Avec la pandémie, dans le but d’éviter la confusion entre les cas de COVID-19 et de grippe saisonnière, les médecins seront sans doute davantage sollicités pour participer à l’effort de vaccination afin de réduire les cas de grippe dans la collectivité. La facturation de ces services pose parfois des difficultés quand les patients font partie des populations les plus susceptibles de souffrir des complications de la grippe et de la COVID-19. Discutons-en !
Depuis dix ans, la vaccination en cabinet a connu une décroissance pour plusieurs raisons, notamment parce que la « gratuité » des vaccins fournis par la Santé publique n’est offerte qu’aux patients. En effet, les cabinets, eux, doivent prendre en charge les frais de livraison. Le nombre de doses par livraison étant limité, il faut de multiples livraisons, sans compter les frais d’assurance contre le bris ou la perte par défaut de réfrigération (ou le remboursement des vaccins à la Santé publique, le cas échéant) et les frais administratifs et d’injection des vaccins. En outre, les conséquences des pertes sont de plus en plus importantes, car la Santé publique a élargi sa couverture pour inclure des vaccins de plus en plus chers.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Un code est prévu pour la rémunération de l’évaluation d’un patient dans le cadre d’une séance de vaccination antigrippale de masse (codes 20021, 20022, 20023, 20024). Le code s’applique en cabinet et en établissement, mais non à domicile. Plusieurs médecins semblent croire que ce code n’existe plus. Même s’il était temporaire lors de son introduction, il est devenu permanent par la suite. Le tarif est décroissant lorsque le médecin évalue plus de 200 patients le même jour dans ce contexte. Par ailleurs, il n’est pas possible de réclamer la prime de vulnérabilité, le cas échéant, ou toute autre rémunération. Et le code ne s’applique pas aux séances de vaccination de masse d’un « groupe identifiable ». Cette dernière contrainte découle du règlement d’application qui prévoit que la vaccination des membres d’un « groupe identifiable » ne constitue pas un service assuré, à moins d’avoir l’autorisation préalable de la RAMQ. Cette notion n’a pas fait l’objet d’une interprétation. On peut toutefois supposer que le législateur a voulu exclure de la couverture de l’assurance maladie les groupes de travailleurs dont l’employeur propose la vaccination ou des groupes religieux ou communautaires. Il peut néanmoins y avoir plusieurs groupes identifiables qui font partie des clientèles cibles de la Santé publique. C’est sans doute ce qui explique pourquoi la RAMQ autorise la couverture sur demande. La clientèle d’un médecin ou d’une clinique ne constitue vraisemblablement pas un « groupe » au sens de cette règle.
Vous aurez noté qu’une clientèle est exclue du libellé, soit les personnes recevant leurs soins à domicile. Bien que la Fédération ait récemment demandé l’extension à tout lieu et soit dans l’attente d’une réponse du ministère, le tarif pour la vaccination antigrippale de masse ne s’applique pas pour l’instant aux résidences pour personnes âgées, milieux qui peuvent organiser des séances de vaccination de masse pour leurs clients. Il s’agit aussi de milieux particulièrement à risque pour la COVID-19, comme nous l’avons vu au printemps 2020.
Si vous vaccinez cette clientèle à l’occasion de visites de suivi, il n’y a pas de problème. La rémunération de la vaccination est alors incluse dans celle de la visite, selon sa nature. En cabinet, pour une clientèle dont seulement un faible pourcentage est visé par la recommandation de la Santé publique, il peut s’agir d’une approche tout à fait appropriée, bien que lente. Dans le cas d’une résidence pour personnes âgées, où presque tous les résidents sont d’un âge visé par la recommandation de la Santé publique, ça peut paraître excessivement lent, d’où l’intérêt d’organiser un événement de vaccination antigrippale de masse.
La résidence peut toujours demander au CLSC local d’organiser une séance de vaccination de masse sur place. Elle peut aussi embaucher du personnel infirmier. Ces solutions ne font pas appel au médecin, sauf possiblement pour la prise en charge des complications allergiques ou autres. Si c’est le choix retenu, c’est donc une bonne idée de prévoir la séance de vaccination quand le médecin se trouve sur place. Outre la rétribution de ses activités régulières, ce dernier sera alors rémunéré exclusivement pour les patients qu’il évaluera.
Si c’est le médecin qui fait aussi la vaccination, il serait prudent, dans un premier temps, de demander l’autorisation de la RAMQ afin d’être certain que le service est bien assuré.
Si la RAMQ donne son aval, le médecin devra ensuite se demander quel code il peut utiliser. Nous avons vu qu’il ne peut pas se prévaloir des codes évoqués précédemment. Il reste donc deux possibilités, soit le code 00474 qui vise l’administration d’un vaccin sans examen (tarif : 2,30 $) et la visite autrement applicable (visite ponctuelle mineure ou autre).
En 2017, à la suite d’un différend, un arbitre a tranché sur ce que pouvait facturer un médecin en pareil contexte entre l’examen ordinaire (ancienne nomenclature) et le code 00474. Il a statué que le médecin devait réclamer le code 00474 lorsque le seul but de la visite était la vaccination, même s’il avait un contact avec le patient, revoyait les contre-indications, s’assurait du consentement de ce dernier et injectait lui-même le vaccin.
Cette décision est contraire à la compréhension qu’avait la Fédération de ce qui s’applique en l’absence d’un code comme celui de l’évaluation d’un patient dans le cadre d’une séance de vaccination antigrippale de masse. Cependant, à l’époque de la décision, le ministère a refusé une première fois d’élargir l’application du code d’évaluation au domicile ou d’abolir le code 00474.
Comme l’arbitre s’est penché uniquement sur l’examen ordinaire, on ne peut pas présumer que sa décision s’applique également à la visite de suivi ou à la visite ponctuelle mineure. Le raisonnement de l’arbitre repose toutefois sur les exigences de l’examen ordinaire, c’est-à-dire que le médecin doit effectuer un examen pour poser le diagnostic ou pour « initier » un traitement. Selon l’arbitre, le patient qui se présente pour se faire vacciner n’a pas de « problème ». Selon lui, commencer un traitement suppose une démarche qui exige un suivi, ce qui, pour lui, n’est pas le cas de la vaccination. Le libellé tant de la visite de suivi que de la visite ponctuelle mineure vise aussi l’évaluation d’un patient qui a un « problème ». La décision pourrait donc s’appliquer à ces deux visites.
On comprendra pourquoi plusieurs médecins exerçant en résidence pour personnes âgées préféreront ne pas participer directement à l’effort de vaccination de masse dans ces milieux. C’est malheureux, mais comme nous l’avons évoqué précédemment, il existe d’autres options, soit de faire appel au CLSC ou à du personnel infirmier.
D’ici à ce que l’on sache si l’application du libellé sera élargie aux patients à domicile, vous êtes maintenant en mesure de répondre adéquatement aux résidences pour personnes âgées qui vous demandent de participer à des séances de vaccination de masse. D’ici la prochaine chronique, bonne facturation ! //