Nouvelles syndicales et professionnelles

Projet de loi no 3

appui et mises en garde de la FMOQ

Élyanthe Nord  |  2023-03-01

Le projet de loi no 3, sur les renseignements de santé et de services sociaux, aidera les médecins de famille en leur facilitant l’accès aux informations sur les patients. Toutefois, il ne doit pas alourdir leur tâche, a averti la FMOQ en commission parlementaire.

Marc-André Amyot

Après le domaine des renseignements personnels, c’est au tour de celui des renseignements de santé et de services sociaux d’être bouleversé. Le projet de loi no 3, présenté par le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, M. Éric Caire, va imposer de nouvelles règles.

L’objectif ? Améliorer la protection des ren­sei­gnements qui permettent d’identifier une personne et qui, notamment, concernent son état de santé physique ou mentale ou sont liés à des services de santé ou à des services sociaux qu’elle a reçus. Le nouveau cadre juridique a cependant aussi pour but d’optimiser l’utilisation et la circulation de ces informations.

La future loi touchera de près les médecins. Elle va entre au­tres autoriser les professionnels du système de santé à avoir accès aux renseignements nécessaires détenus par tout organisme lié au réseau. Mais le nouveau cadre législatif impose aussi des obligations. Les organismes concernés, dont les cliniques, devront entre autres désigner un responsable de la protection des renseignements, « journaliser » l’ensemble des utilisations et des communications des renseignements et, dans des cas déterminés, utiliser seulement des produits et services technologiques certifiés par le ministre.

Le nouveau cadre ressemblera à la récente Loi sur la protection des renseignements personnels. « La loi 25 va s’appliquer aux renseignements qui ne sont pas des renseignements de santé. La loi 3, elle, va s’appliquer aux renseignements qui sont des renseignements de santé. Et, si l’on regarde les deux lois, l’une est un calque de l’autre », a précisé le ministre Caire au cours de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi à la fin de janvier.

Autre nouveauté, un système national de dépôt de renseignements sera créé, notamment pour faciliter les utilisations et les communications autorisées. Ce système devra, entre autres, permettre la tenue des dossiers des usagers dans les établissements de santé et de services sociaux.

Un accès plus facile aux informations

Quelle est la position de la FMOQ ? « Nous appuyons le gouvernement dans sa volonté d'améliorer et de simplifier la collecte, l’utilisation et la circulation des renseignements de santé. Le gouvernement devra cependant se garder, par le biais d’une réglementation excessive, d’alourdir les tâches médico­administratives des médecins, tâches déjà trop importantes », a déclaré le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, en commission parlementaire.

Un accès plus aisé aux informations concernant les patients facilitera le travail des omnipraticiens. « Actuellement, il est parfois difficile pour un médecin de famille qui traite un patient d’être rapidement informé de l’existence d’un renseignement que détient un autre professionnel ou un organisme et de pouvoir y accéder facilement, a expliqué le Dr Amyot. Par exemple, un médecin en cabinet, que ce soit en GMF ou non, devrait avoir facilement accès aux feuilles sommaires d’hospitalisation et aux rapports de consultation. »

La loi sur les renseignements de santé et de services sociaux ne doit toutefois pas augmenter le fardeau des médecins de famille. « Dans un contexte de pénurie sans précédent de médecins de famille, de surcharge de travail, dans un contexte où la profession de médecin de famille vit un déficit d’attractivité, l’alourdissement de la tâche administrative nuit à l’accès aux soins et contribue à l’épuisement professionnel des médecins. Pour le bien-être et la survie du réseau, la médecine familiale doit redevenir attractive. Un médecin de famille ne peut pas passer, chaque semaine, un temps interminable à alimenter des systèmes et des réseaux, à tenir des registres et à remplir des formulaires. Ce n’est plus de la médecine », a plaidé le président.

Les tâches médicoadministratives des médecins de famille représentent déjà en moyenne 25 % de leur charge de travail, a rappelé le Dr Amyot. « Toute mesure alourdissant potentiellement cette charge administrative doit être proscrite. »

La FMOQ demande donc au gouvernement de s’entendre avec elle sur toutes les modalités d’application de la loi qui pourraient affecter ou modifier les conditions de pratique des médecins de famille plutôt que de les imposer dans les règlements qui accompagneront la loi.

Les forces du projet de loi

« Vous avez été assez clair dans votre mise en garde. Je dirais quasiment que c’est un cri du cœur. Au départ, on comprend que vos charges médicoadministratives sont exagérées », a dit au Dr Amyot Mme Michelle Setlakwe, députée de Mont-Royal-Outremont, à la période de questions. « Mais cela étant dit, est-ce que vous pourriez indiquer quand même les éléments positifs du projet de loi ? »

La future mesure législative comporte de grands avantages aux yeux du président de la FMOQ. La possibilité pour le médecin d’avoir accès à tous les renseignements médicaux du patient est capitale. « Le Dossier Santé Québec (DSQ) a amené certaines données : la radiographie et les résultats de laboratoire. Ce que je comprends, c’est que la nouvelle loi va permettre d’avoir beaucoup plus d’informations. Et ça, c’est extrêmement important. C’est aussi une question d’efficacité quand on veut optimiser la consultation médicale. Quand vous venez me voir au bureau et que je peux avoir accès à toutes les informations – par exemple, si vous êtes allée à l’hôpital et que vous avez eu certaines consultations –, je peux comprendre rapidement la situation. Je peux orienter mon diagnostic. »

Les patients ont souvent l’impression que c’est déjà possible. Ils sont étonnés de voir que leur médecin de famille ignore totalement les modifications que le clinicien qu’ils ont vu à l’urgence a apportées à leurs médicaments. « Avec le DSQ, je suis capable de façon détournée de le savoir, parce qu’il y a une section pour les médicaments. Je suis capable d’aller voir ce qui a changé. Mais c’est toujours de façon détournée. Si le projet de loi permet d’avoir ces informations, ce sera une grande avancée pour nous. »

Un aspect du projet de loi préoccupe par ailleurs la Fédé­ration. Le ministre aura dorénavant un accès beaucoup plus important à de nombreuses données et informations, dont des renseignements nominatifs sur les professionnels de la santé. « Il est pour nous hors de question que les renseignements se rattachant aux médecins deviennent des outils qui permettraient au ministre de mettre en marche des mesures de contrainte à l’endroit des médecins », a prévenu le Dr Amyot.

Le parcours du combattant

Sylvain Dion

Le Dr Sylvain Dion, premier vice-président de la FMOQ, qui accompagnait le Dr Amyot, approuve lui aussi différents aspects des futures mesures. « Le projet de loi vise à simplifier les choses, à les rendre fluides. On ne peut qu’applaudir à ça parce que, actuellement, c’est souvent le parcours du combattant pour aller chercher de l’information. Il faut faire signer les autorisations de transmettre des informations, etc. On va arrêter de perdre du temps avec cela et on va avoir accès aux renseignements en temps réel avec notre patient. »

Le médecin a par ailleurs réitéré l’offre de coopération de la FMOQ, entre autres pour la création des règlements qui accompagneront le projet de loi. « Parfois, sur le terrain, il y a des choses que le législateur peut ne pas voir. Je pense qu’on est là aussi pour collaborer et cogérer avec vous la mise en place de ce nouvel outil qui, je pense, va être très intéressant pour les cliniciens, et ce, au bénéfice des patients. » //