Nouvelles syndicales et professionnelles

Soigner en temps de pandémie au Québec

Claudine Hébert  |  2020-06-01

En attendant le médicament ou le vaccin qui viendra contrer la pandémie de COVID-19, des médecins de famille réajustent leur façon de soigner au quotidien.

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Dr Demers

Installation d’un panneau de plexiglas à la réception, aménagement d’un petit lavabo avec savon près de la porte d’entrée… Depuis le 16 mars dernier, le GMF Fleurimont, à Sherbrooke, a mis en place plusieurs mesures sanitaires pour assurer la sécurité de son personnel et celle de ses patients. « Notre salle d’attente a même été modifiée. De 60 chaises, il n’en reste plus qu’une dizaine », signale le Dr Alain Demers, un des neuf médecins partenaires de la clinique médicale sherbrookoise qui compte plus de 9000 patients inscrits.

L’équipe du GMF n’a pas attendu les directives du CIUSSS de l’Estrie–CHUS pour modifier son environnement de travail. « Le conjoint d’une des employées de la clinique nous a aidés à installer le plexiglas, et un plombier a rapidement répondu à notre appel. Tout s’est fait l’instant d’un week-end », indique le Dr Demers.

Deux salles d’attente

Des changements ont également été observés au GMF Blainville-La Source. Ici aussi, il ne reste plus qu’une dizaine de chaises dans la salle d’attente qui en contenait 75. Et les patients qu’accueille la clinique (désormais un ou deux à l’heure) attendent, si possible, dans leur voiture jusqu’à ce que le personnel de la réception les avertisse que le médecin est prêt à les recevoir. « Nous avons également créé une deuxième salle d’attente pour les enfants et leurs parents afin d’éviter les croisements entre nos patients plus âgés et plus jeunes », mentionne le Dr Sébastien Lavoie, un des quinze médecins partenaires de ce GMF des Basses-Laurentides. Le clinicien précise que près de 40 % des 15 000 patients inscrits au GMF ont moins de 18 ans.

Autres mesures : toutes les portes communes qui étaient maintenues fermées sont désormais grandes ouvertes pour éviter les contacts avec les poignées de porte. Et tout est désinfecté (chaise, table d’examen, etc.) entre chaque patient, ajoute le médecin. « Nous avons également désigné une de nos collègues, la Dre Nicole Mercier, comme coordon­natrice de la prévention des infections. C’est elle qui fait le relais entre les communications venant du CISSS des Laurentides et les membres de l’équipe. Elle veille également à ce que tout le personnel respecte les mesures sanitaires », mentionne le Dr Lavoie.

Dr Lavoie

Des mesures qui vont rester

« COVID-19 ou pas, il est clair qu’il y a une volonté au sein de notre équipe médicale de ne plus revivre les salles d’attente bondées de patients qui prévalaient avant le confinement », soutient le Dr Alain Demers. Un avis que partage également le Dr Lavoie.

« Il paraît évident que nous ne soignerons plus les patients exactement comme on le faisait avant », renchérit le Dr Brian White-Guay, professeur adjoint de clinique au Département de médecine de famille et de médecine d’urgence de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal (GMF-U Notre-Dame). « La mise en place des mesures de confinement et de distanciation sociale a permis, poursuit-il, de réduire à court terme la transmission dans la population, mais l’épidémie est loin d’être éradiquée. Nous devons maintenant nous préparer efficacement pour les prochaines étapes de la pandémie de COVID-19 au Québec. Et chaque clinique devra faire un effort en préparant son plan de réouverture progressive. »

Le Dr White-Guay demeure convaincu que les meilleures solutions de soins seront le fruit des équipes interdisciplinaires elles-mêmes en fonction des besoins de leurs patients et des mesures sanitaires à appliquer. « Certaines communications laissent entendre que le MSSS, les CISSS et CIUSSS de la province préparent un plan directeur centralisé sur les conditions de réouverture des cliniques de première ligne. Je crains que cette approche ne soit vouée à l’échec. Il faut surtout éviter les lourdeurs administratives », dit-il.

Une CDE adaptée

Le Dr Sébastien Lavoie peut déjà témoigner de ces obsta­cles bureaucratiques. Lui et d’autres médecins du CISSS des Laurentides ont mis en place la clinique désignée d’évaluation (CDE) de la covid-19 de Boisbriand. « Dès le départ, nous avons suggéré au CISSS des Laurentides d’inclure des pédiatres dans cette clinique. Une formule dont les gestionnaires ne semblaient pas voir l’intérêt. Nous avons finalement convaincu la haute direction des avantages de réunir des omnipraticiens et des pédiatres sous un même toit », raconte le Dr Lavoie, qui est aussi le responsable de cette clinique.

Depuis sa création le 30 mars dernier, cette clinique d’évaluation accueille de 70 à 150 patients par jour. « Et plusieurs de ces patients y ont été dirigés directement par des médecins du CISSS des Laurentides. Nous sommes très fiers de notre initiative, de la participation des médecins de la région et surtout du fait que nous offrons des soins de première et de deuxième ligne au même endroit. »

Une clinique mobile

La création de l’unité mobile de la Clinique Quorum, à Montréal, constitue aussi un autre exemple d’initiative née d’une volonté de répondre aux besoins et aux réalités des patients du territoire. En collaboration avec la famille Leclair, propriétaire de Pie-IX Dodge Chrysler, cette clinique du centre-ville montréalais a transformé un Dodge Ram Promaster en clinique mobile.

Depuis le 13 avril dernier, le Dr Maxim Éthier et sept de ses collègues (quatre cliniciens et trois infirmières) forment ainsi à tour de rôle différents duos médecin-infirmière allant rencontrer des patients vulnérables tenus de rester à la maison. « Notre clinique mobile a été créée pour nos patients, mais aussi pour ceux des quartiers autour du Centre-Sud montréalais », précise le Dr Éthier. L’unité mobile fonctionne trente heures semaine, soit de cinq à six heures par jour, du lundi au vendredi. Un horaire qui permet de soigner entre 30 et 50 patients par semaine près de leur domicile, soit un ou deux patients à l’heure.

La formule s’adresse principalement aux patients de 65 ans et plus et à ceux qui présentent des maladies concomitantes, qui nécessitent un prélèvement sanguin ou encore qui suivent des traitements pour des maladies aiguës. « Cette unité a aussi été pensée et conçue pour soigner nos patients qui font face à l’isolement », dit-il.

Allain et Ethier

Pour se prévaloir de ce service, les patients doivent au préalable s’inscrire en ligne sur le site de l’unité mobile (u-mobile.ca) ou prendre rendez-vous par téléphone. « Ils peuvent également nous être envoyés par des médecins d’autres cliniques », explique le Dr Éthier qui souhaite conserver cette formule tant et aussi longtemps que le spectre de la COVID-19 sera présent.» //