un contrat social à respecter
Nombre de patients inscrits, taux d’assiduité… depuis déjà un an, les médecins de l’AMOE ont atteint toutes les cibles édictées par l’entente sur l’accessibilité. Ce n’est pourtant pas suffisant, a signalé le président de l’AMOE à l’assemblée générale annuelle, le 9 novembre dernier, à Sherbrooke.
« Nous avons réussi. Plus de 86 % de la population de notre territoire dispose désormais d’un médecin de famille. De manière absolue, c’est 11 % de plus qu’en 2015. Nos taux d’assiduité frôlent également les 90 %. Bravo ! Nous avons répondu à l’appel collectif. Mais notre tâche est loin d’être terminée », a indiqué le Dr Alain Demers aux membres de l’Association des médecins omnipraticiens de l’Estrie (AMOE) présents à l’assemblée générale annuelle.
Dans un monde idéal, a tenu à souligner le président de l’AMOE, chaque médecin devrait pouvoir s’installer où il veut. Il devrait pouvoir pratiquer le type de médecine qu’il veut et avoir le nombre de patients qu’il veut. « Mais voilà, ce n’est pas la situation actuelle. Nous faisons partie d’un réseau de santé social dont nous devons accepter les avantages… et les obligations qui y sont rattachées », a poursuivi le Dr Demers d’un ton calme, mais en pesant ses mots.
Certes, l’AMOE peut se féliciter d’avoir atteint les cibles demandées aux omnipraticiens de l’ensemble du Québec. « Il reste toutefois encore plus de 30 000 patients – dont la moitié vivent dans le secteur de Sherbrooke –, dans les guichets d’accès de la région. Parmi ces personnes, près de 1000 attendent depuis plus de quatre ans d’avoir un médecin de famille. Oui, nous avons atteint les cibles, mais nous n’avons pas encore atteint LA cible : celle qui nous lie à notre contrat social », a déclaré le président.
Le Dr Demers a rappelé à ses membres que tout avait été dit sur les éventuelles conséquences de la loi 20*. Et il a répété, une fois de plus, qu’il est impossible de demander à chacun de faire le même travail. Chaque médecin est différent. « Mais vous aurez été avisés. Vous êtes majeurs et vaccinés. À vous de faire ce qu’il faut pour faire suspendre une fois pour toutes la loi 20 », a insisté le président.
Aux yeux du Dr Demers, une couverture de 100 % serait fort utopique. De toute façon, les données le montrent : un certain pourcentage de la population ne désire pas avoir un médecin de famille. Néanmoins, il serait réaliste de répondre à la demande d’au moins 90 % de la population.
Et pour y parvenir, le Dr Demers ne croit pas que les médecins de famille doivent à tout prix quitter la deuxième ligne pour inscrire davantage de patients. Lui-même confie avoir choisi la médecine de famille parce qu’il pouvait justement faire de la première et de la deuxième ligne dans sa pratique. « Nous avons démontré notre bonne volonté. L’aide doit maintenant venir du gouvernement et de la collaboration des autres professionnels de la santé », a-t-il souligné. À ce propos, le Dr Demers estime qu’il est grand temps de revoir la Loi sur l’assurance maladie. « Ses règles nuisent au travail de collaboration entre les médecins et les professionnels dans les cliniques. »
Le président de la FMOQ, le Dr Louis Godin, a renchéri sur plusieurs points abordés par le Dr Demers. « L’ère des menaces et du bâton semble être terminée, entend-on de la part du cabinet de la ministre Danielle McCann. Mais, il ne faut surtout pas baisser la garde devant nos bons résultats. Nous pouvons fortement présumer que le nouveau gouvernement en place aura, lui aussi, comme priorité d’offrir à la population un accès à un médecin de famille… et de s’assurer que les patients ont la possibilité de voir leur médecin quand ils en ont besoin », a affirmé le Dr Godin. En fait, les médecins de famille ont la possibilité de reprendre une position plus avantageuse vis-à-vis du gouvernement. « Pour cela, a-t-il dit, il faut continuer de maintenir le rythme des inscriptions et vider les guichets. »
« L’inscription de plus de 44 202 personnes depuis trois ans constitue un beau tour de force », a pour sa part signalé la chef du Département régional de médecine générale de l’Estrie, la Dre Raymonde Vaillancourt. Invitée à présenter son plus récent rapport, la clinicienne a souligné chaleureusement les efforts des médecins des neuf réseaux de santé locaux qu’elle chapeaute. Elle a également accordé une étoile aux médecins de famille des vingt-cinq groupes de médecine de famille de son territoire qui comptent désormais une moyenne de plus de 1000 patients inscrits.
La Dre Vaillancourt a également signalé la réduction notable des cas P-4 et P-5 dans les urgences de la région. De 65 %, en 2015, ces cas représentent maintenant moins de 58 % des visites à l’urgence.
La chef du DRMG s’inquiète toutefois du nombre élevé de retraites à venir. Plus d’une trentaine de médecins de l’AMOE cumulent plus de 40 ans de pratique. Des omnipraticiens dont il faudra prévoir le transfert de patients.
Sur le plan interne, l’AMOE analyse la possibilité de créer une nouvelle catégorie de membres qui permettrait aux omnipraticiens retraités de rester au fait des activités de l’association. Ces médecins, a précisé le Dr Demers, n’auraient pas de droit de vote, mais seraient invités à participer aux rencontres et pourraient continuer de recevoir les communications de l’AMOE.
D’ailleurs, les communications ont été un autre thème vedette de l’assemblée générale. Le président de l’AMOE a annoncé la récente embauche d’une coordonnatrice qui s’occupera de ce volet au sein de l’association. L’Estrie rejoint ainsi d’autres associations de médecins omnipraticiens qui se sont dotées des services d’un expert en communication. « Comme nous n’avions ni le budget ni le volume de travail nécessaires pour offrir un poste à temps plein, nous avons entamé des discussions avec l’association voisine, l’AMOY, a expliqué le Dr Demers. Nous allons donc partager les services de la conseillère qu’elle a embauchée l’an dernier. Une entente verbale a été conclue entre les deux associations. »
*Le nom exact de la loi est : Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.