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Examens et tests de laboratoire

Comment assurer un suivi adéquat des résultats ?

Emmanuèle Garnier  |  2019-07-30

Pour bien suivre les résultats d’examens, au moins des plus critiques, il est conseillé de mettre sur pied un système. Idéalement, la méthode choisie doit tenir compte de toutes les étapes du processus de suivi des résultats.

Examens laboratoires


G Lefebvre

La position du Collège des médecins du Québec est claire : le clinicien qui prescrit un test à un patient est responsable du suivi des résultats. À cause du nombre élevé d’examens en jeu, la tâche peut sembler colossale.

« Idéalement, il faut avoir un système fiable pour le suivi de tous les tests, indique la Dre Guylaine Lefebvre, directrice de l’Amélioration de la pratique à l’Association canadienne de protection médicale (ACPM). Cependant, il faut surtout se concentrer sur les plus critiques. »

Les tests de détection du cancer comptent parmi les plus cruciaux. « Près de 50 % des demandes d’aide que reçoit l’ACPM au sujet d’un manque de suivi des résultats touchent l’oncologie. Cela peut concerner une mammographie, une radiographie du poumon, etc. Avant le diagnostic, on ne sait pas d’emblée qu’il y a un cancer. Il faut donc être conscient que le résultat du test que l’on prescrit pourrait être positif », explique la médecin.

Quelle méthode de suivi adopter ? « Il n’y a pas un système qui fonctionne pour tous les cliniciens. Le médecin doit travailler au sein de son milieu pour mettre en place la méthode la plus efficace possible. » La tâche, cependant, est complexe. Les praticiens peuvent faire appel à leur équipe pour les aider. Les mem­bres du personnel, comme les infirmières et les secrétaires, sont souvent d’une grande utilité pour repérer les failles du système et y remédier.

La Dre Lefebvre conseille de procéder par étape. « Faites un petit changement, une fois le besoin comblé, vous serez plus en mesure d’examiner d’autres solutions. On peut se dire, par exemple, que l’on va travailler sur telle étape du suivi pour les tests les plus importants. »

« Il n’y a pas un système qui fonctionne pour tous les cliniciens. Le médecin doit travailler au sein de son milieu pour concevoir la méthode la plus efficace possible. »

– Dre Guylaine Lefebvre

Vérifier chacune des étapes du suivi

L’une des manières de procéder est d’examiner chacune des étapes du processus de suivi des résultats d’examen (encadré). C’est ce que l’ACPM recommande dans un article de sa revue, Perspective ACPM1. « Un système fiable de suivi comprend des mesures de sauvegarde à chaque étape, de façon à assurer la redondance de la protection. Lorsque l’une des phases échoue, le processus compte une étape en aval pouvant, idéalement, permettre de redresser la situation », indique l’organisme.

Pour chaque médecin, les zones périlleuses peuvent être différentes. « Il faut regarder les étapes du suivi et se demander : “Dans ma situation particulière où est le plus grand risque pour mes patients ?” », explique la Dre Lefebvre.

Les médecins doivent être particulièrement vigilants à l’égard des examens cruciaux. « On ne peut pas compter sur la chance. Il faut avoir des filets de sécurité. On en met un deuxième pour réduire la possibilité que les résultats passent inaperçus. »

Y a-t-il des étapes particulièrement délicates au cours du suivi ? Toutes peuvent l’être, indique la Dre Lefebvre. « À l’ACPM, pour chacune, on a vu des problèmes, que ce soit des poursuites ou des plaintes au Collège des médecins. Souvent, les lacunes ne surviennent pas seulement à une étape, mais parfois sur plusieurs. »

Les différentes étapes

Prescription de l’examen

Quand le médecin prescrit un examen à une personne, il doit lui en expliquer l’importance. « Parfois, le patient ne sait pas que ce test peut, par exemple, permettre de déceler un cancer plus tôt », explique la directrice de l’Amélioration de la pratique.

