Des mesures plus souples pour faciliter la prise en charge
Au cours du conseil de la Fédération, qui a eu lieu le 5 octobre dernier, le président, le Dr Louis Godin, a fait le point sur plusieurs dossiers, dont les mesures facilitant l’inscription de patients et la rémunération par capitation.
Où en est le taux d’inscription de la population ? Le 13 septembre dernier, au Québec, 6 538 007 personnes avaient leur propre médecin de famille. Soit 81,3 % de la population. « Depuis le 31 décembre 2018, les omnipraticiens ont pris 76 227 nouveaux patients, a indiqué le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, au cours du conseil. Ces résultats méritent d’être soulignés étant donné le difficile contexte dans lequel les médecins travaillent actuellement. »
La cible de 85 % n’est cependant pas atteinte. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), pour sa part, souhaite surtout que les médecins de famille prennent en charge 175 000 nouveaux patients d’ici le 30 juin prochain. « C’est possible », a indiqué le président en se fondant sur les données des années précédentes. On entame d’ailleurs la saison la plus productive de l’année, l’automne, a-t-il souligné.
Pour aider les médecins à prendre en charge de nouveaux patients, la FMOQ et le MSSS renégocient plusieurs mesures. Ainsi, les lettres d’entente no 304 et no 321 seraient assouplies. Actuellement, le premier accord, qui porte sur le transfert en bloc de la clientèle d’un omnipraticien prenant sa retraite, exige d’un médecin qui désire s’en prévaloir qu’il prenne en charge au moins 250 patients. « On s’entendrait pour baisser le plafond à 50 patients », a affirmé le Dr Godin.
En ce qui a trait à la lettre d’entente no 321, qui concerne la prise en charge d’un groupe de patients venant du guichet d’accès à un médecin de famille, les conditions qui s’appliquent spécifiquement aux nouveaux omnipraticiens deviendraient plus faciles à remplir. À l’heure actuelle, pour adhérer à la mesure, les jeunes cliniciens doivent prendre 1000 patients et présenter leur demande au cours des deux mois qui suivent l’obtention de leur permis de pratique. « On a demandé l’assouplissement de ces deux exigences. Les jeunes médecins pourraient ainsi prendre un minimum de 100 patients et ne plus avoir de date limite pour faire leur demande. »
La ministre de la Santé, pour sa part, a offert son aide aux médecins pour leur permettre de prendre en charge le plus grand nombre possible de patients. « Elle nous a dit que si on avait besoin, par exemple, de personnel, on pourrait en obtenir », a indiqué le président. Les besoins varient d’une région à l’autre. « Nous allons demander à chacune de nos associations affiliées de définir leurs besoins avec les médecins de leur territoire. Qu’est-ce qui peut être fait chez eux ? Qu’est-ce qui les aiderait à prendre de nouveaux patients ? Ensuite, des demandes pourront être transmises au département régional de médecine générale et à l’établissement de soins de la région. » Le travail a déjà commencé dans certains milieux.
Pour encourager les médecins de famille à élargir leur clientèle, un forfait spécial sera offert à ceux qui parviennent aux seuils de 750 et de 1000 patients. Un premier dénombrement a été effectué le 30 septembre. Ceux qui ont atteint l’une des deux cibles recevront un versement en décembre.
Toutefois, une deuxième lecture aurait lieu. « Pour donner au plus grand nombre de médecins possible la possibilité d’atteindre la cible d’inscription, nous avons convenu avec la ministre d’un deuxième décompte le 31 octobre », a annoncé le président. Ceux qui réussissent à atteindre cette fois l’objectif ne recevront cependant leur versement qu’au début d’avril. « Le paiement aura lieu selon les règles habituelles de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) qui doit effectuer les contrôles administratifs prévus. »
Un autre portrait de la clientèle, qui lui deviendra annuel, sera effectué le 31 décembre. « Il n’y aura pas de deuxième lecture en janvier », a toutefois averti le président. Ce dernier conseille par ailleurs à ses membres de tenir compte des patients inactifs quand ils évaluent leur clientèle. Les patients qui n’ont pas consulté depuis au moins trois ans ne comptent plus. « Un médecin moyen en a toujours entre 6 % et 10 %. Ne visez donc pas 750 patients. Envisagez toujours d’en inscrire peut-être 7 % de plus, soit environ une cinquantaine de personnes additionnelles. »
Un autre conseil, pour les futurs retraités cette fois. Pour ne pas avoir à rembourser le supplément lié aux clientèles de 750 ou de 1000 patients, mieux vaut informer sans tarder la RAMQ de la date de la retraite. « Si vous cessez de travailler, par exemple le 20 décembre, mais n’en informez pas la régie, elle vous versera les sommes associées aux seuils. Cependant, lorsqu’elle apprendra que vous avez pris votre retraite, elle mettra fin à vos inscriptions rétroactivement à partir du 20 décembre et vous réclamera le remboursement des forfaits versés. Chaque année, quelques dizaines de milliers d’inscriptions sont ainsi désactivées. »
La pénurie d’effectifs médicaux, qui a recommencé à sévir au Québec, a lourdement frappé les régions éloignées. « L’été n’a vraiment pas été facile, mais on a réussi à passer au travers », a relaté le Dr Godin.
