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Cessation tabagique

cigarette électronique ou substituts nicotiniques ?

Emmanuèle Garnier  |  2019-04-01

La cigarette électronique serait deux fois plus efficace que les substituts nicotiniques pour cesser de fumer. Au bout d’un an, cependant, de nombreux utilisateurs y recourent encore, et on en ignore les effets à long terme.

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Dr Séguin

Qu’est-ce qui est plus efficace pour cesser de fumer : les substituts nicotiniques, comme les timbres ou la gomme, ou la cigarette électronique ? C’est cette dernière, selon une récente étude publiée dans le New England Journal of Medicine1.

La cigarette électronique donnerait des résultats presque deux fois meilleurs que les produits de remplacement de la nicotine. Elle permettrait d’atteindre au bout d’un an un taux d’abstinence de 18 % contre 10 % pour les substituts nicotiniques.

Est-ce donc le traitement à choisir ? Pas forcément, estime le Dr Sean Gilman, pneumologue et directeur du programme de cessation tabagique du Centre universitaire de santé McGill. « L’étude montre qu’il y a eu un plus grand taux d’abstinence chez les utilisateurs de cigarettes électroniques, mais que 80 % de ceux qui ne fumaient plus dans ce groupe vapotaient encore après un an. On n’a donc pas nécessairement traité leur dépendance à la nicotine. Il faut également penser qu’on ne connaît pas les effets à long terme de la cigarette électronique. »

Pour le spécialiste, les timbres, gommes, vaporisateurs et autres produits de remplacement de la nicotine prescrits en association les uns avec les autres restent une bonne solution. « En général, les deux meilleurs traitements pour cesser de fumer sont la varénicline et le traitement de remplacement de la nicotine en association. Mais il faut toujours aussi offrir au patient un counselling. » Et quand ces traitements échouent ? « Il faut réessayer et réessayer encore. »

Toutefois, quand rien ne fonctionne, la cigarette électronique peut être une avenue. Tout comme lorsque le patient doit immédiatement cesser de fumer. « Certains fumeurs n’ont pas le temps de faire tentative après tentative, parce qu’ils ont une grave maladie pulmonaire obstructive chronique ou doivent rapidement subir une chimiothérapie. Dans ces cas, la cigarette électronique est un très bon outil », précise le Dr Gilman.

La cigarette électronique peut également être proposée comme béquille à ce type de malades. « On peut leur prescrire des timbres, des pastilles ou des gommes de nicotine et leur suggérer l’emploi de la cigarette électronique pour résister aux envies. On leur dit que s’ils ont un impérieux besoin de fumer, de ne surtout pas allumer de cigarette, mais de vapoter. »

Différents parfums

C’est en Grande-Bretagne que des chercheurs, M. Peter Hajek, de la Queen Mary University of London, et ses collaborateurs ont comparé la cigarette électronique à la thérapie de remplacement de la nicotine. Ils ont recruté 886 personnes inscrites aux services de cessation tabagique du National Health Service. Les sujets ont été répartis au hasard en deux groupes. Dans le premier, les participants pouvaient utiliser les substituts nicotiniques de leur choix : timbres, gomme à mâcher, pastilles, vaporisateur nasal, inhalateur, vaporisateur buccal, pellicules orales et comprimés sublinguaux. « On encourageait l’emploi d’associations, généralement un timbre et un produit par voie orale à action rapide », écrivent les chercheurs. C’est ce qu’ont fait 88 % des sujets.

Dans le second groupe, les participants ont reçu une trousse de départ pour la cigarette électronique : un modèle de deuxième génération remplissable et une bouteille de nicotine liquide d’une concentration de 18 mg/ml. Les gens devaient ensuite acheter des recharges. « Ils étaient incités à expérimenter des liquides de différents parfums et diverses concentrations. » Le traitement dans les deux groupes incluait un soutien comportemental hebdomadaire pendant au moins un mois.

