Outils et traitements
Comment dépister la dépression chez les patients souffrant de problèmes dermatologiques comme le psoriasis ? La Dre April Armstrong, dermatologue de la University of Southern California, recommande la version à deux questions du Questionnaire sur la santé du patient (QSP-2) dans son éditorial du JAMA Dermatology1.
L’outil, bien connu, est simple. Il consiste à calculer le score du patient après lui avoir posé la question :
« Au cours des deux dernières semaines, à quelle fréquence avez-vous été dérangé par les problèmes suivants ?
h Peu d’intérêt ou de plaisir à faire les choses
h Vous sentir triste, déprimé ou désespéré »
Le Dr Eliot Mostow, de la Northeast Ohio Medical University, et ses collègues, recourent eux aussi au QSP-2 pour les patients acnéïques prenant de l’isotrétinoïne par voie orale. Quand le score du patient atteint 3 ou plus, ils lui font parfois passer la version à neuf questions de l’outil. Avant d’arrêter leur choix sur ces questionnaires, les médecins ont essayé d’autres instruments2.
« Il s’agit d’opinions d’experts, indique la Dre Jacynthe Rivest, psychiatre en consultation-liaison au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Ce sont des données dont il faut tenir compte. Cependant, pour recommander un questionnaire en santé publique, il faut que tout un processus de validation ait été effectué. » Dans le domaine de la cancérologie, par exemple, cet exercice a été fait, précise la spécialiste, responsable médicale du Programme de détection de la détresse, au Centre intégré de cancérologie du CHUM.
Plusieurs problèmes dermatologiques sont liés non seulement à une augmentation du risque de dépression, mais aussi de suicide. « De façon générale, lorsque le patient présente des symptômes dépressifs, c’est une bonne pratique d’évaluer le risque suicidaire », précise la psychiatre.
Quels patients faut-il cibler généralement ? Ceux qui ont déjà des problèmes psychiatriques, qui présentent de nouveaux symptômes de troubles de santé mentale pendant leur traitement dermatologique ou qui vivent des stress importants. Un dépistage est également nécessaire auprès des personnes dont la maladie est difficile à supporter, parce qu’elle est grave, chronique, se manifeste à des endroits visibles comme le visage ou gênants comme les parties génitales. « Il faut aussi ajouter les patients qui présentent des symptômes psychologiques et qui prennent des médicaments susceptibles d’augmenter le risque de suicide », affirme la spécialiste.
Si une dépression est détectée, plusieurs traitements peuvent être offerts au patient. « On sait que pour les maladies de peau qui provoquent de la détresse, la psychothérapie est utile, explique la Dre Rivest. Elle peut aider le patient à mieux vivre avec le risque de stigmatisation, mais aussi à mieux gérer le stress. Il est connu que le stress et une affection chronique comme le psoriasis forment un cercle vicieux. La psychothérapie peut aussi être efficace pour traiter les autres maladies psychiatriques, comme l’anxiété et la dépression, qui semblent associées aux affections dermatologiques. »
Sur le plan pharmacologique, les antidépresseurs peuvent constituer de précieux outils. « On a de bonnes données sur leur efficacité pour traiter l’anxiété et la dépression, améliorer le sommeil et, chez certaines personnes atteintes d’affections dermatologiques, diminuer le prurit. On pense que pour les patients qui ont des maladies dermatologiques qui provoquent des démangeaisons, ce qui brise le sommeil et diminue la qualité de vie, les antidépresseurs pourraient être utiles. »
Pratiquant en cancérologie, la Dre Rivest a l’habitude de collaborer avec d’autres spécialistes. Une formule qui donne de bons résultats. Un tel modèle pourrait servir en dermatologie. « Il serait souhaitable que la reconnaissance de la dépression soit une responsabilité partagée entre tous les acteurs. Une coopération entre dermatologues, médecins de famille et spécialistes en santé mentale permettrait d’offrir à des patients vulnérables un accès rapide aux services dont ils ont besoin. » //
1. Armstrong A. Exploring Mental disorders in patients with skin diseases. JAMA Dermatol 2019 ; 155 (6) : 660-1.
2. Schrom K, Nagy T, Mostow E. Depression screening using health questionnaires in patients receiving oral isotretinoin for acne vulgaris. J Am Acad Dermatol 2016 ; 75 (1) : 237-9.