intervention chirurgicale ou antibiotiques ?
L’appendicite peut être traitée par antibiothérapie, confirme une nouvelle méta-analyse. Comparativement à l’intervention chirurgicale, ce type de traitement a des avantages, mais aussi des inconvénients.
Le patient arrive à l’urgence en proie à d’intenses douleurs abdominales. Vous diagnostiquez une appendicite aiguë sans complications. Proposez-vous au malade une intervention chirurgicale ou la prise d’antibiotiques ? Une méta-analyse, publiée dans le JAMA Surgery, vient de montrer que les deux traitements ont un taux de succès similaire au bout de trente jours et que le pourcentage de leurs effets indésirables importants est semblable1.
Spontanément, le patient préférera peut-être l’antibiothérapie. Mais ce choix présente quelques inconvénients. Ainsi, le séjour à l’hôpital des sujets sous antibiotiques était de 48 % plus long, et le taux de récidive de l’appendicite s’élevait à 18 % dans l’étude. Cette méta-analyse effectuée par le Dr Rodrigo Moises de Almeida Leite, de l’Hôpital général du Massachusetts, et ses collaborateurs regroupait huit essais cliniques à répartition aléatoire menés en Amérique du Nord et en Europe entre 1995 et 2021.
L’appendicectomie et l’antibiothérapie ont en fait toutes deux leurs avantages et leurs moins bons côtés. Les médicaments, pour leur part, permettent au patient de récupérer plus rapidement et lui évitent une intervention effractive, une cicatrice et la douleur postopératoire. Et il y a peut-être plus, selon les auteurs de l’étude. « Le groupe qui n’a pas été opéré tendait, de manière non significative, à avoir de meilleurs résultats que le groupe opéré. De façon plus particulière, pour les périodes de suivis plus longues, l’antibiothérapie avait une incidence de réussite plus élevée. Ce résultat peut s’expliquer par l’incidence plus grande à long terme de complications de l’opération, comme des hernies dues aux incisions ou des adhérences », indiquent-ils.
L’ablation de l’appendice est cependant rapide, simple et efficace, souligne le Dr Sender Liberman, chirurgien au Centre universitaire de santé McGill (CUSM). « La majorité des patients peuvent retourner à la maison quelques heures après leur opération. Leurs symptômes disparaissent plus vite qu’avec les antibiotiques, même si la récupération peut prendre quelques jours ou même une semaine, explique le spécialiste qui effectue un nombre important d’appendicectomies. Les patients qui prennent des antibiotiques, eux, doivent généralement rester à l’hôpital au moins deux ou trois jours pour recevoir le traitement par intraveineuse. »
La méta-analyse passe par ailleurs un point sous silence, indique le clinicien également spécialisé en chirurgie colorectale. « Chez 2 % des patients opérés pour une appendicite, on découvre un cancer. Dans certaines études, ce taux est de 1 %, mais dans d’autres il grimpe jusqu’à 5 %. L’appendicectomie permet donc de trouver ces tumeurs. »
L’appendicectomie et l’antibiothérapie ont un taux de succès similaire au bout de 30 jours, selon la méta-analyse publiée dans le JAMA Surgery. |
Les antibiotiques ne sont par ailleurs pas exempts de risques pour les patients hospitalisés. « Leur administration pendant plusieurs jours accroît le risque d’apparition de Clostridium difficile par rapport à une ou deux doses », affirme le Dr Liberman, également directeur du programme de résidence en chirurgie générale de l’Université McGill.
