Notre traitement de la rémunération des médecins à honoraires fixes en invalidité lorsqu’ils font de la réadaptation tire à sa fin. Il ne reste qu’à préciser ce qui arrive aux forfaits associés à leur clientèle inscrite et à vous décrire les nouvelles modalités et leur application. C’est le sujet de cette dernière chronique.
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Nous avons évoqué le fait que la RAMQ suspendait le paiement des avantages liés à l’inscription de la clientèle lorsque le médecin était en invalidité. Le raisonnement reposait sur le fait que le médecin à honoraires fixes devait être en invalidité totale pour retirer des prestations. Pour la RAMQ, ce traitement touchait tous les modes de rémunération du médecin. La seule exception était pour les retours progressifs dans les secteurs à honoraires fixes. Le versement des forfaits d’inscription reprenait alors.
La solution retenue prévoyait spécifiquement la possibilité que le médecin ait droit aux avantages liés à l’inscription après les trois premières semaines d’invalidité s’il a des activités régulières selon un autre mode ou après les quatre premières semaines s’il a des activités de réadaptation ou s’il fait un retour progressif à honoraires fixes dans un secteur où il fait de l’inscription de clientèle.
Ainsi, il suffit donc de facturer des activités pendant la réadaptation ou de faire un retour progressif à honoraires fixes pour réactiver le versement des avantages liés à l’inscription. Lorsque le médecin ne reprend pas ses activités à honoraires fixes, mais qu’il reprend celles en première ligne selon un autre mode (en cabinet, par exemple), il doit en informer la RAMQ à l’aide du formulaire 4543. Le médecin qui n’a pas d’activités en première ligne selon un autre mode n’a pas à remplir ce formulaire.
C’est donc dire que le médecin à honoraires fixes en invalidité qui a des activités rémunérées à l’acte en cabinet pourra recevoir les montants liés à l’inscription de sa clientèle pendant cette reprise d’activités. Il en est de même du médecin en CLSC qui inscrit des patients dans le cadre de sa pratique à honoraires fixes, lorsqu’il reprend ses activités pendant sa réadaptation, comme c’était le cas auparavant.
Il y a néanmoins un prix à ce changement. Un médecin en invalidité totale pendant plus de treize semaines consécutives n’est pas tenu de voir sa clientèle pour que ses inscriptions demeurent actives. Lors de son retour à la pratique, il retrouve ses inscriptions dans l’état qu’elles étaient lorsqu’il est devenu invalide, sauf pour les patients qui se sont désinscrits ou qui se sont inscrits auprès d’un autre médecin. Cet avantage prend désormais fin quand le médecin reprend certaines activités pendant sa réadaptation ou ses activités régulières dans un autre secteur. Notez que le médecin en invalidité partielle qui ne reçoit aucune prestation d’honoraires fixes doit composer avec cette même réalité. Les inscriptions de patients ne sont donc suspendues que s’il est en invalidité totale, et non en invalidité partielle.
Le médecin en invalidité à honoraires fixes qui a des activités rémunérées à l’acte en cabinet pendant son invalidité pourra recevoir les montants liés à l’inscription de sa clientèle, tout comme le médecin en CLSC qui effectue des activités pendant sa réadaptation.
Comprenez que les inscriptions du médecin au moment de la reprise de ses activités ou du début de sa réadaptation seront les mêmes qu’au début de son invalidité. Par la suite, si ses activités sont limitées, l’inscription de certains patients pourrait ne plus être active. Par conséquent, les suppléments ou forfaits annuels liés à cette clientèle pourraient cesser, du moins jusqu’à ce que le médecin voie de nouveau ces patients.
Certains médecins à honoraires fixes facturent à tarif horaire. Ils peuvent le faire dans une installation distincte du lieu de leur nomination à honoraires fixes (par exemple, honoraires fixes en CSLC, tarif horaire en CHSLD). Mais ils peuvent aussi réclamer des heures à tarif horaire lors de dépassements de leur nomination dans la même installation. Les deux situations sont radicalement différentes.
Dans le premier cas, il s’agit d’activités distinctes, et les règles que nous avons décrites s’appliquent. Dans le deuxième cas, il est difficile de comprendre qu’un médecin puisse se déclarer invalide seulement pendant les 35 premières heures de ses activités, mais non pendant les suivantes. Dans ce genre de situation, si le médecin a des activités pendant sa réadaptation, il devra d’abord les réclamer à honoraires fixes. Aussi bien dire qu’il lui sera difficile de réclamer le tarif horaire dans le secteur où il est rémunéré à honoraires fixes tant qu’il ne sera pas de retour à ses activités régulières.
N’oubliez pas que la réadaptation est un processus volontaire. Les médecins veulent généralement revenir au travail le plus rapidement possible. Ils se sentent responsables envers leur clientèle et les collègues qui doivent compenser en leur absence et ils se valorisent beaucoup par leur travail. Les anciennes règles pouvaient décourager un médecin d’effectuer un retour pendant la période de réadaptation. Depuis les modifications, ce frein a disparu.
Autre fait important, au-delà de l’année du début de son invalidité, le médecin en invalidité ne cumule pas de vacances. À la fin de la deuxième année qui suit le début de son invalidité (on parle d’années de l’entente, et non d’années civiles), si le médecin n’a pu prendre ses vacances, celles en banque lui seront payées sous forme de paiement forfaitaire. Ce versement ne réduit pas ses prestations.
