des données sur l’utilité de ce nouvel examen
Qu’apporte la genougraphie à la prise en charge médicale habituelle de l’arthrose du genou ? Une nouvelle étude vient de montrer que grâce au diagnostic et aux exercices personnalisés que ce nouvel examen permet, les patients éprouvent moins de douleur, notent moins de symptômes et sont moins entravés dans leurs activités quotidiennes1.
L’essai clinique, publié dans Postgraduate Medicine, comprenait 515 patients. Âgés en moyenne de 64 ans, ils présentaient des symptômes de gonarthrose depuis en moyenne 5,8 ans.
Subventionnée par différentes sources gouvernementales et privées, dont l’entreprise québécoise Emovi, qui commercialise la genougraphie, l’étude s’est déroulée dans 72 cliniques de la province. Les centres ont été répartis au hasard dans trois volets :
h groupe 1 : prise en charge médicale habituelle ;
h groupe 2 : prise en charge médicale habituelle 1 genougraphie ;
h groupe 3 : prise en charge médicale habituelle 1 genougraphie 1 formation du patient.
« On a dit aux médecins des trois groupes de continuer leur prise en charge habituelle de l’arthrose du genou. Ils n’avaient pas besoin de changer leur pratique, explique l’une des auteures principales de l’étude, la Pre Nicola Hagemeister, chercheuse au CHUM et professeure à l’École de technologie supérieure. Dans les groupes 2 et 3, toutefois, les patients passaient la genougraphie et le médecin recevait ensuite un rapport. Il était libre d’en tenir compte et d’en discuter ou non avec son patient. Cet examen devait constituer un ajout à la pratique médicale courante. »
Le groupe 1 comprenait 239 sujets. Les médecins de ce volet effectuaient une évaluation clinique du genou et prescrivaient au patient, comme d’habitude, un traitement en fonction de ses besoins : médicaments contre la douleur, injections, perte de poids, exercices, physiothérapie, etc.
Le groupe 2 comptait 121 patients qui, en plus de la prise en charge habituelle, passaient une évaluation musculosquelettique et une genougraphie. Ce dernier test permettait de détecter la présence de marqueurs mécaniques connus pour être des facteurs de risque de la progression de la gonarthrose : le varus, le valgus, le flexum, le varus dynamique (varus thrust) et la rotation tibiale.
Le médecin recevait un rapport comprenant les résultats des examens et les recommandations du thérapeute. Il avait ainsi à sa disposition une liste de suggestions de traitements (interventions mécaniques, activités sportives précises, etc.) et un programme personnalisé d’exercices que le patient devait faire à la maison pour corriger ses désalignements du genou.
« On ignore dans quelle mesure les informations étaient transmises au patient. On sait cependant que ce dernier recevait une feuille avec les exercices. Mais souvent, il n’avait pas beaucoup d’explications. Donc, dans ce groupe-là, certains participants sont allés voir un physiothérapeute pour se faire montrer les exercices », mentionne la Pre Hagemeister, ingénieure.
Les exercices étaient rapides à exécuter. « On a affaire à une population plutôt âgée qui ne veut pas effectuer des heures d’activité physique. Les exercices pouvaient demander cinq minutes. L’approche préconisée était d’adapter les recommandations aux capacités du patient », précise la chercheuse.
Dans le groupe 3, les 155 patients non seulement passaient une genougraphie, mais en plus rencontraient pendant une heure un thérapeute qui leur montrait comment effectuer les exercices et gérer leur douleur. Dans les mois suivants, les sujets participaient ensuite à deux rencontres de suivi en groupe.
Le principal critère d’évaluation de l’étude était le Knee Injury and Osteoarthritis Outcomes Score (KOOS). Ce questionnaire, rempli par les patients, évalue cinq aspects : les symptômes, la douleur, les activités quotidiennes, les sports et loisirs ainsi que la qualité de vie par rapport au genou. « Le KOOS évalue la perception qu’ont les gens de leur genou », précise la Pre Hagemeister.