Que choisir alors : l’opération ou les antibiotiques ? C’est au patient de décider, estime le Dr Liberman. « Parce qu’on ne peut pas lui dire qu’une option est de loin supérieure à l’autre. Il y a eu suffisamment de données au cours des dernières années pour affirmer que l’antibiothérapie est efficace contre l’appendicite. »
La discussion avec le patient est donc importante. Mais le médecin doit lui fournir certaines données, estime le chirurgien. « Il faut mentionner que le traitement antibiotique est lié à un risque de récurrence de l’appendicite à long terme et qu’il y a une faible possibilité de rater la découverte d’un cancer si l’on n’opère pas. »
La plupart du temps, les patients choisissent l’intervention chirurgicale, affirme le spécialiste. « Généralement, quand ils comprennent que l’opération est courte, simple et sans complications, ils préfèrent cette solution plutôt que d’avoir 20 % de risque de subir de nouveau une appendicite qui nécessitera alors une opération. Le fait que l’administration d’antibiotique nécessite une hospitalisation et entraîne la perte de journées de travail, surtout s’il y a une récidive, fait aussi pencher la balance en faveur de l’intervention. Mais si le patient ne veut pas être opéré, c’est bien aussi. »
Les gens qui optent pour l’antibiothérapie devront par ailleurs être surveillés de près. « Il faut que leurs symptômes disparaissent rapidement. Si leur état ne s’améliore pas au cours des quatre ou cinq jours suivants, les antibiotiques ne fonctionnent probablement pas. Les patients devront alors être réévalués. »
Dans un système manquant de ressources et dans lequel les listes d’attente pour les opérations ne cessent de s’allonger, le recours aux antibiotiques ne serait-il pas souhaitable ? « Il faudrait que ces médicaments soient alors administrés à domicile, parce que le plus grand problème du réseau est le manque de lits. Dans un hôpital comme le CUSM, où l’on opère au maximum de la capacité de l’établissement, il est plus avantageux de garder des patients seulement quelques heures dans la salle de réveil, puis de leur donner congé, que de les hospitaliser pour l’administration d’antibiotiques », explique le spécialiste.
L’antibiothérapie peut-elle avoir lieu à la maison ? « Oui, potentiellement. Cela dépend de l’état du patient. Comme l’appendicite est une affection qui peut s’aggraver, le patient est généralement surveillé. Il doit donc rester un certain temps à l’hôpital pour que l’on s’assure qu’il va mieux. » Le traitement à la maison a d’ailleurs été essayé au début de la pandémie au CUSM, mentionne le chirurgien. « Comme il était un peu compliqué d’opérer durant cette période, nous avions choisi l’administration d’antibiotiques quand c’était approprié pour les patients. »
« Chez 2 % des patients opérés pour une appendicite, on découvre un cancer. L’appendicectomie permet donc de trouver ces tumeurs. » – Dr Sender Liberman |
Ainsi, l’antibiothérapie est peut-être une possibilité sous-utilisée dans le traitement de l’appendicite. « Je pense que ce serait bien que chaque hôpital adopte une stratégie au sujet des patients souffrant d’appendicite. Il faut éviter d’avoir une discussion compliquée chaque fois, estime le Dr Liberman. Les médecins de l’urgence et les chirurgiens peuvent donc s’entendre sur le meilleur traitement à offrir. » Ils peuvent aussi décider de différentes options pour divers types de patients ou pour divers tableaux cliniques de l’appendicite. S’ils choisissent d’offrir l’antibiothérapie, tous seront ainsi d’accord sur la manière de procéder. « Il y aura un protocole pour suivre les patients et s’assurer qu’aucun n’est perdu, n’a une perforation ou un abcès », indique le spécialiste.
Ce sera ensuite au patient de faire son choix. « Le médecin peut lui suggérer de parler aussi au chirurgien, parce que différentes personnes sont sensibles à différents arguments, mentionne le Dr Liberman. On peut également lui offrir une troisième solution : le recours aux antibiotiques dans l’immédiat et une opération plus tard, quand son état sera stable. » Les résultats des travaux du Dr Almeida Leite et de son équipe peuvent servir de base aux discussions. C’est d’ailleurs ce que proposent les chercheurs. //
1. Almeida Leite R, Seo J, Gomez-Eslava B, et coll. Nonoperative vs operative management of uncomplicated acute appendicitis: A systematic review and meta-analysis. JAMA Surg 2022 ; 157 (9) : 828-34. DOI : 10.1001/jamasurg.2022.2937.