Pour les examens déterminants, il faut aussi indiquer au patient le temps d’attente possible avant l’obtention des résultats. « On ne se sert pas de l’adage “pas de nouvelle, bonne nouvelle” quand c’est important. On dit au patient : “Si vous n’avez pas de nouvelles, c’est peut-être parce que la demande s’est perdue ou qu’il est arrivé quelque chose. Dans tant de semaines ou tant de jours, appelez-moi, et on fera un suivi de notre côté.” »

Administration de l’examen

Il peut arriver que le patient oublie d’aller passer l’examen. Parfois, le temps d’attente avant d’avoir un rendez-vous est long. Plusieurs semaines ou plusieurs mois. « Dans ces cas, ou pour un certain groupe de tests, on va vouloir mettre de l’énergie. Il faut regarder comment on va s’y prendre pour faire le suivi », affirme la Dre Lefebvre.

L’ACPM propose une méthode. « Établissez une date limite raisonnable d’ici laquelle vous souhaitez recevoir les résultats, en tenant compte du contexte de votre pratique. Communiquez avec les patients dont les résultats n’ont pas été reçus à cette date pour leur rappeler de subir l’examen. »

Production et transmission des résultats

Quand des résultats anormaux arrivent, ils peuvent se perdre dans l’ensemble des données normales. L’ACPM recommande donc aux consultants d’aviser verbalement le médecin prescripteur de tout résultat crucial ou inattendu et d’inscrire clairement dans la partie supérieure du document qu’ils rédigent : « RÉSULTAT ANORMAL » ou « AVERTISSEMENT – CONSTATATION INATTENDUE ».

« On a vu des cas où ce n’était pas évident, dans le texte d’interprétation radiologique, qu’il pouvait y avoir une tumeur et qu’il fallait un suivi. Le médecin devait lire entre les lignes pour le comprendre. Il faut que le problème soit indiqué très clairement. Le bon suivi des résultats n’est donc pas seulement la responsabilité du médecin de famille. Il doit y avoir un bon travail d’équipe derrière lui pour l’aider », estime la médecin.

Les laboratoires ont également un rôle important à jouer. « On peut travailler avec eux pour s’assurer que lors de l’envoi des résultats, ils nous mentionnent ceux qui sont urgents ou critiques. Certains laboratoires appellent les médecins pour le leur dire. Il serait important que dans les documents qu’ils transmettent, les résultats anormaux soient indiqués de façon évidente pour ne pas être pas classés sans que le médecin le sache. »

Encadré 1 - exam labo

Analyse et classement des résultats

L’une des situations les plus risquées dans le suivi des tests : les cas où le clinicien ne voit pas les résultats. « Si je ne les ai pas lus, j’ignore qu’ils sont anormaux. Mais est-ce que je n’ai pas vu le résultat parce que mon patient n’est pas allé passer le test, parce que le résultat a été envoyé à la mauvaise personne, parce qu’il a été classé sans que je l’aie lu, parce qu’on n’a pas décelé qu’il y avait une anomalie ? Beaucoup de raisons sont possibles. Dans le cas de tests potentiellement critiques, il faut donc un second filet. Le médecin peut dire au patient qu’on lui téléphonera, quel que soit le résultat, ou lui demander de le rappeler ou de venir le voir s’il n’a pas de nouvelles », dit la Dre Lefebvre.

Le clinicien peut avoir, de son côté, un système qui lui indique qu’il n’a pas reçu les résultats d’un test. L’ACPM suggère aux médecins de se mettre un rappel électronique soit dans le dossier médical électronique (DME), soit dans le calendrier pour ne pas oublier de vérifier la réception d’un résultat.

Le médecin doit par ailleurs aviser le personnel de ne pas verser de résultats au dossier tant qu’il ne les a pas passés en revue. « Approuvez les résultats et décrivez brièvement les mesures prises », conseille l’Association canadienne de protection médicale.

Communication des résultats et suivi du patient

Pour certains praticiens, la principale difficulté est de joindre leur patientèle. « J’ai récemment parlé à un groupe de médecins dont beaucoup de patients n’avaient pas de domicile fixe. Pour eux, le plus gros problème était de créer un système pour communiquer avec ces derniers si les résultats n’étaient pas normaux », explique la Dre Lefebvre.

