De la Norvège à l’Australie en passant par la Belgique, des médecins de famille s’accommodent peu à peu de leurs nouvelles façons de soigner en temps de pandémie.
Bien que l’échantillon de médecins de famille consultés ailleurs dans le monde soit limité, les réponses obtenues auprès de trois d’entre eux illustrent une certaine standardisation des nouvelles mesures qu’adoptent les cliniques médicales en cette période de pandémie de COVID-19.
Son taux de mortalité n’ayant pas dépassé 3 % (2,7 %) au plus fort de la pandémie, la Norvège figure parmi les pays européens qui ont assez bien maîtrisé la situation. Depuis les mesures de confinement établies en mars dernier, là-bas aussi, la télémédecine par communications vidéo, téléphoniques et écrites a largement remplacé les consultations en clinique.
« Nous avons un système de triage au sein de la clinique qui permet de diriger le plus possible nos patients vers nos services de télémédecine. Nous sommes également très proactifs envers nos patients qui souffrent de maladies chroniques afin de poursuivre leur suivi médical par téléphone ou en clinique », indique le Dr Kjartan Olafsson, médecin de famille au centre médical de Sunnfjord, à 400 km au nord-ouest de la capitale Oslo. Le Dr Olafsson est aussi le leader des communications et technologies de l’information de l’Association médicale norvégienne et membre du conseil d’administration du Collège des médecins de famille de Norvège.
La clinique de 12 500 patients où pratique le Dr Olafsson a également été réaménagée. Réduction et éloignement des chaises de la salle d’attente, installation de distributeurs de liquide antibactérien, affiches rappelant les mesures sanitaires et désinfection systématique des endroits où ont circulé les patients font désormais partie des nouvelles mesures. « Et en trente ans de pratique, pour la première fois de ma carrière, je porte tous les jours un équipement de protection médicale qui était réservé jusqu’à présent au personnel en milieu hospitalier », souligne le médecin, convaincu que plusieurs des nouvelles mesures vont probablement rester en place même après la crise.
Le Dr Olafsson souligne que la pandémie est bien maîtrisée dans son pays, notamment grâce à une bonne communication dans le milieu de la santé. Les membres de la direction des deux organismes norvégiens regroupant des médecins de famille, dont le clinicien fait partie, se rencontrent d’ailleurs tous les matins par conférence vidéo pour discuter des mesures, des conseils et des outils pouvant aider les médecins à soigner au quotidien en temps de pandémie.
À l’opposé de la Norvège, la Belgique a été fortement éprouvée par la COVID-19. Au début de mai, le pays détenait le taux de mortalité le plus élevé de la planète (15,9 %).
« Actuellement, les activités médicales en clinique reprennent lentement au rythme de chaque médecin de famille. Ici, les cliniciens ont une grande liberté thérapeutique. Ils ont le choix d’effectuer ou non des consultations physiques », avise le Dr Olivier Roland, qui pratique à la Maison médicale de Ganshoren, au nord-ouest de Bruxelles. Il faut savoir qu’au plus fort de la pandémie, cette clinique, comme plusieurs en Belgique, était fermée et n’accueillait plus aucun patient. Seules les téléconsultations étaient possibles.
Revêtu d’un sarrau, d’un masque et de lunettes, le Dr Roland était, au début de mai, un des seuls médecins de famille de sa clinique comptant quelque 8000 patients, qui avait accepté de reprendre les consultations physiques auprès des patients plus vulnérables. D’autres, notamment des mamans de jeunes enfants, préféraient s’en tenir aux téléconsultations.
La salle d’attente n’avait pas encore été modifiée. Mais le flux de patients l’était. « La clinique, qui accueillait avant la crise de trente à soixante patients par jour, n’en reçoit plus qu’un ou deux par heure. Et un seul local dans toute la clinique est utilisé pour les consultations. Cet espace est désinfecté après le passage de chaque patient », explique le Dr Roland.
De plus, tous les patients doivent désormais suivre une nouvelle marche à suivre. À l’arrivée à la clinique, chaque patient reçoit des gants et un masque. Il doit également suivre un membre du personnel soignant dans tous ses déplacements. « Ainsi, notre Maison médicale limite au maximum le contact des personnes de l’extérieur avec les surfaces. »
Au début de mai, l’Australie comptait à peine une centaine de décès liés à la COVID-19. Une situation que la Dre Ashlea Broomfield attribuait aux mesures sanitaires mises en place rapidement dans son pays et à un rigoureux système de triage des patients.
« En plus de notre service téléphonique et de notre logiciel de réservation en ligne – deux outils qui dirigent les patients vers une consultation physique ou virtuelle–, un employé de la clinique est posté à l’entrée. Cette personne s’assure, à l’aide d’un questionnaire, que les patients ne présentent aucun symptôme respiratoire lié à la COVID-19 », explique la Dre Broomfield qui pratique dans les centres médicaux Toormina et Sawtell, à 500 km au nord de Sydney. Ces deux établissements comptent près de 22 000 patients.
Dès leur arrivée, les patients sont invités à se désinfecter les mains et à porter un masque s’ils souffrent de problèmes respiratoires liés à d’autres problèmes. Après le passage de chaque patient, tout est désinfecté, souligne la clinicienne qui est également vice-présidente de la région de Nouvelle-Galles du Sud au Royal Australian College of General Practitioners.
La Dre Broomfield signale que la plupart des médecins de famille australiens ont également troqué les vêtements décontractés pour un habit de chirurgie, un masque, des lunettes et des gants. « C’est très inhabituel pour nous, généralistes, en Australie. De plus, toutes les fleurs, les magazines, les jouets pour les enfants ont été retirés de la salle d’attente. Nos cliniques, généralement très conviviales et personnalisées, ressemblent désormais à un environnement de milieu hospitalier », regrette la clinicienne.
La Dre Broomfield croit, elle aussi, que la pratique de la médecine familiale ne sera plus jamais pareille une fois la crise de la COVID-19 passée. « Nous découvrons, tout comme les patients, les particularités de la télémédecine. Certains aiment, d’autres pas. Quoi qu’il en soit, cette crise aura permis de varier la façon de prendre un rendez-vous médical. » //