Nouvelles syndicales et professionnelles

Piqûre avec une aiguille potentiellement contaminée

Quelles mesures prendre ?

Emmanuèle Garnier  |  2020-02-05

Que faire si, dans votre clinique, vous vous piquez avec une aiguille potentiellement contaminée ? Quelles mesures prendre si un stagiaire se blesse en recapuchonnant une seringue ? Ou encore si l’homme de ménage s’érafle avec une aiguille jetée dans une poubelle ?

Dre Dominique Tessier

Les piqûres d’aiguilles sont les accidents professionnels présentant le plus grand risque d’exposition à trois virus critiques, indique le Guide pour la prophylaxie et le suivi après une exposition au VIH, au VHB et au VHC, publié par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Si le liquide biologique est contaminé, la probabilité de transmission du virus de l’hépatite B (VHB) peut aller jusqu’à 31 %. Elle chute toutefois à 0,5 % pour le virus de l’hépatite C (VHC) et à 0,32 % pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

Les premières étapes

Par quoi faut-il commencer ? On doit d’abord nettoyer la plaie. « On la lave à l’eau, avec ou sans savon. Il ne faut pas la faire saigner pour éviter de créer plus d’inflammation et d’irritation et ne pas utiliser d’alcool ni de désinfectant », recommande la Dre Dominique Tessier, directrice médicale de la Clinique de prophylaxie postexposition du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Où aller ensuite ? Il faut se rendre dans un établissement désigné pour s’occuper des cas d’exposition aux liquides biologiques. À Montréal, c’est à la Clinique de prophylaxie postexposition. Pour y avoir accès, on doit se rendre aux urgences du CHUM. « Il faut préciser qu’il s’agit d’une exposition accidentelle professionnelle », indique la Dre Tessier. Une infirmière de la clinique viendra alors faire une évaluation. Et tout de suite, elle mettra en branle le protocole et commencera les prélèvements.

Dans les grands hôpitaux montréalais, cependant, le personnel exposé est plutôt traité par les microbiologistes de leur propre centre. En région, ce sont également ces spécialistes qui prennent en charge les professionnels touchés.

Sur le plan médical, l’un des premiers éléments à déterminer est le statut sérologique du patient à l’origine de l’exposition. Idéalement, il faudrait que le professionnel de la santé exposé amène avec lui aux urgences des échantillons de sang de cette personne. « Cela prend trois tubes jaunes de biochimie et le formulaire de consentement du patient concerné. La Clinique de postexposition peut envoyer par télécopieur le document à faire signer au patient pour tous les tests* », mentionne la Dre Tessier.

Le professionnel exposé va lui aussi passer des analyses pour déterminer s’il est déjà porteur du VHB, du VHC ou du VIH. « S’il a été vacciné contre l’hépatite B, on va vérifier son taux d’anticorps », indique la Dre Tessier.

VIH

Rapidement, une évaluation du risque d’infection au VIH est effectuée. « Si l’exposition a été importante et qu’il y a un grand risque de contamination, on va commencer le plus rapidement possible les médicaments anti-VIH », explique la Dre Tessier. Idéalement, la trithérapie doit être administrée dans les deux heures qui suivent l’accident, au plus dans les 72 heures. Le traitement, qui comprend le raltégravir (Isentress) ainsi que le ténofovir et l’emtricitabine (Truvada), doit être suivi pendant 28 jours.

Dans la majorité des cas, cependant, aucune prophylaxie ne sera nécessaire. « Dans les vieilles études effectuées avant que l’on dispose de traitements efficaces contre le VIH, le risque de contamination était autour de 0,3 %. Aujourd’hui, la majorité des patients séropositifs sont traités et ont des charges virales indétectables. Le risque de transmission est ainsi probablement presque nul. Et même si un professionnel vient de faire une prise de sang à un patient récemment infecté, qui n’est donc pas traité, on considère que le risque est de 0,3 % », précise la médecin de famille.

