Au Québec, de nombreuses organisations sont parties intégrantes du réseau de la santé, mais certaines ont une incidence importante sur la pratique quotidienne des médecins.
Pour qui ne s’intéresse pas vraiment à ce que font ces différents organismes, il n’est pas d’emblée évident de bien les définir. Le Collège des médecins du Québec et la FMOQ ont-ils la même mission ? Les DRMG sont-ils des syndicats indépendants ? L’ACPM est-elle une compagnie d’assurance ? Tout n’est pas toujours aussi clair qu’il n’y paraît au départ. Voyons-y de plus près.
Me Pierre Belzile, avocat, est directeur du Service juridique de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La Dre Oliveira est résidente 2 en médecine de famille. À l’occasion d’une discussion de groupe à l’UMF, le médecin responsable demande à tous les résidents lequel, parmi eux, peut lui expliquer la différence entre la mission de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) et celles du Collège des médecins du Québec (CMQ), des départements régionaux de médecine générale (DRMG), de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et de l’Association canadienne de protection médicale (ACPM). La Dre Oliveira lève la main et se dit prête à répondre à la question. Seriez-vous en mesure, comme elle, de faire les distinctions qui s’imposent?
Puisque nous écrivons dans les pages de sa revue, commençons par la FMOQ. À tout seigneur, tout honneur ! La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec est un syndicat professionnel créé par des médecins omnipraticiens en 1963. Elle est constituée en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels1.
Un syndicat professionnel n’est pas un syndicat de salariés au sens du Code du travail. Le Code du travail et la Loi sur les normes du travail ne s’appliquent d’ailleurs pas aux médecins de famille soumis aux ententes que négocie la FMOQ avec l’État, les médecins membres de la FMOQ étant des travailleurs autonomes.
Comme son nom l’indique, la FMOQ est une fédération. Elle est donc un regroupement d’associations de médecins omnipraticiens. Toutes ces associations, dix-neuf au total, sont en soi autant de syndicats professionnels. Ensemble, elles forment la grande fédération2.
À titre de syndicat professionnel, la FMOQ a pour objet l’étude, la défense et le développement des intérêts économiques, professionnels, sociaux et moraux de ses membres. Les intérêts des médecins de famille sont au cœur de l’action de la Fédération.
Seul organisme reconnu par le gouvernement pour négocier les conditions de pratique et de rémunération des médecins de famille dans le cadre du régime public de soins de santé, la FMOQ se distingue donc à ce titre de toutes les autres organisations médicales.
Négociation des modes de rémunération et des conditions de travail, organisation et diffusion d’activités de formation professionnelle continue ou accessibilité à différents services, dont les services de gestion financière de sa filiale les Fonds FMOQ, la Fédération travaille d’abord et avant tout dans l'intérêt des médecins de famille.
Le Collège des médecins du Québec est un ordre professionnel. Contrairement à un syndicat professionnel comme la FMOQ, un ordre professionnel est un organisme ayant une fonction publique.
En vertu d’une loi, le Code des professions, le Collège a reçu comme mandat du législateur de réglementer et de surveiller les activités professionnelles des médecins. Aucun médecin ne peut exercer la médecine au Québec s’il n’est pas membre du Collège. En effet, les permis d’exercice sont délivrés par le Collège des médecins.
La mission principale du Collège des médecins du Québec est donc d’encadrer l’exercice de la médecine et de protéger le public.
Pour remplir sa mission, le Collège a plusieurs responsabilités. Signalons particulièrement :
h le contrôle de la compétence et l’intégrité des médecins ;
h la surveillance de l’exercice de la profession et de son développement ;
h la réglementation de l’exercice ;
h la gestion des plaintes du public et du processus disciplinaire (le syndic) ;
h le contrôle de l’exercice illégal.
Un organisme gouvernemental autonome, l’Office des professions du Québec, surveille le travail de tous les ordres professionnels au Québec, y compris du Collège. Le législateur a également donné une voix collective à tous les ordres professionnels : le Conseil interprofessionnel du Québec3.
Les départements régionaux de médecine générale sont des organes médico-administratifs régionaux. Ils sont institués dans chacune des régions administratives du Québec et sont rattachés aux CISSS ou au CIUSSS de leur territoire4.
Issus de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les DRMG regroupent dans une formule de membership tous les médecins de famille qui facturent des services à la Régie de l’assurance maladie dans une région administrative.
Un DRMG est fondé sur une structure élective. Son comité de direction est formé de médecins élus et nommés par les médecins de famille du territoire.
Bien que la loi lui donne un rôle important en matière d’organisation des services, par exemple en ce qui concerne la mise sur pied d’un réseau d’accessibilité aux soins médicaux généraux dans chacun de ses sous-territoires, les médecins omnipraticiens retiendront essentiellement que le DRMG de leur région est l’organisme responsable de la gestion de leurs avis de conformité au PREM et de leur adhésion aux AMP.
