Le comité paritaire reçoit deux genres de demandes concernant le travail de nuit : celle d’ajouter des forfaits de nuit pour rémunérer un médecin additionnel et celle de partager le forfait de nuit entre deux médecins. La première découle surtout de modifications apportées au fonctionnement des urgences durant la pandémie. La deuxième a donné lieu à une adaptation à l’Entente. Traitons-en !
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Un comité paritaire gère les modalités de rémunération à l’urgence. Il traite les demandes d’adhésion au régime A et au régime B pour la garde sur place, de même que celles liées au dépassement du régime A et à la rémunération forfaitaire de nuit. Pendant la pandémie, il y avait peu de demandes, car la plupart des milieux avaient droit au forfait horaire de la lettre d’entente 269, tant pour les activités de jour que de nuit. De plus, toutes les urgences pouvaient se prévaloir quotidiennement de huit heures additionnelles de nuit. Certains milieux en ont alors profité pour revoir leur organisation de nuit. D’autres qui adhéraient au régime A en sont venus à en oublier que le nombre de forfaits de garde sur place de jour et de soir est fixe et que les dépassements doivent être justifiés.
Les banques de forfaits du régime A sont établies à la suite d’une évaluation de la charge de travail des milieux qui tient compte du nombre de patients vus dans un milieu et de leur âge et qui intègre aussi de l’information sur les patients arrivés en ambulance, gardés en observation et hospitalisés. L’évaluation est annuelle afin de tenir compte des variations hebdomadaires et saisonnières. Dans bien des milieux de catégorie 3 (petites urgences et CLSC du réseau de garde intégré), cette charge calculée est bien moindre que le nombre minimal d’heures de couverture (les 16 heures de 8 h à minuit). Afin de tenir compte des fluctuations, des limitations des calculs et de la possibilité de chevauchement en fin de garde, ce genre de milieu se voit généralement accorder au moins 18 heures de couverture par jour, ce qui revient à 32 forfaits de quatre heures (18 heures x 7 jours/4 heures par forfait).
Il est possible d’obtenir des dépassements pour des situations vraiment exceptionnelles. Comme très peu de milieux se voient accorder plus de 32 forfaits par semaine, ceux qui demandent à répétition des dépassements ont plutôt intérêt à passer au régime B qui ne prévoit pas de nombre fixe de forfaits. Bien que le montant y soit moins élevé, le pourcentage sur les services est plus important.
Comme nous l’avons indiqué d’entrée de jeu, pendant la pandémie, l’accès au forfait horaire a pu faire oublier que le nombre de forfaits du régime A est plafonné par semaine et par milieu. Certains ont eu des surprises en fin d’été lorsque la RAMQ a révisé les dépassements. Ces milieux ont avantage à bien coordonner la facturation des forfaits des médecins de l’urgence ou à passer au régime B.
Les forfaits de nuit font aussi l’objet de contrôle, mais pour l’ensemble des milieux, qu’ils adhèrent au régime A ou B ou qu’ils fonctionnent 100 % à l’acte. En raison des modalités (pourcentage de 101 % associé aux actes), tous ceux qui en ont la possibilité réclament le forfait de nuit.
Ceux qui débordent parfois après minuit pour terminer leur quart de soir ne se prévalent habituellement pas d’heures additionnelles de nuit, mais bien des forfaits des régimes A ou B pour le dépassement après minuit (dans le cas du régime A, si l’organisation des quarts le permet). Lorsqu’il n’est pas possible de réclamer des forfaits pour les heures additionnelles de nuit, les médecins facturent à l’acte à 100 %. Nous en avons traité de façon plus détaillée dans la chronique de février 2020.
Le forfait de nuit (décrit au Préambule général du Manuel de facturation, paragraphe 1.4) est un bloc de 8 heures consécutives qui n’est pas divisible en heures. Deux médecins ne peuvent donc pas se le partager. Lorsque la garde doit être assurée simultanément par plus d’un médecin (deux médecins toute la nuit ou un de minuit à 8 h et un deuxième de 20 h à 4 h, par exemple.), l’urgence peut demander des forfaits d’heures additionnelles qui, eux, sont divisibles en heures. Lorsque le comité accorde une telle banque, elle est annuelle. Un milieu peut donc choisir de privilégier certains jours de la semaine dont les nuits sont plus occupées ou certaines périodes de l’année qui connaissent un plus grand achalandage. Une certaine coordination est nécessaire pour éviter qu’il ne reste plus de forfaits d’heures additionnelles en décembre, situation qui pourrait refroidir un peu l’ambiance festive de la saison.
Lorsqu’il reçoit une demande pour des forfaits d’heures additionnelles de nuit, le comité paritaire évalue la charge de travail de nuit du milieu, comme il le fait pour les heures de jour et de soir, mais de façon distincte. Dans le cas des milieux qui comportent des spécialistes en médecine d’urgence, la méthode doit être adaptée pour tenir compte du fait que la couverture de nuit est assurée par des médecins des deux groupes : omnipraticiens et spécialistes en médecine d’urgence. Dans des milieux nécessitant une couverture double, la couverture de nuit peut donc être assurée par un spécialiste et un omnipraticien, par deux omnipraticiens ou par deux spécialistes. L’omnipraticien appelé à travailler avec un spécialiste réclamera le forfait de nuit, mais le spécialiste ne réclamera rien selon l’entente de la FMOQ. Par conséquent, selon la proportion de médecins de famille et de spécialistes, il pourrait être possible d’assurer une couverture double intégrale avec un faible nombre de forfaits d’heures additionnelles (ex. : l’équivalent de deux ou trois heures par nuit).
Si le calcul de la charge ne permet pas d’accorder de forfaits d’heures additionnelles pour rémunérer les médecins qui restent après minuit en débordement de leur quart de soir, ces derniers facturent alors les heures excédentaires selon le régime A ou B ou encore à l’acte à 100 %.
Certaines urgences ont demandé de scinder le quart de nuit entre deux médecins, soit de 20 h à 4 h et de 4 h à 12 h. Selon la RAMQ, l’Entente ne le permettait pas. Les parties négociantes ont donc convenu de modifier le paragraphe 1.4 du Préambule général pour permettre la transformation du forfait de nuit en forfaits d’heures additionnelles de nuit, divisibles par heure. L’autorisation du comité paritaire est toutefois requise. Par ailleurs, les médecins ensemble doivent quand même effectuer huit heures consécutives sur place.
Dans des milieux qui ne disposent pas de forfaits d’heures additionnelles de nuit, le partage du quart pourra soulever des problèmes de rémunération du dédoublement lors du changement de médecin de garde. En effet, celui qui termine peut rarement quitter dès l’arrivée de son remplaçant. Par conséquent, ce mode d’organisation risque de se limiter à des milieux d’une certaine taille qui ont une banque d’heures additionnelles de nuit.
Au moment de la rédaction de cet article, les modifications n’étaient pas encore en vigueur, car le Conseil du trésor n’avait pas approuvé l’amendement en raison de la campagne électorale. L’approbation devrait depuis avoir eu lieu, et la RAMQ devrait vous avoir informé des modalités de facturation dans un tel milieu. On peut présumer que le nouveau code du forfait de nuit divisible (validation quotidienne) est différent de celui du forfait de nuit (non divisible) et des heures additionnelles de nuit (banque annuelle) qui font l’objet de validations distinctes.
Vous comprenez mieux maintenant les contraintes des formules de rémunération reposant sur des forfaits à l’urgence ? Alors profitez bien des adaptations récentes. Bonne facturation ! //