Notez que durant la pandémie de COVID-19, plusieurs médecins ont accumulé des vacances qui sont reportables indéfiniment. Ces vacances ne sont pas payées automatiquement de la façon décrite précédemment, mais sont conservées en banque. Si le médecin veut se les faire payer, il doit demander à la RAMQ d’appliquer le traitement que nous venons de décrire. Autrement, la RAMQ les lui versera seulement lorsqu’il les prendra ou lorsqu’il mettra fin à sa nomination à honoraires fixes.
Lorsque l’invalidité se prolonge au-delà de deux ans, comme le médecin n’accumule pas de jours de vacances pendant son absence après l’année du début de son invalidité, s’il veut prendre des vacances après le retour de son absence pour invalidité, il n’aura plus de jours en banque (à l’exception des vacances reportables indéfiniment). Il pourrait donc être obligé de prendre un congé sans solde s’il veut s’absenter. Il serait préférable que ce congé soit « autorisé » par son chef de département ou de service afin de ne pas nuire au calcul de ses avantages sociaux l’année suivante.
Le médecin en réadaptation pendant plusieurs mois pourrait vouloir prendre des vacances pendant cette période. L’entente est muette à cet égard. Les parties négociantes se sont donc entendues pour permettre au médecin d’interrompre momentanément ses activités pendant sa réadaptation pour recharger ses batteries, tout en continuant à se prévaloir des prestations d’invalidité. Le médecin facture des codes de vacances à la place de ses activités de réadaptation ou de retour progressif et les codes d'invalidité pour les autres jours et donne des explications dans la case appropriée. Voyez les prochaines informations de la RAMQ. Ceci réduit sa banque de vacances. Cette possibilité fait disparaître ce qui était un dernier frein pour encourager les médecins à faire de la réadaptation.
Les modifications sont apportées de façon prospective depuis le 1er janvier 2020. Consciente des discussions entre les parties négociantes, la RAMQ n’a pas ajusté la rémunération des médecins en invalidité depuis cette date. Elle va l’ajuster rétroactivement au 1er janvier 2020 en fonction des nouvelles règles. Pour les quelques médecins dont elle retenait le paiement des forfaits liés à l’inscription, elle va procéder aux paiements.
Nous l’avons évoqué d’entrée de jeu, c’est en 2016 que la RAMQ s’est mise à appliquer les règles du paragraphe 8.02. Elle est alors retournée sur les trois ans qui précédaient son évaluation. Une quarantaine de médecins ont été touchés par l’application des règles depuis 2014. Dans certains cas, les répercussions financières sont minimes. Dans d’autres, le recalcul des ajustements en fonction des nouvelles règles va produire un paiement de la RAMQ qui, dans certains cas, pourrait s’élever à des dizaines de milliers de dollars.
Comme les discussions avec le ministère ont été particulièrement longues dans ce dossier, il a été convenu d’appliquer les modifications rétroactivement aux médecins qui auraient subi des récupérations liées à ces anciennes règles. Pour les médecins en invalidité depuis peu, qui n’ont jamais fait l’objet d’une récupération par la RAMQ, il est très peu probable que cela se produise. Ceux qui ont subi des récupérations depuis 2014 recevront le remboursement de ces sommes sans intérêt. Les calculs sont faits pour les périodes entre 2014 et 2019. Pour les invalidités survenues depuis 2020, la RAMQ devra réviser la rémunération, ce qui pourra prendre quelques mois.
Le versement se fera sous forme d’un montant forfaitaire, tant pour la période avant le 1er janvier 2020 que par la suite. La RAMQ n’aura donc pas à modifier les feuillets T4 des médecins pour les années en cause. Les médecins qui ont fait l’objet d’une récupération dans le passé et qui reçoivent des montants forfaitaires importants devront discuter avec leur comptable pour savoir s’ils doivent modifier leurs déclarations d’impôts des années en question.
Nous avons évoqué la mixité des modes de rémunération dont bénéficient les médecins, y compris ceux à honoraires fixes. Leur assurance invalidité pour leur rémunération à honoraires fixes ne couvre donc qu’une partie de leur rémunération pour des activités professionnelles. C’est pourquoi il est important que les médecins se procurent une assurance invalidité distincte (individuelle ou collective) pour couvrir l’autre volet de leur rémunération au cas où ils se retrouveraient en invalidité.
Le médecin en réadaptation pendant plusieurs mois pourrait vouloir prendre des vacances. Les parties se sont entendues pour lui permettre de prendre des vacances pendant sa réadaptation, tout en continuant de recevoir ses prestations d'invalidité.
Pour certains, la description des règles applicables jusqu’à tout récemment a probablement été une surprise. Toutefois, soyez rassuré. Le nouveau traitement colle plus à vos attentes intuitives. À part quelques rares exceptions (tarif horaire en dépassement des honoraires fixes dans le même milieu ou secteur), les nouvelles règles devraient vous permettre de tirer avantage de la possibilité d’effectuer d’autres activités professionnelles durant votre invalidité. Le plafond à la rémunération totale, légèrement inférieur à la rémunération brute préinvalidité, devrait toucher peu de médecins ou s’appliquer à de rares semaines. Comme groupe, espérons que vous pourrez dormir plus tranquilles et que si jamais vous deviez vous retrouver en invalidité, vos préoccupations sur l’effet de la reprise partielle de vos activités sur votre rémunération ne vous empêcheront pas de suivre vos impulsions d’aider vos patients et vos collègues. Bonne facturation !