La RAMQ est un organisme gouvernemental chargé de gérer le régime public d’assurance maladie et le régime public d’assurance médicaments.
Dans le cadre de cette mission, elle doit notamment rémunérer les médecins qui rendent des services médicaux assurés à leurs patients dans le cadre du régime public. Les médecins facturent leurs services à la RAMQ. Cette facturation est faite en fonction des ententes que négocient la FMOQ et le gouvernement sur leur participation au régime public d’assurance maladie. La RAMQ est donc foncièrement un agent payeur. C’est elle qui paie leurs honoraires.
Comme elle l’écrit elle-même sur son site Internet, l’Association canadienne de protection médicale est une société à caractère mutuel sans but lucratif gouvernée par un conseil de médecins. Elle représente ses membres dans l’ensemble du Canada.
L’ACPM n’est donc pas une compagnie d’assurance comme on en voit habituellement. Elle est plutôt une mutuelle d’assurance, c’est-à-dire un regroupement de personnes, ici des médecins, qui, moyennant le paiement d’une cotisation, s’assurent réciproquement une protection contre un risque. Dans le cas de l’ACPM, ce sont des risques associés à des problèmes médicolégaux.
Le rôle de l’ACPM est de fournir de l’assistance et des conseils à ses membres médecins lorsque des problèmes légaux liés à l’exercice de leur profession surviennent.
Bien que les poursuites judiciaires pour faute professionnelle soient le type de problèmes qui viennent davantage à l’esprit lorsqu’on pense à l’ACPM, les services de cette dernière peuvent aussi comprendre, selon les cas, une assistance juridique pour des problèmes médicolégaux ayant pour toile de fond le Collège des médecins ou la RAMQ.
L’ACPM offre par ailleurs à ses membres des ressources axées sur la gestion des risques et l’offre de soins médicaux sûrs.
La FMSQ et la FMRQ sont les pendants de la FMOQ, respectivement pour les médecins des autres spécialités et pour les médecins résidents.
Le CMFC et sa section québécoise, le CQMF, ne sont pas des syndicats professionnels comme la FMOQ. Leur rôle est davantage lié à l’excellence dans l’exercice de la médecine de famille, à l’enseignement médical continu et à l’établissement de normes de formation, de certification et d’apprentissage pour les médecins de famille.
Médecins francophones du Canada, autrefois connue sous le nom d’Association des médecins de langue française du Canada, est une association de médecins exerçant à l’échelle du Canada. L’organisation vise à promouvoir une médecine de qualité pour répondre aux besoins des patients et des communautés francophones canadiennes.
L’AMC est une association pancanadienne de médecins. Dans les provinces canadiennes autres, l’AMC se décline en associations provinciales. Par exemple, l’Association médicale de l’Ontario, Doctors of BC et la Société médicale du Nouveau-Brunswick sont des divisions de l’AMC. La division québécoise, l’Association médicale du Québec, a cependant été dissoute récemment.
Au sein de chacune des provinces, les divisions provinciales de l’AMC qui, contrairement à ce qu’on voit au Québec, regroupent à la fois les médecins de famille et les médecins des autres spécialités, négocient les conditions de pratique et de rémunération de leurs membres avec leurs gouvernements provinciaux respectifs. Au Québec, comme on l’a vu, les organismes représentatifs des médecins omnipraticiens et des médecins des autres spécialités pour ces mandats sont respectivement la FMOQ et la FMSQ. À l’époque où l’Association médicale du Québec existait encore, elle n’avait pas ce mandat de négociation qu’ont les autres divisions provinciales de l’AMC. Comme quoi le Québec conserve son caractère distinct, même au niveau des organisations médicales.
S’intéresser à la nature des activités propres aux principales organisations médicales québécoises est certainement un plus dans la vie professionnelle de tous les médecins pour mieux comprendre et mieux maîtriser son environnement professionnel. La Dre Oliveira a obtenu un résultat parfait à la question que posait le médecin responsable de son UMF ! Pouvez-vous en dire autant ? //
1. Asselin MA. De praticiens à spécialistes en médecine de famille, 1963-2013 : histoire de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. Westmount (QC) : Fédération des médecins omnipraticiens du Québec ; 2013. 486 pages.
2. Belzile P. Être membre en règle d’une association affiliée à la FMOQ ? Indispensable ! Le Médecin du Québec 2020 ; 55 (4) : 69-70.
3. Belzile P. Pouvoir des syndics des ordres professionnels. Le Médecin du Québec 2020 ; 55 (2) : 61-2.
4. Belzile P. Les DRMG, les partenaires à part entière. Le Médecin du Québec 2019 ; 54 (1) : 61-2.