Parmi les 515 participants, 449 ont rempli l’évaluation au début de l’étude et au bout de six mois. Dans chaque volet, un sous-groupe passait également deux tests physiques : la mesure de la force du quadriceps et le test debout-assis, c’est-à-dire le nombre de fois où les sujets pouvaient s’asseoir et se lever en trente secondes.
Au bout de six mois, l’amélioration du score global au test KOOS des patients des groupes 2 et 3 (ceux qui avaient passé une genougraphie), était statistiquement supérieure à celle du groupe témoin. De manière plus particulière, ils ressentaient moins de symptômes (P 0,05), de douleur (P 0,05) et pouvaient mieux vaquer à leurs activités quotidiennes (P 0,05). Ces sujets étaient également plus satisfaits des soins globaux qu’ils avaient reçus pour leur genou.
Ainsi, qu’un thérapeute ait montré ou non au patient à faire les exercices, la genougraphie constituait un ajout important à la prise en charge médicale habituelle. « J’ai eu la surprise de ma vie en voyant ces résultats ! Je m’attendais à ce qu’il n’y ait pas grand effet dans le groupe qui avait passé une genougraphie sans avoir eu de formation », indique la chercheuse.
La démonstration des exercices a-t-elle quand même été utile ? Oui. Les participants du groupe 3 ont eu de meilleurs résultats aux tests physiques que les autres sujets. La force de leur quadriceps s’est davantage accrue et leurs résultats au test debout-assis se sont améliorés de manière plus importante. Au bout de six mois, ils pouvaient presque faire deux mouvements lever-asseoir de plus en 30 secondes.
La formation, pense la Pre Hagemeister, a probablement eu un effet sur la qualité des exercices effectués. Et elle en a vraisemblablement eu un sur l’adhésion thérapeutique. Ainsi, 88 % des participants du groupe 3 ont fait leurs exercices pendant au moins trois mois contre 70 % dans le groupe 2 (P 0,001). « À partir du moment où vous dites à un patient ce qu’il a, que vous le lui expliquez, il comprend pourquoi il fait les exercices. »
Au bout de six mois, les sujets du groupe 3 étaient proportionnellement plus nombreux à indiquer une diminution de leurs douleurs et une amélioration de leur fonctionnement, de leur qualité de vie et de leur état général sur l’échelle de l’impression générale de changement (P 0,05 pour tous les facteurs).
Et qu’en est-il des médecins ? Dans quelle mesure ont-ils utilisé le rapport sur la genougraphie ? « On n’a pas vraiment mesuré cet élément, ce qui est une faiblesse de l’étude, reconnaît la Pre Hagemeister. On ne les a pas non plus interrogés sur ce qu’ils disaient aux patients. Par contre, on sait si ces derniers ont suivi les recommandations ou non. » Et la majorité l’a fait.
Les chercheurs ont néanmoins communiqué avec les médecins participants. « On a demandé à ceux qui ont eu accès à la genougraphie s’ils trouvaient les résultats utiles ou non. Neuf sur dix nous ont dit oui. » De manière générale, les cliniciens qui disposaient des résultats de la genougraphie étaient presque deux fois plus nombreux à être satisfaits des outils et des moyens à leur disposition pour guider et traiter leurs patients.
Ainsi, résument les auteurs de l’étude, la genougraphie « représente un outil validé qui fournit aux médecins de famille des informations quantitatives sur les marqueurs biomécaniques et les problèmes de désalignement reconnus qui sont corrigibles par les traitements et les exercices ciblés recommandés. » //
1. Cagnin A, Choinière M, Bureau N et coll. A multi-arm cluster randomized clinical trial of the use of knee kinesiography in the management of osteoarthritis patients in a primary care setting. Postgrad Med. Publié en ligne : octobre 2019.