La COVID-19 a entraîné un pressant besoin de formation. Des médecins de famille et d’autres professionnels de la santé ont répondu à l’appel. Petite histoire d’une mobilisation sans précédent.
Le 12 mars dernier, le gouvernement Legault interdit les rassemblements intérieurs de plus de 250 personnes. La FMOQ en est alors à la première journée d’un congrès d’urologie et de néphrologie de deux jours. « Nous avons fortement suggéré aux participants de rester chez eux le lendemain, en leur indiquant que les présentations seraient offertes en webdiffusion, raconte la Dre Isabelle Noiseux, directrice adjointe à la Formation professionnelle. Ç’a été le début d’un branle-bas de combat de plusieurs semaines ! »
La Direction de la formation professionnelle avait également devant elle un défi urgent à relever : offrir des formations sur un sujet qu’elle ne connaissait pas, la COVID-19. « Nos membres étaient au front dans les hôpitaux, les cliniques, les CHSLD, précise la médecin de famille. Nous devions leur fournir des outils. » Comment nous y prendre ?
Le déclic s’est produit lorsque la Dre Noiseux a entendu dire que le CISSS de Laval préparait un webinaire sur la prise en charge de la détresse respiratoire chez les patients atteints de la COVID-19. « C’était une initiative locale, mais j’ai demandé au CISSS s’il était possible d’enregistrer le webinaire pour l’offrir à tous les médecins de la province, dit-elle. L’idée était de trouver, sur le terrain, des gens qui avaient mis au point des protocoles, puis de les inviter à partager leur matériel. » Présenté par la Dre Marjorie Tremblay, exerçant aux soins palliatifs, ce webinaire a été le premier d’une série destinée à outiller les médecins pendant la pandémie. Le tout offert gratuitement sur Caducée.
Les Dres Sophie Zhang et Catherine Richer, omnipraticiennes et co-chefs adjointes du Centre d’hébergement du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, font aussi partie des médecins qui ont participé à cet effort collectif. Travaillant toutes les deux dans un CHSLD et dans un GMF, elles ont préparé pour leurs collègues une mise à jour quotidienne des informations sur le coronavirus dès le début de la pandémie. Une mine d’or de directives, de recommandations, de protocoles et de stratégies pour gérer les éclosions de COVID-19 en CHSLD, qui ont par la suite été réunis dans un guide électronique évolutif.
« Quand la Dre Noiseux nous a approchées pour faire une formation à l’intention des médecins déployés dans les CHSLD, nous avons accepté tout de suite, dit la Dre Zhang. Pour nous, le partage des connaissances est crucial. Il y a tellement d’informations à assimiler sur cette nouvelle maladie ! »
La Dre Cynthia Cameron, médecin au GMF-U de Lévis, a pour sa part pris les devants : elle a proposé d’offrir une formation sur la gestion des arrêts de travail dans un contexte de pandémie. « Lorsque la crise sanitaire a commencé, je me suis inscrite sur une liste de dépannage. Toutefois, la maladie a plutôt épargné la Rive-Sud de Québec, et je n’ai pas pu apporter mon aide autant que je l’aurais voulu, explique celle qui a une expertise en gestion des invalidités pour troubles de santé mentale. Je tenais donc à faire quelque chose pour soutenir mes collègues. La COVID-19 entraînera probablement une hausse des problèmes de santé mentale. Or, l’évaluation de la capacité fonctionnelle des patients atteints est souvent un défi pour les médecins de famille. » Pour cette formation, la Dre Cameron s’est associée à la Dre Alexandra Blanchet, médecin-conseil à la CNESST, qui a pris en charge le volet des arrêts de travail pour problèmes physiques.
« Les médecins et d’autres professionnels de la santé ont fait preuve d’une grande générosité en partageant leurs expériences et leurs outils, souligne la Dre Isabelle Noiseux. Ils ont investi des heures et des heures de leur temps personnel pour concevoir des formations pour leurs collègues. Et dans des délais très courts en plus. De toutes les personnes que j’ai sollicitées, aucune n’a refusé. C’était beau à voir. »
Même si leur forme n’était pas toujours optimale compte tenu des conditions d’enregistrement en direct et dans l’urgence, ces formations en temps de crise ont suscité un grand engouement. « Sitôt mises en ligne, il y avait des dizaines et des dizaines de visionnements », indique la Dre Noiseux. Les formations de la série sur la COVID-19 ont ainsi entraîné autant d’inscriptions en quelques semaines sur Caducée que les formations gratuites de tout autre sujet médical en quelques années.
S’il faut en croire les commentaires des participants, ces cours ont répondu à un réel besoin. Une médecin qui a suivi la formation sur le dépannage en CHSLD la veille de sa première journée de travail dans ce milieu écrit, par exemple, que le cours lui a permis de savoir à quoi s’attendre. Et d’ajouter : « Je garde une copie des protocoles de détresse respiratoire dans mon cellulaire ».
La pandémie a également donné lieu à une collaboration inédite entre les diverses associations médicales. La FMOQ, le Collège des médecins du Québec, l’Association des médecins psychiatres du Québec, le Programme d’aide aux médecins du Québec, la Fédération des médecins spécialistes du Québec et la Fédération des médecins résidents du Québec notamment ont constitué un comité de travail pour se pencher sur la santé mentale des médecins. « Nous avons constaté que nos membres avaient besoin d’outils pour préserver leur santé mentale mise à rude épreuve par la pandémie, dit la Dre Noiseux. Nous voulions tous travailler ensemble pour aider les soignants à passer au travers. » Plusieurs ressources ont ainsi été mises à la disposition des médecins sur le site du Collège.
La collaboration interprofessionnelle s’est aussi accentuée pendant la crise sanitaire. L’ergothérapeute Rachel Thibeault a ainsi accepté que les webinaires sur la résilience qu’elle a conçus pour l’Association canadienne d’ergothérapie soient diffusés sur Caducée. Et ce n’est qu’un exemple.
Pendant cette période difficile qu’aura été la première vague, des projets qui auraient normalement pris des mois à prendre forme se sont concrétisés en quelques semaines à peine. « Les barrières tombaient, les gens se serraient les coudes, remarque la Dre Isabelle Noiseux. J’espère que ce qui va rester de tout cela, c’est combien nous sommes capables de faire de grandes choses ensemble. »
La Dre Sophie Zhang partage cet avis. « La pandémie a eu des conséquences tragiques. C’est indéniable. Toutefois, il y a eu aussi des aspects positifs, comme une meilleure collaboration au sein des CIUSSS et entre les CIUSSS. J’aimerais que ces canaux de collaboration et de communication survivent à la COVID. »
Avec des collègues, la Dre Zhang travaille justement à mettre en place une communauté de pratique pour les médecins en CHSLD. Un projet qui en est à ses balbutiements, mais qu’elle souhaite étendre à tout le Québec. « Les régions ont été moins touchées que Montréal par la COVID-19. Mais elles doivent se préparer à affronter d’autres vagues éventuelles. Il ne faut pas que les erreurs qui ont été commises ce printemps se répètent. Et pour cela, le partage des connaissances est la clé. » //