Certaines précautions doivent par ailleurs être prises pour l’ensemble des patients. Il est par exemple opportun qu’à l’accueil, le personnel confirme auprès d’eux leurs coordonnées. « Il faut également avoir un système quand il n’y a pas de réponse. Pour les personnes plus difficiles à joindre, selon la situation de chacun, on peut considérer une autre façon d’offrir un suivi », indique la médecin.

« Un système fiable de suivi compte des mesures de sauvegarde à chacune de ses étapes, de façon à assurer la redondance de la protection. »

– ACPM

L’ACPM recommande d’établir une politique non seulement au sujet du nombre de fois que le personnel de la clinique appellera le patient, mais aussi concernant le moment et la façon d’utiliser une méthode de rechange. « Par exemple, communiquer avec la personne à joindre en cas d’urgence, en ayant au préalable obtenu le consentement du patient », écrit l’ACPM.

Pour ne pas oublier de transmettre des résultats à un patient, le médecin peut par ailleurs créer une alerte qui se déclenchera la prochaine fois qu’il communiquera avec lui. Avant de répondre à une demande téléphonique de renouvellement de prescription, le clinicien peut aussi vérifier s’il y a des résultats en attente.

« On ne suggère pas que le médecin appelle individuellement chaque patient qui a un résultat normal. Ce serait trop difficile à gérer. Mais il faut qu’il y ait un suivi d’une façon ou d’une autre lorsque les résultats sont anormaux ou quand il y a une inquiétude. Les patients doivent être mis au courant dans ces cas », explique la Dre Lefebvre.

Pour surmonter plusieurs de ces défis, le DME peut être utile. « Ce dernier figure probablement parmi vos meilleurs outils pour la création d’un système fiable de suivi. De nombreux DME comptent d’efficaces fonctions intégrées de suivi », rappelle l’ACPM.

Les situations à risque

Certaines situations présentent des risques particuliers pour le suivi des résultats de laboratoire. Entre autres les transitions de soins. « Par exemple, un omnipraticien envoie un patient à un spécialiste qui lui fait passer un test ; chacun des deux médecins s’attend à ce que l’autre fasse le suivi. Un patient est hospitalisé et passe des examens à l’hôpital, mais le suivi doit se faire dans le cabinet du médecin par la suite. Comment va-t-on s’assurer d’avoir les résultats entre ces étapes ? Il y a aussi les patients qui vont dans un service de consultation sans rendez-vous, passent un test et retournent voir leur médecin », décrit la Dre Lefebvre. Les cliniciens doivent donc se pencher sur ces situations.

La pratique de groupe présente aussi ses dangers. « Si je travaille dans une équipe un jour par semaine, qui va faire le suivi des résultats des tests que j’ai prescrits quand je serai absente ? Aussitôt qu’il y a une équipe, il faut avoir un système assez robuste », affirme la directrice de l’Amélioration de la pratique.

Il y a également des moments particulièrement périlleux : les fins de semaine et les vacances. « Quand on conçoit notre système ou quand y ajoute des filets pour le rendre plus efficace, il faut s’assurer de prendre en considération ces périodes. »

La Dre Lefebvre est consciente qu’il est intenable pour un médecin de ne jamais prendre congé. Qu’on ne peut lui demander de voir sans répit les résultats qui lui parviennent à toute heure. « Il est donc primordial de créer des solutions d’équipe pour avoir des soins sûrs sans épuiser nos médecins. » //

Bibliographie :

1. ACPM. Pour un suivi efficace en pratique clinique : un système robuste de suivi en huit étapes. Perspective ACPM 2019 ; 1 (1) : 10-3. Publié initialement en mars 2019 : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2019/closing-the-loop-on-effective-follow-up-in-clinical-practice ou https://bit.ly/2FpoAGe

2. Agency for Healthcare Research and Quality [En ligne]. Improving your laboratory testing process. Rockville : AHRQ. https://www.ahrq.gov/professionals/quality-patient-safety/hais/tools/ambulatory-care/labtesting-toolkit.html ou https://bit.ly/31NMfcG