Entrevues

Entrevue avec la présidente de l’Association de Yamaska

partager les outils conçus par les médecins de famille

Élyanthe Nord  |  2023-02-01

Présidente de l’Association des médecins omnipraticiens de Yamaska (AMOY), la Dre Anne-Patricia Prévost désire que son organisme soit un vecteur de communication et permette notamment le partage d’outils entre omnipraticiens.

M.Q. — En quoi consiste votre projet de partage d’outils entre médecins de famille ?

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A.-P.P. – Dans nos cliniques, nous créons tous des outils pour faciliter notre pratique. Cependant, nous ne les partageons pas. Je voudrais donc que l’AMOY les rende accessibles sur son site Internet. Nos collègues médecins pourraient ainsi les utiliser, s’en inspirer ou les adapter à leurs besoins pour éviter chaque fois de réinventer la roue. Ces outils pourraient être classés par secteur de soins : l’urgence, l’obstétrique, le cabinet, les soins palliatifs, etc. Nous voulons faire en sorte que notre association soit un vecteur de communication et de transmission des innovations.

M.Q. — Pouvez-vous nous donner un exemple d’outil ?

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A.-P.P. – Au GMF-U La Pommeraie, où je pratique, nous utilisons ce que nous appelons une « liste de vérification obstétricale ». C’est un collègue du CHUM qui me l’a transmise, et nous l’avons adaptée à notre milieu. Elle indique ce qui doit être fait à chaque visite de suivi de grossesse. Par exemple, à la seizième semaine, a-t-on fait tel test ou tel examen ? Dans notre GMF-U, nos résidents font des suivis de grossesse, tout comme les médecins accoucheurs et des médecins non accoucheurs. Cette liste permet d’uniformiser nos pratiques. Tout est fait au bon moment ; rien n’est oublié.
Pour ma part, j’ai adapté la liste de vérification pour la patiente. Ainsi, elle sait combien de temps devrait durer sa prochaine visite et ce qui doit y être discuté. Elle peut donc se préparer en conséquence.

M.Q. — Y a-t-il d’autres outils intéressants conçus par vos membres ?

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A.-P.P. – La COOP de Solidarité Santé Roxton Pond a créé des protocoles de soins pour chaque maladie chronique en fonction des besoins des médecins. Ainsi, une infirmière qui voit un patient atteint d’une maladie pulmonaire ou d’insuffisance cardiaque sait exactement quelle question poser, quel suivi faire et quand diriger le patient vers le médecin traitant. Il y a des protocoles pour le diabète, l’hypertension, la dyslipidémie, le TDAH, l’obésité, etc. On les a mis au point en tenant compte des recommandations du programme « Choisir avec soin ». Ces outils sont utiles à tous, car les infirmières de GMF font souvent ces suivis. Si une nouvelle infirmière arrive dans notre clinique et qu’on désire qu’elle voie des patients atteints d’insuffisance cardiaque, on peut ainsi l’outiller.

M.Q. — Dans votre propre GMF, les médecins ont conçu un algorithme pour le triage ?

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A.-P.P. – Il y a à peu près deux ans, nous avons créé un algorithme pour fixer un rendez-vous au bon moment avec le bon professionnel de la santé. L’algorithme fonctionne par systèmes : appareil urinaire, digestif, etc. Il permet à la secrétaire de savoir s’il faut accorder au patient, en fonction de ses symptômes, une consultation urgente, semi-urgente ou non urgente. Elle a les symptômes d’alarme et peut donner, par exemple, un rendez-vous rapidement au service de consultation sans rendez-vous ou un rendez-vous semi-urgent. L’outil permet aussi de diriger la personne vers le bon professionnel. Approximativement 60 % des patients sont dirigés vers les médecins. Les autres sont orientés vers d’autres professionnels comme le travailleur social, le pharmacien et, surtout, les infirmières. Ce sont elles qui voient les patients atteints de maladies chroniques, examinent les enfants en bonne santé, font les examens gynécologiques et prescrivent les moyens de contraception.

