Entrevues

Entrevue avec le président de l’association de l’ouest du Québec

Solutions à des problèmes inacceptables

Emmanuèle Garnier  |  2020-02-05

Les médecins de l’Outaouais ont de la difficulté à avoir accès aux spécialistes et à obtenir leurs rapports, en particulier en radiologie. L’Association des médecins omnipraticiens de l’ouest du Québec (AMOOQ), présidée par le Dr Marcel Guilbault, a décidé d’agir.

M.Q. — La collaboration avec les médecins spécialistes est parfois difficile. Quel est le principal problème ?

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M.G. – Depuis longtemps, les médecins de famille de notre région se plaignent particulièrement du retard avec lequel ils reçoivent les résultats des examens de radiologie. Certains m’écrivent qu’ils reçoivent également des rapports de consultation illisibles et en retard. Plusieurs en ont reçu datant de 2017-2018 pour des patients maintenant décédés. C’est inacceptable. Une vraie honte.

Au cours des dix dernières années, l’AMOOQ s’est adressée au Département régional de médecine générale (DRMG) et à l’établissement pour régler ces problèmes, surtout ceux qui concernent les rapports de radiologie. Ils ont d’abord engagé des transcriptrices du Nouveau-Brunswick pour transcrire les rapports, puis ils ont convaincu la majorité des radiologistes d’utiliser la reconnaissance vocale par ordinateur. Puis les gestionnaires ont arrêté. On a protesté. On leur dit : « Faites quelque chose. Formez les radiologistes restants ou remplacez-les. » Si je demande une mammographie et qu’elle est positive, je ne veux pas avoir les résultats dans quatre mois.

M.Q. — Y a-t-il eu une goutte qui a fait déborder le vase ?

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M.G. – Tous les médecins de famille en avaient assez de courir après les résultats. En plus, le Collège des médecins du Québec et l’Association canadienne de protection médicale (ACPM) nous disent que nous sommes responsables du suivi des résultats des tests que l’on demande. Il fallait donc faire quelque chose. Comme médecins de famille, on a décidé de forcer le système à s’améliorer.

M.Q. — Qu’avez-vous choisi de faire ?

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M.G. – Au cours de l’assemblée générale de l’AMOOQ, nous avons adopté à l’unanimité plusieurs résolutions. Dans la première, nous demandons au CISSS d’exiger, par l’intermédiaire du directeur des services professionnels (DSP) et du comité des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP), que chacun des chefs de département présente un plan pour améliorer l’accès de sa spécialité et la transmission des rapports aux médecins de famille. Nous désirons que ces documents soient envoyés en quelques jours, dans une forme claire, lisible, informatisée.

M.Q. — Avez-vous répertorié les problèmes ?

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M.G. – Nous avons fait parvenir à tous les chefs de GMF un document qui permet à leurs médecins de noter les problèmes. Il s’agit d’un fichier Excel avec toutes les spécialités. On va ainsi savoir quelles spécialités nous envoient les rapports, lesquelles ne les envoient pas, les cas où les rapports sont illisibles, etc. On va pouvoir joindre des exemples. Nous allons envoyer tout cela au CMDP et aux chefs de département. Il ne s’agit pas de petits problèmes. Il y a des choses qui n’ont vraiment pas de sens. Moi, j’ai des cas chaque semaine. Cela peut être des rapports manuscrits dont je n’arrive même pas à lire le nom du spécialiste. J’ai également reçu dernièrement des rapports de 2018 concernant le suivi d’une patiente qui avait un cancer de l’ovaire et est maintenant morte. Je n’avais aucune nouvelle.

M.Q. — À quoi seraient dus tous ces problèmes ?

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M.G. – Parfois, ce n’est pas la faute du spécialiste. L’envoi tardif du rapport peut venir des archives. Le service peut avoir tellement de retard dans le traitement des documents qu’il nous les envoie quatre mois plus tard. Parfois, il n’a pas obtenu la signature des spécialistes. Les rapports ne sont pas envoyés tant qu’ils n’ont pas été signés. Donc, il faut voir d’où vient le problème.

M.Q. — Est-ce mieux ailleurs ?

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M.G. – Oui. Les rapports que l’on reçoit des spécialistes de l’Hôpital d’Ottawa, à côté, sont informatisés. Tout est là : « Merci docteur de nous avoir envoyé votre patient. Voici ses antécédents et ses médicaments. Voici ce qu’on a fait et le plan de traitement. » C’est un document de deux pages et demie que l’on reçoit deux ou trois jours après la consultation.

C’est le jour et la nuit avec les rapports de notre hôpital. En médecine interne, par exemple, on reçoit deux ou trois mois plus tard un papier illisible écrit à la main avec des copies carbone, comme dans les années 1970. Les rapports d’endoscopie, par exemple, sont écrits sur des papiers carbone. Il y a un dessin du côlon et des informations écrites à la main. Certains spécialistes écrivent bien ; d’autres, non.

M.Q. — Une des résolutions votées par votre association concerne le CRDS ?

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M.G. – Les médecins spécialistes du CRDS modifient parfois le niveau de priorité que l’on a inscrit sur notre demande de consultation. On voudrait avoir la possibilité de leur parler dans ces cas. Il est possible que l’on ait oublié de mettre une information dans notre demande ou que l’on ne soit pas d’accord avec le changement du degré de priorité. Il est arrivé que le CRDS ait classé comme moins urgent le cas d’un patient chez qui le médecin de famille soupçonnait un problème grave. Il s’est avéré que c’était un cancer du poumon. Un de mes collègues a demandé à différents organismes, dont l’ACPM et le Collège des médecins du Québec, ce qu’il fallait faire lorsque le délai est prolongé. Qui est responsable si le patient subit un préjudice ? La réponse était généralement : le médecin de famille. Donc, c’est nous qui devons aviser le patient que le spécialiste a changé la priorité, et si on n’est pas d’accord, on doit intervenir.

M.Q. — Quelle solution voyez-vous ?

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M.G. – Un spécialiste du CRDS nous a proposé que le médecin spécialiste qui suggère de modifier la priorité d’une consultation indique dans sa réponse ses raisons et invite le médecin de famille, s’il n’est pas d’accord, à lui envoyer des informations complémentaires ou à communiquer avec lui. Cela devrait se faire bientôt.

M.Q. — Certains des problèmes que vous dénoncez commencent donc à se régler.

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M.G. – Oui, ça bouge de ce côté-là. Notre association a par ailleurs adopté deux résolutions concernant nos propres obligations comme omnipraticiens. Nous nous engageons ainsi à sensibiliser nos membres au soin à apporter aux demandes de consultation en s’assurant de leur pertinence et en fournissant les informations nécessaires. De plus, si les spécialistes notent des problèmes récurrents, nous allons en informer nos membres et organiser au besoin une formation.

Notre but n’est pas de montrer du doigt un responsable. C’est vraiment de mieux collaborer et de mieux communiquer avec les spécialistes. Tout le monde y gagnera, et on pourra ainsi offrir de meilleurs soins aux patients. //