Le VIH, par ailleurs, ne survivrait pas très longtemps à l’extérieur du corps. « Si, par exemple, la clinique est fermée depuis 22 heures et que la personne qui fait l’entretien ménager se blesse le lendemain matin à cinq heures, on ne lui donnera pas de médicaments prophylactiques. On fera simplement un suivi. »

* Numéro de téléphone de la clinique : 514-890-8000, poste 36519

Hépatite B

Le virus de l’hépatite B, lui, peut survivre plusieurs semaines dans du sang séché. Et son risque de transmission est élevé en cas d’accident. Toutefois, bien des gens sont déjà vaccinés contre ce virus. La prophylaxie contre l’hépatite B, si elle est nécessaire, consistera en l’administration d’immunoglobulines hyperimmunes et du vaccin. Pour avoir une efficacité de 75 %, les anticorps devront être injectés dans les sept jours suivant l’exposition.

Hépatite C

Et pour l’hépatite C ? « On attend. On n’a aucune prophylaxie », indique la Dre Tessier. Cependant, les traitements contre l’hépatite C sont très efficaces. « Il est ainsi important de savoir si on a été infecté afin d’obtenir rapidement un traitement et d’éviter les conséquences à long terme de l’hépatite C. » Dans l’environnement, le virus de l’hépatite C peut survivre jusqu’à six semaines.

Morsures

Les professionnels de la santé peuvent aussi être victimes d’autres types d’exposition, comme les morsures. Surtout avec les enfants. Quels sont les dangers ? « S’il n’y a pas de sang visible dans la salive, une morsure ne peut transmettre que l’hépatite B », précise la Dre Tessier.

En plus de l’antibiothérapie, des mesures prophylactiques contre le VHB peuvent être recommandées. Elles sont utiles dans des cas précis chez les personnes non immunisées : « lorsque la morsure occasionne un bris de la peau et un saignement ; lorsqu’une des deux personnes, mordeuse ou mordue, présente une infection par le VHB ou des facteurs de risque d’infection par l’hépatite B », indique le Guide pour la prophylaxie et le suivi après une exposition au VIH, au VHB et au VHC.

Dans tous les cas de piqûres, de morsures ou de coupures, il faut également vérifier si le vaccin contre la diphtérie et le tétanos de la personne exposée est encore efficace. « Au Québec, après l’immunisation de base chez les jeunes adultes, on ne recommande maintenant qu’une dose de rappel après 50 ans. Il n’y a donc plus de vaccination tous les dix ans », explique la Dre Tessier.

Recommandations officielles

Selon le Guide pour la prophylaxie et le suivi après une exposition au VIH, au VHB et au VHC, publié en janvier 2019 par le ministère de la Santé et des Services sociaux, les aspects médicaux à évaluer après une exposition à des liquides biologiques sont :

h la pertinence d’administrer un traitement antirétroviral contre le VIH (idéalement, dans les deux heures suivant l’événement) ;

h la pertinence d’administrer un vaccin et des immunoglobulines hyperimmunes contre l’hépatite B (HBIg) ;

h la pertinence d’une antibioprophylaxie, dans les cas de morsure.

Il faut également faire la mise à jour de la vaccination de base selon les recommandations du protocole d’immunisation du Québec.

Pour consulter le guide : http://tiny.cc/gpeuiz

Pour communiquer avec la Clinique de prophylaxie postexposition du CHUM : 514-890-8000, poste 36519

Le suivi

Dans la semaine qui suit l’accident, le professionnel exposé doit se rendre à son premier rendez-vous de suivi. « On va lui donner ses résultats du temps zéro et on aura eu le temps d’obtenir ceux de la personne source. On pourra alors prendre une décision définitive : est-ce qu’on commence un traitement ? Est-ce qu’on le continue ou on le cesse si on l’avait amorcé par précaution ? On peut également décider d’administrer des immunoglobulines, si cela n’a pas été fait à l’urgence, ou de vacciner la personne si c’est nécessaire. »

Si la personne exposée n’est pas infectée, la prochaine visite aura lieu dans trois mois. Là, de nouvelles analyses sanguines seront effectuées pour s’assurer de l’absence du VHB, du VHC et du VIH. Ce protocole semble efficace. Depuis 1999, la Clinique de prophylaxie postexposition du CHUM a traité 17 500 travailleurs, et aucun n’a été infecté par le VIH. //