retrouver une position de force
Au cours de l’assemblée générale annuelle de l’Association des médecins omnipraticiens de la Mauricie, qui a eu lieu le 6 novembre à Trois-Rivières, le président de l’organisme, le Dr Pierre Martin, a abordé des questions essentielles pour la profession médicale.
L’un des facteurs qui influenceront l’avenir de la médecine familiale ? Le contrat social qui lie les médecins à la population. « Cette responsabilité populationnelle relève de chacun d’entre nous sur une base individuelle, mais concerne aussi nos groupes de médecins, les GMF, les cliniques médicales. Comment pouvons-nous nous partager le travail que l’on a à faire quand on regarde non pas le patient devant nous, mais la population que nous devons desservir ? », a demandé le Dr Pierre Martin, président de l’Association des médecins omnipraticiens de la Mauricie (AMOM) à ses collègues au cours de l’assemblée générale.
Le président a beaucoup réfléchi à la question. Il estime qu’il faut tirer des leçons du passé. « Au cours des dernières années, nous nous sommes fait interpeller sur le taux d’inscription de la clientèle. Je pense qu’on a avantage à garder à l’esprit que lorsqu’on fait les efforts nécessaires pour bien organiser notre pratique, il y a un gain. Un gain de crédibilité, un gain organisationnel, un gain dans les négociations. »
Au fil du temps, le taux d’inscription de la population a fini par devenir le bulletin scolaire des médecins de famille, fait remarquer le Dr Martin. « La note de passage est de 85 %. C’est le pourcentage de la population que nous devons prendre en charge. De nos résultats dépend beaucoup la perception du public à notre égard. L’avenir de notre profession risque d’être différent selon l’atteinte ou non de ces 85 %. »
Que gagneront les médecins s’ils réussissent ? « On va d’abord et avant tout revendiquer le respect, affirme le président de l’AMOM. On sent qu’il y a des dérapages sur ce plan. Dans les médias, les médecins de famille servent de boucs émissaires, alors que ce sont des professionnels respectables dont la performance n’a rien à envier à celle des autres. Ils travaillent fort et font beaucoup dans le réseau de la santé. »
Mais ce qui est particulièrement critique pour l’instant, ce sont les dispositions punitives de la loi 20 qui pourraient éventuellement entrer en vigueur. Le Dr Martin l’a d’ailleurs rappelé à ses membres. « Les politiciens au pouvoir pourront, à leur discrétion, appliquer ces articles tant et aussi longtemps que ces derniers ne seront pas abrogés, ce qui est conditionnel à l’atteinte de la cible d’inscription nationale de 85 %. »
Au cours des dernières années, les médecins de famille ont pris de nombreux patients en charge. Mais il reste encore du travail à faire. Le Dr Martin en a une conscience aiguë. « Est-ce qu’il y aurait des façons de revoir notre organisation de travail pour inscrire les 3,5 % de la population qu’il nous manque ? »
Le président a invité ses membres à se pencher sur la question. « Nous devons agir non pas sur une base individuelle, mais plutôt sur une base collective. Comment un groupe de médecins peut-il arriver à mobiliser ses pairs autour d’un objectif commun qui est celui de leur responsabilité sociale ? Il faut se rendre compte qu’on a peut-être une occasion de reprendre le rôle de chef de file qu’on devrait avoir dans l’organisation des services de santé. »
Le président de l’AMOM croit en la démocratie participative. Il estime que les médecins doivent être consultés, mais aussi encouragés à se mobiliser. « Ce sont nos instances organisationnelles qui doivent prendre l’initiative : la FMOQ, bien sûr, les associations régionales, mais également les départements régionaux de médecine générale et les tables médicales territoriales. Il faut que les messages descendent vers nos plus petits dénominateurs communs qui regroupent les médecins autour d’enjeux collectifs : les réseaux locaux de services, mais aussi les GMF et les autres cliniques. Pour que les médecins se sentent concernés, il faut un regroupement qui soit près d’eux. »
Pour honorer le contrat social que les médecins ont avec la population, des chefs sont nécessaires. « Il faut faire la promotion du leadership médical, former nos médecins à devenir des chefs et reconnaître le rôle des leaders dans chacun de nos groupes d’organisation. Naturellement, il faut répondre présent si ces derniers nous sollicitent. »
Dans cet effort collectif, il faut par ailleurs compter avec les jeunes. « On n’y arrivera pas si on ne comprend pas la réalité des nouveaux omnipraticiens, a expliqué le Dr Martin à ses confrères. Certains disent : “Les jeunes médecins ne travaillent pas comme les plus âgés”. Ils travaillent comme les autres jeunes. Il faut trouver des structures d’organisation qui permettent à ces omnipraticiens de s’épanouir dans le respect de leurs valeurs qui ne sont pas celles des médecins d’avant. »
Pour parvenir au but fixé, le président a par ailleurs rejeté la contrainte. « On a vu ce que cela a donné sous l’ancien gouvernement. Il faut plutôt une approche permettant l’autogestion de la profession. Je crois que dans un contexte où ils participent à la gestion du réseau, les médecins de famille vont se sentir valorisés et apporter leur contribution. Il pourrait ainsi être possible d’obtenir un grand succès collectif et de se repositionner. On pourrait alors reprendre la place que nous avons toujours eue, celle où on a le respect de la population. »
Venu rencontrer les médecins de la Mauricie, le Dr Louis Godin, président de la FMOQ, a fait le point sur plusieurs dossiers, dont celui de la capitation. Le nouveau modèle de rémunération que négocient actuellement la Fédération et le gouvernement comprendrait un forfait de capitation et un certain pourcentage du tarif à l’acte. La rémunération du médecin de famille ne sera ainsi plus totalement liée aux consultations.
« L’effet visé est de permettre l’inscription de nouveaux patients, la pleine utilisation des compétences des autres professionnels de la santé, le recours aux nouveaux modes de consultation et l’amélioration de l’accès à un médecin de famille », a expliqué le Dr Godin.
Dans la salle, plusieurs omnipraticiens désiraient des précisions. « Est-ce qu’avant de passer à ce mode, nous allons avoir une idée de notre scénario personnel sur le plan financier pour que l’on ne se lance pas dans le vide sans avoir d’idée de ce que cela représente ? », a demandé une clinicienne.
La Fédération et le gouvernement n’en sont pas encore à cette étape, a indiqué le président. « Une fois que l’on se sera entendu sur les principes et les modalités du nouveau mode de rémunération, on va regarder les chiffres. Il faudra entre autres déterminer la hauteur des forfaits de capitation. Aucun médecin n’adhérera à ce nouveau mode de rémunération s’il ne sait pas combien il va recevoir. »
Cependant, il y a des inconnues. On ignore, par exemple, quel effet aura le nouveau mode de rétribution sur la pratique, a souligné le président. « Dans beaucoup de modèles à capitation, il y avait une baisse du nombre d’actes chez chacun des médecins. C’est parce que ceux-ci commencent à pratiquer autrement. Ils ne sont plus obligés de voir les patients. Nous ne savons pas de quel ordre sera cette réduction. Nous allons donc faire des estimations. »
Les médecins de famille qui choisiront le mode de rémunération mixte avec capitation devront y gagner au change, a par ailleurs précisé le Dr Godin. Un groupe d’experts sera d’ailleurs créé pour faire le suivi. //