Le risque de rupture de services n’avait pas été aussi élevé depuis des années. « Dans certains endroits, il n’y a actuellement que 50 % des effectifs. Cela rend la tâche des médecins présents vraiment très difficile. On doit régler cette situation. Le jour où il y aura une rupture de service dans un secteur névralgique, on sera tous dans une situation critique. Je pense que, collectivement, on se doit de donner un coup de main aux régions en difficulté. »
La Fédération cherche des solutions. Elle envisage, par exemple, d’accorder de nouveaux incitatifs financiers. « Le médecin qui s’installerait pendant deux ans dans un sous-territoire souffrant d’une grave pénurie d’effectifs dans une région éloignée pourrait recevoir une certaine somme. Chaque année, on réévaluerait la situation. C’est ce que nous avons proposé au ministère. » Ce dernier a toutefois lui aussi un programme pour accroître le recrutement dans les zones éloignées. « Il faudra que l’on coordonne nos mesures », a estimé le président.
Le temps presse cependant. Des solutions doivent être rapidement mises sur pied. Les dates d’échéance pour les plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM) arrivent. « Il faut que les mesures soient prêtes à temps pour que les médecins puissent les connaître avant de faire leurs demandes. »
La FMOQ et le ministère sont en train d’élaborer un nouveau modèle de rétribution pour les omnipraticiens : la capitation. Un mode aux règles tout à fait différentes. « Dans la capitation, la rémunération du médecin n’est pas liée au contact avec les patients », a expliqué le Dr Godin. Cette nouvelle méthode de rémunération est associée à un forfait, ce qui donne aux cliniciens une plus grande latitude dans leur pratique. Ils peuvent, par exemple, recourir aux services d’autres professionnels de la santé sans être financièrement pénalisés ou communiquer avec leur clientèle de différentes manières.
La capitation permettrait ainsi une pratique moderne. « Qu’on le veuille ou non, le travail avec d’autres professionnels est incontournable. Comme l’utilisation des nouvelles technologies. Au cours des prochaines années, nous allons être en interaction avec nos patients par toutes sortes de moyens. Consultations électroniques, courriels. »
Les représentants de la Fédération ont eu de nombreuses discussions avec des médecins d’autres régions du Canada. Ils savent également qu’en Europe la majorité des médecins de famille sont payés ainsi. « Ce que l’on vise ? Permettre aux médecins de famille de prendre plus de patients. C’est ce qui s’est produit en Ontario quand le mode par capitation a été adopté », a précisé le président.
La formule étudiée au Québec ne serait toutefois pas un mode purement à capitation. Dans le monde, la majorité les modèles sont d’ailleurs mixtes. Le nouveau mode comporterait ainsi, selon certaines proportions à définir, un forfait de capitation et des paiements à l’acte.
Que rémunérerait le forfait de capitation ? Il inclurait le paiement des soins directs aux patients, plusieurs mesures déjà payées sur une base forfaitaire, la rétribution du travail interdisciplinaire, des diverses formes de consultations ainsi que des échanges avec les patients et les autres professionnels. Comme tous les patients ne demandent pas le même temps ni les mêmes efforts au médecin, le forfait serait modulé selon plusieurs facteurs.
La rémunération à l’acte actuelle persisterait. « La nomenclature serait maintenue intégralement. Les actes faits par le médecin ou par un collègue de son groupe seraient payés selon un certain pourcentage pour un patient inscrit et à 100 % pour un patient non inscrit. »
Pour s’engager dans cette voie, la FMOQ pose certaines conditions. « Le nouveau mode doit être adopté sur une base volontaire. Il doit être proposé pour les activités de première ligne et être offert dans tous les milieux, pas seulement dans les groupes de médecine de famille (GMF). »
Le nouveau mode de rémunération ne couvrirait pas tous les aspects de la rémunération des médecins de famille. La Fédération souhaite exclure certains secteurs d’activités de la future formule. Elle propose également de ne pas l’utiliser pour rétribuer la pratique dans certains programmes, comme, en santé mentale, en toxicomanie et itinérance, en cliniques jeunesse, etc.
Plusieurs actes pourraient par ailleurs continuer à être payés à 100 %. Par exemple, la petite chirurgie. Pourquoi ? « On sait que dans les groupes de médecins, généralement un ou deux cliniciens pratiquent cette activité. S’ils ne sont payés qu’à une fraction du tarif pour traiter les patients de leurs collègues, ce ne sera pas rentable pour eux », a précisé le président. La Fédération souhaite également que les soins à domicile soient rémunérés à 100 %. « Nous avons expliqué au gouvernement que c’était très difficile de trouver des médecins pour faire des visites à domicile et qu’on ne pouvait pas les payer à un tarif ou à un pourcentage réduit. » D’autres activités, comme les tâches médicoadministratives en première ligne, pourraient également être rétribuées à 100 %.
La FMOQ propose par ailleurs que le remboursement de certains coûts, comme les frais de cabinet et ceux des dossiers médicaux électroniques, ne soit pas touché par le futur mode de rémunération.
Sous le nouveau régime, les médecins des régions éloignées, pour leur part, ne perdraient pas leurs paiements bonifiés. « Les majorations accordées par les Annexes XII et XII–A seraient maintenues, tant pour la rémunération à l’acte que pour le forfait de capitation », a précisé le Dr Godin.
Ainsi, les principales bases du mode de rémunération mixte à capitation ont été jetées. Mais beaucoup de travail reste à faire au cours des prochains mois tant sur le plan des modalités que de l’échéancier.