des derniers mois ne peut ignorer le climat de quasi-inquisition dont fait l’objet actuellement la profession médicale dans la presse et à l’Assemblée nationale. C’en est rendu au point où un nouvel arrivant en terre québécoise pourrait facilement s’imaginer que les médecins du Québec sont responsables d’à peu près tous les maux de notre société.
Titres sensationnalistes trompeurs, raccourcis intellectuels, insinuations, vocabulaire inapproprié, chroniques reposant sur des préjugés et chasse aux sorcières continue touchant ces « méchantes » personnes qui prodiguent des soins médicaux font pratiquement partie de notre quotidien collectif.
La place occupée dans le réseau par les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) et notre droit à l’incorporation, voilà deux sujets dont le traitement médiatique et politique illustre parfaitement cette dérive inquisitrice.
Les IPS d’abord. Une légende urbaine semble meubler durablement les esprits de beaucoup de chroniqueurs et de journalistes. En effet, ces derniers croient que les médecins s’opposeraient au déploiement des IPS et qu’elles en seraient bien malheureuses. Pourtant, toute personne un tant soit peu intéressée par la façon dont les choses se déroulent véritablement sur le terrain se rendrait dans les cliniques médicales. Elle constaterait alors que les IPS sont pour la plupart heureuses d’y travailler en équipe avec les médecins de famille et que c’est réciproque. Les deux groupes le font au plus grand bénéfice des patients, qui ont ainsi accès à une variété et à une qualité de soins dans un lieu où chaque professionnel peut utiliser ses compétences en complémentarité plutôt qu’en silo. Malheureusement, cette vérité toute simple, qui est très loin de relever de l’exception, ne semble pas bonne à dire ni à écrire. Il faut se rendre à l’évidence, et c’est navrant, les légendes urbaines découlant de préjugés ont plus la cote.
L’incorporation maintenant. Ce sujet est abordé par certains comme si les médecins étaient des professionnels et travailleurs autonomes provenant d’une autre planète et qu’ils n’étaient soumis à aucune contrainte. La plupart des médecins de famille ne paient-ils pas un loyer ou une hypothèque pour leur cabinet ? N’ont-ils pas des frais administratifs et techniques substantiels ? N’ont-ils pas du personnel à rémunérer ? Et n’ont-ils pas plusieurs centaines de clients différents, qu’on appelle patients, malgré un agent payeur unique sur le plan administratif ? Évidemment, la réponse à toutes ces questions est oui. En outre, ils n’ont pas de régime de retraite. Alors, affirmer que le droit des médecins à l’incorporation est un « privilège » ne tient tout simplement pas la route et ne résiste pas à une analyse sérieuse non teintée encore une fois de préjugés. En priver les médecins – et plus particulièrement les médecins de famille –, alors que les autres professionnels et travailleurs autonomes y ont droit serait même carrément discriminatoire à nos yeux.
Ma conclusion : gardons la tête haute et n’ayons pas peur d’affirmer haut et fort notre fierté de pratiquer la médecine au Québec. Ce que nous avons acquis comme profession, nous l’avons mérité. Nos responsabilités sont importantes et particulières. Tentons, oui, de rétablir les faits et de faire triompher la vérité. Toutefois, au-delà des raccourcis médiatiques et de la démagogie politique, investissons notre énergie à offrir ce qu’il y a de mieux à ceux qui comptent vraiment : nos patients. Pour notre moral, n’est-ce pas le meilleur remède et le meilleur antidote au cynisme ambiant ?
Le 22 mars 2016
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Le président, Dr Louis Godin |