Vous devez être impatients de vous assurer de bien saisir le fonctionnement de la nouvelle mesure dont nous avons traitée dans notre dernière chronique. Reste à expliquer la différence entre l’évaluation de septembre 2019 et les subséquentes et à donner des exemples.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Les évaluations se font en fonction de la réalité au 31 décembre de chaque année, sauf en 2019 où une première évaluation aura lieu le 30 septembre. Cette première évaluation ne s’effectuera pas selon les mêmes règles que les suivantes. Mieux vaut donc comprendre les différences pour éviter les surprises.
De façon à pouvoir effectuer le paiement en décembre 2019, la RAMQ prend une « photo » de l’état connu au 30 septembre et effectue le paiement correspondant. Si certaines inscriptions effectuées au plus tard le 30 septembre n’ont pas encore été transmises à la RAMQ, cette dernière ne pourra pas en tenir compte. De la même façon, si des patients sont décédés peu de temps avant le 30 septembre et que la RAMQ ne l’a pas encore appris elle comptera ces patients dans les inscriptions s’ils donnaient lieu au versement du forfait annuel d’inscription générale durant l’année. Pour la même raison, si le 30 septembre, la RAMQ n’a pas reçu la facturation de visites rendant une inscription active ou permettant au médecin d’inscrire un patient, elle n’en tiendra pas compte. Les parties négociantes ont convenu que la RAMQ ne révisera pas le paiement pour tenir compte d’informations reçues après la date d’évaluation. C’est le prix à payer pour que le paiement puisse se faire en décembre 2019.
Si un médecin a l’impression d’être près d’un des seuils à l’approche du 30 septembre, il est très important qu’il s’assure de communiquer rapidement ses inscriptions à la RAMQ et de transmettre la facturation de ses activités de première ligne tout aussi rapidement afin que l’information détenue par la RAMQ au 30 septembre soit la plus proche possible de la réalité.
Les évaluations effectuées le 31 décembre donneront lieu à un paiement en juin de l’année qui suit la date d’évaluation. Ce délai permet à la RAMQ d’attendre que la période de 90 jours prévue pour la transmission des inscriptions ou de la facturation soit écoulée. La RAMQ disposera donc non seulement de l’information qu’elle avait en date du 31 décembre, mais aussi de ce qui est entré par la suite et qui modifie cet état de fait. Il s’agira donc de la réalité des inscriptions du médecin, et non d’une « photo » prise le 31 décembre. Par conséquent, le médecin n’a pas à se bousculer durant le mois de décembre pour s’assurer que les services et inscriptions de décembre soient transmis avant la fin du mois.
Notez par ailleurs que si des patients décèdent le 30 ou 31 décembre, cette information sera connue de la RAMQ dans les semaines suivantes, et l’évaluation du 31 décembre le reflétera. Comme un médecin « perd » annuellement en moyenne quatre pour cent de sa clientèle (par décès, déménagement ou autre), il est risqué de compter sur le supplément si vous respectez le seuil, mais ne disposez pas d’une petite marge excédentaire pour prévoir de telles éventualités.
Un médecin en exercice depuis cinq ans comptait 500 patients au 1er janvier 2019, dont 39 % de patients vulnérables. Il a vu l’ensemble de ces patients dans les 36 mois qui précèdent le 30 septembre 2019. Le 15 juin 2019, il en demande 200 au GAMF selon la lettre d’entente 321, donc 40 % sont codifiés A, B ou C (les autres sont codifiés D ou E). Tous ces patients lui confirment qu’ils l’acceptent comme médecin de famille. Il en informe donc la RAMQ dans les délais prévus. Il n’inscrit pas d’autres patients durant l’année.
Par prudence, on devrait réduire le nombre de patients existants de 4 % pour tenir compte des décès et des déménagements. Dans notre exemple, on suppose que notre médecin a donc 480 patients. Comme il en a ajouté 80 codifiés A, B ou C selon la lettre d’entente 321, ces derniers seront pondérés et compteront pour 160 patients. Les autres pris selon la lettre d’entente 321 ne seront pas pondérés. Ce médecin aura donc probablement 480 1 160 1 120 patients dont les inscriptions sont actives ou considérées comme telles, soit 760 patients lors de l’évaluation du 30 septembre 2019. Il atteint ainsi le seuil de justesse. Par mesure de prudence, il pourrait prendre quelques patients de plus.
Si le médecin s’était prévalu de la lettre d’entente 321 à une date plus rapprochée du 30 septembre, ce serait plus compliqué. La date retenue par la RAMQ pour considérer un patient comme inscrit en vertu de la lettre d’entente 321 est celle de la réception de l’inscription du patient dans les services en ligne (catégorie d’inscriptions « sans visite »). Comme les patients disposent de trente jours pour confirmer leur acceptation et que le médecin doit attendre l’accord des patients avant de les inscrire, une attribution de patients au début de septembre peut donner des résultats aléatoires.
Un médecin en exercice depuis trois ans compte, au 1er janvier 2019, 850 patients inscrits actifs, dont 38 % de patients vulnérables. Comme il réduit sa pratique en établissement, le 15 août il prend un transfert en bloc de 250 patients conformément à la lettre d’entente 304 (il convient du transfert à la mi-juin, mais la date effective est le 15 août). Ces patients ont tous été vus par le médecin précédent au cours des deux ans et demi précédant la date du transfert en bloc. Cent cinquante de ces patients transférés sont des patients vulnérables. Le nouveau médecin voit soixante-quinze de ces patients avant la fin septembre 2019, leur fait signer le consentement confirmant leur prise en charge lors d’une visite et les inscrits dans le système de la RAMQ. Il n’inscrit pas d’autres patients durant l’année.
Ce médecin n’a pas pris de patients provenant du GAMF ou conformément à la lettre d’entente 321. Il ne bénéficie donc pas de la pondération s’appliquant à ces clientèles. Bien qu’il ait pris des patients en vertu de la lettre d’entente 304, ces patients ne bénéficient pas de la pondération applicable aux patients provenant du GAMF. S’ils sont pondérés, ce sera donc parce que notre médecin compte plus de 40 % de patients vulnérables. Toutefois, l’ensemble des patients transférés dont les inscriptions sont actives seront comptabilisés (tous selon notre exemple), même s’ils n’ont pas encore été vus par leur nouveau médecin.
Le calcul se ferait donc comme suit : 850 2 4 % (roulement moyen) 5 816 1 250 patients ayant fait l’objet d’un transfert en bloc, pour un premier total non pondéré de 1066. Par la suite, sa proportion de patients vulnérables est évaluée : 38 % de 816 1 150 patients vulnérables transférés en bloc ou (816 3 0,38) 1 150 5 460 patients vulnérables 4 1066 (nombre total de patients) 5 43,15 %. C’est donc dire que trente-trois patients vulnérables donneront droit à la pondération selon le ratio de deux pour un. La RAMQ lui reconnaîtra donc 1099 patients.
Si seulement une centaine de patients transférés en bloc avaient été vus par leur ancien médecin au cours des deux ans et demi avant le transfert, bon nombre de ces patients pourraient être inactifs. Selon que le nouveau médecin, avant la date d’évaluation, voit des patients actifs ou les autres, le nombre de patients retenus pour l’évaluation pourra être inférieur à mille. Il est donc prudent de faire le calcul pour éviter les surprises.
Espérons que ces informations vous permettront d’évaluer s’il est dans votre intérêt de prendre quelques patients de plus et d’éviter les déceptions. Le mois prochain, nous traiterons du constat de décès à distance. D’ici là, bonne facturation ! //