Soixante-dix-neuf pour cent des sujets ont terminé l’étude. Le principal critère d’évaluation de l’essai était l’abstinence au bout d’un an. Une donnée que les chercheurs confirmaient par le taux de monoxyde de carbone expiré.

Le taux d’abstinence lié aux substituts nicotiniques, qui était de 10 % contre 18 % pour la cigarette électronique, semble particulièrement bas pour le Dr Gilman. « Dans les autres études, il est généralement autour de 18 % et est semblable au taux de la varénicline qui est d’environ 20 % à un an. »

« Quand on normalise l’utilisation des cigarettes électroniques dans la population, on oublie l’influence que l’on a alors sur les jeunes. »

– Dr Sean Gilman

Les attraits du vapotage

Pourquoi la cigarette électronique est-elle plus efficace ? Peut-être parce qu’elle offre à ses utilisateurs une plus grande satisfaction et les aide davantage à refréner leur envie de fumer que les substituts nicotiniques. Une semaine après le début de l’arrêt, et même un mois plus tard, les participants qui recouraient à la cigarette électronique ressentaient un besoin de fumer moins intense que les sujets de l’autre groupe. Pendant les sept premiers jours d’abstinence, ils étaient moins irritables, moins agités et avaient une meilleure concentration. Au bout de quatre semaines, il ne restait néanmoins que peu de symptômes d’inconfort dû au sevrage dans les deux groupes.

Le vapotage avait également l’air de plaire à long terme à ses utilisateurs. Parmi les sujets qui ne fumaient plus au bout d’un an, le pourcentage de ceux qui employaient encore le produit qui leur avait été assigné était de 80 % chez les participants qui employaient la cigarette électronique (63 personnes sur 79) et de 9 % chez ceux qui recouraient aux substituts nicotiniques (4 sur 44 sujets).

Les effets indésirables ? Les personnes qui utilisaient la cigarette électronique se plaignaient un peu plus d’irritation à la gorge ou à la bouche (65 % contre 51 %). Par contre, ceux qui employaient les produits de remplacement de la nicotine ressentaient davantage de nausées (38 % contre 31 % pour la cigarette électronique).

L’engouement des jeunes

Étrange cette étude qui s’intéresse à l’efficacité du vapotage, un des traitements de derniers recours en cessation tabagique. « L’Angleterre, pays où elle a eu lieu, est très procigarette électronique, explique le Dr Gilman. Les autorités ont lancé le vapotage à une vitesse étonnante pour remplacer le tabac. Le gouvernement a même investi dans la formation des employés de magasins de cigarettes électroniques pour leur permettre de faire de la cessation tabagique. »

Le pneumologue, pour sa part, redoute la popularisation du vapotage. « Quand on normalise l’utilisation des cigarettes élec­tro­ni­ques dans la population, on oublie l’in­fluence que l’on a alors sur les jeunes. En Angleterre et partout en Amérique, ils vapotent de plus en plus. On a maintenant une génération de jeunes qui sont devenus dépendants à la nicotine à cause des cigarettes électroniques, pas à cause du tabac. La prochaine étape pour eux ce sera probablement de fumer. »

Les nouvelles cigarettes électroniques Juul lancées à la fin de l’été inquiètent particulièrement le spécialiste. Branchées, modernes, elles ont des al­lures de clé USB. « Elles sont cools, ont des couleurs et des sa­veurs attrayantes et sont plus concentrées en nicotine. »

La conclusion à retenir ? « Il ne faut pas recommander les cigarettes électroniques à un patient avant d’avoir essayé les médicaments approuvés par Santé Canada et reconnus comme efficaces et sûrs, tels que la varénicline et les produits de remplacement de la nicotine. » //

1. Hajek P, Phillips-Waller A, Przulj D, et coll. A randomized trial of e-cigarettes versus nicotine-replacement therapy. N Engl J Med 2019 ; 380 (7) : 629-37.