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Étude DiRECT sur la rémission du diabète

Deux ans plus tard

Emmanuèle Garnier  |  2019-07-30

Entre 2014 et 2017, dans le cadre de l’étude DiRECT, 149 pa­tients diabétiques atteints d’obésité ont commencé à suivre un régime draconien. L’objectif : une perte d’au moins 15 kg et la rémission du diabète. Un an plus tard, de nombreux participants avaient réussi : 46 % étaient normoglycémiques et 24 % avaient perdu le poids désiré (voir Le Médecin du Québec de mars 2018). Mais ces gains ont-ils duré ?

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Au bout de deux ans, bien des sujets ont repris du poids. Cependant, 36 % sont toujours normoglycémiques et 11 % sont parvenus à conserver une perte de 15 kg et plus (tableau I). « Les résultats de la deuxième année de l’étude DiRECT montrent qu’une rémission continue du diabète est possible », indiquent les auteurs de l’étude, le Dr Michael Lean, de l’Université de Glasgow, et ses collaborateurs dans Lancet Diabetes & Endocrinology1.

L’essai s’est déroulé au Royaume-Uni. Là, vingt-trois clini­ques de médecine familiale ont pris en charge les 149 patients. Les sujets, dont l’indice de masse corporelle se situait entre 27 kg/m2 et 45 kg/m2, étaient atteints du diabète de type 2 depuis moins de six ans et ne recouraient pas à l’insuline. L’intervention consistait à faire cesser aux participants la prise d’antidiabétiques et d’antihypertenseurs et à remplacer leur alimentation par une diète liquide de 825 kcal à 853 kcal par jour pendant de douze à vingt semaines.

Le groupe témoin, lui, était composé de 149 sujets suivis dans vingt-six autres cliniques et traités selon les normes recommandées. Deux ans plus tard, seulement 3 % d’entre eux sont encore en rémission et uniquement 2 % ont maintenu leur perte d’au moins 15 kg (tableau I).

Tableau

L’écart entre groupe expérimental et groupe témoin se maintient donc au bout de vingt-quatre mois. La différence de perte de poids est de – 5,4 kg et celle de la diminution du taux d’hémoglobine glyquée, de – 4,8 mmol/mol. Dans le groupe expérimental, 40 % prennent par ailleurs de nouveau des antidiabétiques par rapport à 84 % dans le groupe témoin.

Que s’est-il passé entre la première et la deuxième année dans le groupe qui a suivi la diète ? Les sujets ont gagné en moyenne 2,6 kg. La maîtrise du poids n’a pas été sans difficulté. Au cours des deux années de l’étude, environ la moitié du groupe a eu besoin d’une intervention de secours consistant en un remplacement partiel de l’alimentation par une diète liquide ou en une substitution totale parfois associée à la prise d’orlistat. Certains sujets ont dû recourir plus de trois fois au plan de sauvetage.

Tous ces efforts semblent en avoir valu la peine. « La prolongation de la rémission était liée à l’importance de la perte de poids maintenue », précisent les chercheurs. Ainsi, parmi l’ensemble des participants, 70 % de ceux qui ont perdu 15 kg ou plus sont redevenus normoglycémiques. Cette proportion descend à 60 % pour une perte de 10 kg à 15 kg et à seulement 5 % pour une perte de moins de 5 kg (tableau II).

Tableau II

Des sujets très sélectionnés

Les chercheurs semblent satisfaits des résultats : la diète du programme DiRECT a permis de maintenir la rémission au bout de 24 mois chez plus du tiers des diabétiques qui l’ont suivie.

« C’est une autre preuve de concept de la relation très importante entre l’excès de poids et le risque d’apparition du diabète de type 2. À mon avis, la plus grande vertu de cette étude est d’en avoir fait la démonstration en l’absence d’intervention chirurgicale ou d’autres facteurs confondants », estime le Dr André Carpentier, endocrinologue au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

Le spécialiste a toutefois un reproche à faire à l’étude DiRECT : son absence de mesures pour augmenter l’activité physique. « Effectuer une intervention nutritionnelle sans changer le degré d’activité physique, c’est un peu faire les choses à moitié. Il faut utiliser l’exercice pour maintenir les bienfaits à long terme d’un régime. »

Une diète aussi sévère que celle qui a été utilisée dans l’étude ne convient par ailleurs pas à tous les patients. Les participants du programme DiRECT ont été très sélectionnés, souligne la Dre Kaberi Dasgupta, spécialiste en médecine interne au Centre universitaire de santé McGill. « Parmi les 1500 personnes qui pouvaient participer à l’étude, les chercheurs n’ont pu en recruter que 306. Cependant, je pense que les personnes qui décident de suivre un tel régime et bénéficient d’un encadrement adéquat ont de bonnes chances d’obtenir une rémission du diabète. »

Les chercheurs estiment que le genre de gestion intensive du poids qu’ils ont testée devrait être offert en première ligne. « Ce type d’intervention fonctionne, mais nécessite beaucoup d’investissement, fait remarquer la Dre Dasgupta. C’est toute une entreprise que d’avoir une personne à temps plein qui se consacre à ce programme. Combien de personnes va-t-elle suivre en un an ? Quels en seront les coûts ? »

Mais cette voie reste intéressante. « Tant l’étude de Da Qing que l’étude DiRECT sont très excitantes. Je pense qu’elles devraient nous pousser à réfléchir à ce que nous pouvons faire pour intégrer davantage les changements d’habitudes de vie dans nos pratiques cliniques. Elles nous donnent deux options qui s’ajoutent à celles que nous avons déjà », conclut la chercheuse. //

Bibliographie :

1. Lean M, Leslie W, Barnes A et coll. Durability of a primary care-led weight-management intervention for remission of type 2 diabetes: 2-year results of the DiRECT open-label, cluster-randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019 ; 7 (5) : 344-55.