une baisse des demandes d’aide au début de la pandémie
La pandémie n’a pas eu les conséquences dévastatrices qu’on aurait pu craindre sur la santé mentale des médecins. Du moins au début. Ainsi, étrangement, le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) a connu une baisse de demandes d’aide durant les deux premiers mois de la crise : une diminution de 21 % en mars et de 22 % en avril par rapport à l’an dernier.
« C’est normal. Les médecins étaient en train de réagir, explique la Dre Anne Magnan, directrice générale du PAMQ. Il y avait de la détresse, mais ils la géraient bien. C’est sûr que l’on va vraiment en voir les conséquences dans un an ou deux. »
Affronter la crise pour les praticiens, c’était un peu comme assister à un accident. « L’adrénaline grimpe. Il y a des victimes qui ont besoin d’aide. Les médecins vont se concentrer sur les soins à donner, et non sur leur souffrance psychologique. Ils veulent régler les problèmes. Ils étaient beaucoup dans l’action, pas dans le soutien psychologique. »
L’heure était au combat. « Ce que l’on entendait et ce que l’on voyait, c’était qu’il y avait beaucoup de réunions, de formations, de rencontres pour s’organiser. Les gens se parlaient plus. C’était la bonne façon de gérer le stress aigu causé par la COVID », estime la Dre Magnan.
La demande pour des services d’aide est revenue à la normale en mai, pour ensuite grimper de 83 % en juin et de 10 % en juillet, comparativement à l’an dernier. En juin, cependant, les fédérations médicales ont fait une campagne pour inciter leurs membres à aller chercher de l’aide précocement.
Bien des appels reçus par le PAMQ depuis huit mois sont liés au coronavirus. « Le médecin-conseil me disait qu’il y avait des situations très complexes où la COVID venait ajouter une difficulté de plus, explique la Dre Magnan. Il s’agissait de médecins déjà dans une situation précaire. »
La pandémie, toutefois, touchait directement certains cliniciens. « Les problèmes étaient très variables. Ce pouvait être le stress financier, parce que plusieurs ne travaillaient pas. Certains chirurgiens n’ont plus opéré. D’autres ont eu à signer certaines journées un nombre énorme de certificats de décès. »
Souvent, il y avait un déséquilibre. « Par exemple, trop ou pas assez de travail. Au début de la pandémie, il y avait la pénurie d’équipement de protection et à la fin la fatigue d’avoir à le porter. Les difficultés ont varié au cours de la crise. »
Durant la pandémie, deux fois plus de chefs d’équipe ont appelé au Programme pour savoir comment aider leurs membres de manière préventive. « On a réfléchi à ce dont les médecins avaient besoin. C’était de parler. Mais il fallait leur donner une structure pour le faire », explique la directrice.
Le PAMQ a misé sur la création de groupes de soutien entre pairs. « C’est ce qui est utile, selon la littérature. On a conçu des outils pour aider les médecins à en mettre sur pied. On peut trouver sur notre site Internet (pamq.org) une trousse de départ. »
Comment cela fonctionne-t-il ? « Selon la littérature, ces groupes doivent être autonomes. Il ne faut pas qu’il y ait d’expert à l’intérieur. Il doit y avoir un échange. » Les médecins peuvent ainsi se parler de ce qu’ils ont trouvé le plus difficile durant leur semaine, de ce qui les aiderait et des événements réconfortants de la journée.
Et maintenant que la deuxième vague déferle, quelle est la pire menace pour les médecins ? C’est l’éventualité d’avoir à faire des choix déchirants, estime la Dre Magnan. « Si à un moment donné il y a trop de patients, si le système déborde, s’il n’y a pas assez de personnel et que les médecins ne sont pas capables de donner les soins qu’ils pensent nécessaires à tous les patients, ce sera particulièrement dommageable pour eux. » La Dre Magnan travaille avec la Dre Rachel Thibault, ergothérapeute et chercheuse spécialisée dans la résilience. « Selon elle, le pire pour la santé psychologique, c’est d’être en porte-à-faux avec ses valeurs. » //