M.Q. — Avez-vous vu une différence dans votre pratique ?

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A.-P.P. – La différence réside dans une meilleure pertinence des raisons de consultation des patients vus, et c’était l’objectif. Comme médecins, nous voulons nous occuper des personnes qui ont besoin d’une expertise médicale. Les infirmières, elles, rencontrent par exemple les enfants en bonne santé pour effectuer leur suivi périodique, ce qui nous permet de voir un patient vulnérable. L’algorithme améliore ainsi l’attribution des rendez-vous.
Les algorithmes sont par ailleurs faciles à utiliser et bien faits. Le défi toutefois est le changement de personnel administratif. Une secrétaire est formée pour savoir utiliser l’algorithme, elle le maîtrise, puis elle est remplacée par une autre. Le roulement du personnel est un problème.

M.Q. — Avez-vous une solution ?

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A.-P.P. – Nous allons commencer l’essai de la nouvelle plate-forme VITR.AI qui recourt à l’intelligence artificielle pour permettre l’arrimage du patient avec un service pertinent en fonction des mots employés. Nous allons regarder quelle va être la différence. La polyclinique du Quartier, située à Granby, utilise déjà ce système et semble satisfaite.

M.Q. — Le site de l’AMOY comportera-t-il aussi des outils pour les patients ?

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A.-P.P. – Ce sera un volet tout à fait intéressant. Plusieurs cliniques ont créé leur site Web et y ont inclus des outils ou des informations utiles et pertinentes pour les patients. Il faut les faire connaître. À Saint-Mathieu-de-Belœil, il y a aussi la clinique médicale ELNA qui a conçu pour les patients de nombreux outils sur différents sujets. Par exemple : que faut-il surveiller après une infiltration, l’installation d’un implant ou la pose d’un stérilet ? Après une petite chirurgie, à quoi faut-il faire attention ? Ce sont des conseils très pratiques, que l’on peut remettre par écrit aux patients. Cette approche favorise l’engagement des patients dans leurs soins de santé, la responsabilisation et l’autosoin.

M.Q. — Souhaitez-vous que les patients jouent un rôle plus actif ?

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A.-P.P. – La responsabilisation du patient concernant ses soins de santé est au cœur de plusieurs discussions. Le concept des autosoins comporte sept piliers, dont les connaissances et la conscience de son état de santé physique et mentale. Est-ce que le patient devrait savoir quels sont les examens de dépistage qu’il doit passer selon son âge ? Au GMF-U La Pommeraie, l’agente d’amélioration de la qualité, en collaboration avec un médecin, a évalué de manière explicite si le dépistage du cancer du côlon était conforme aux normes pour l’ensemble de la clientèle de plus de 50 ans. Les résultats obtenus nous ont surpris : les dossiers de plusieurs patients n’étaient pas à jour, car ils étaient inactifs depuis plusieurs années. Le dépistage n’avait donc pas été fait. Comme pour la mammographie, une invitation pour une recherche de sang dans les selles pourrait être envoyée tous les deux ans à tous les patients de 50 ans et plus. Le même système pourrait être employé pour l’autoprélèvement pour la détection du VPH à venir. De cette manière, plusieurs visites médicales seraient utilisées pour des rendez-vous nécessitant l’expertise médicale.

M.Q. — C’est intéressant.

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A.-P.P. – Oui, l’engagement du patient en santé est essentiel. Plusieurs comités, comme celui des évaluations de la qualité des soins, devraient inclure un patient partenaire. On souhaiterait qu’il nous dise quelle est sa réalité, ce qu’il vit. Est-ce que la solution envisagée a du sens ?

M.Q. — Quand comptez-vous commencer à mettre différents outils sur votre site Internet ?

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A.-P.P. – Nous travaillons déjà à ajouter une section d’outils à la pratique sur notre site Web. Les médecins de notre association pourront donc en bénéficier très bientôt. Je compte aussi sur mes membres pour partager leurs outils à leur tour. L’intelligence collective nous permet d’en faire davantage si nous partageons nos compétences et notre savoir-faire.