Nouvelles syndicales et professionnelles

Traumatisme craniocérébral

les sportifs sont-ils plus résilients ?

Élyanthe Nord  |  2024-04-02

deGuise

On a longtemps cru que les sportifs se remettaient plus facilement que les autres des traumatismes craniocérébraux. Ils présentent effectivement moins de symptômes comme l’anxiété ou la dépression. Mais sur le plan fonctionnel, ils ne récupèrent pas vraiment mieux. Au bout de six mois, presque la moitié a encore des séquelles, montre une nouvelle étude publiée dans le JAMA Network Open1. Même ceux qui ont eu une commotion légère sans anomalies à la tomodensitométrie peuvent ne pas retrouver leur fonctionnement normal.

« Ces résultats mettent en garde contre une vision trop optimiste de l’évolution du patient après un traumatisme cranio­cérébral lié au sport, même si la blessure initiale semble légère », indiquent dans leur article les auteurs de l’étude, le Dr Michail Ntikas, de l’Université de Stirling au Royaume-Uni, et ses collègues.

Le chercheur et son équipe ont étudié les données de 4360 patients victimes d’un traumatisme craniocérébral qui se sont rendus à l’hôpital et y ont passé une tomodensitométrie cérébrale. Parmi ces sujets, issus de 18 pays européens, 256 (6 %) ont été blessés au cours d’une activité sportive : équitation, ski, soccer, etc. Le Dr Ntikas et ses collaborateurs ont comparé leur état au bout de six mois à celui des 4104 autres participants qui ont subi un traumatisme craniocérébral dans un contexte différent.

Parmi les personnes victimes d’un trauma en pratiquant un sport, 46 % n’avaient pas totalement récupéré. Même chez celles dont le traumatisme craniocérébral était léger, la proportion restait élevée au sixième mois : 39 %. Et chez les sujets qui, de surcroît, avaient des résultats négatifs à la tomodensitométrie cérébrale, 31 % demeuraient affectés par leur commotion cérébrale. Et qu’en est-il des patients blessés en dehors de la pratique d’une activité physique ? Soixante-cinq pour cent avaient encore des séquelles six mois plus tard, mais la différence avec les sportifs n’était pas statistiquement significative (tableau).

Pour mesurer la récupération, les chercheurs ont utilisé l’échelle de Glasgow étendue (GOSE) qui comprend huit catégories allant du décès à la récupération totale, en passant par l’invalidité modérée inférieure. Les chercheurs ont divisé les sujets en deux groupes : ceux qui avaient un score de 8, dont l’état était revenu à la normale, et ceux qui avaient un résultat inférieur.

« Un score en dessous de 8 peut signifier que les gens restent avec des limites sur le plan fonctionnel et peuvent avoir de la difficulté à reprendre leurs activités, à étudier ou à travailler. Une récupération incomplète peut aussi se manifester par des maux de tête, des étourdissements, de la fatigue, un sentiment de ralentissement, des troubles de concentration ou des problèmes de mémoire. Ce sont des symptômes qui nuisent à la qualité de vie et aux activités quotidiennes », explique la Dre Elaine de Guise, neuropsychologue et chercheuse spé­cialisée dans les traumatismes craniocérébraux à l’Institut de recherche du CUSM et au Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation du Montréal métropolitain.

Une différence sur le plan mental

La différence entre blessés sportifs et non sportifs se dessine toutefois sur le plan mental. Et elle est très claire au bout de six mois. Ceux qui ont eu un trauma craniocérébral au cours d’une activité physique sont peu nombreux à souffrir d’anxiété, de dépression, de stress post-traumatique et de symptômes post-commotionnels. La différence par rapport aux autres sujets est statistiquement significative.

« On voit notamment que la qualité de vie liée à la santé psy­chologique est plus élevée chez les sportifs, note la Dre de Guise, également professeure à l’Université de Montréal. Ce n’est cependant pas étonnant qu’ils présentent moins de symptômes liés au trouble de stress post-traumatique et d’anxiété, parce que les accidents de sport n’entraînent généralement pas ce genre de problème, contrairement à un accident de voiture où l’on a eu peur de mourir ou à une agression. »

La récupération mentale des sportifs a par ailleurs été plus rapide. Trois mois après l’accident, ils étaient encore relativement nombreux à avoir une moins bonne qualité de vie liée à la santé physique ou mentale (environ 23 % du groupe) et des symptômes post-commotionnels (22 %). Toutefois, au cours des trois mois suivants, plusieurs ne notaient plus ces problèmes.

D’où vient cette différence entre victimes d’un trauma craniocérébral survenu pendant le sport et victimes blessées dans un autre cadre ? Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses. « Après une blessure, les athlètes peuvent recevoir un plus grand soutien de leurs camarades de sport qui connaissent bien les commotions cérébrales. Ensuite, un exercice léger et contrôlé pendant la première semaine peut avoir des effets positifs sur la santé mentale et favoriser le rétablissement. Les victimes d’un traumatisme craniocérébral lié au sport sont vraisemblablement plus susceptibles que les autres patients d’en faire dans les semaines suivant l’accident en raison de leur désir de reprendre leur activité physique. Elles auraient également une plus grande résilience en ce qui a trait à certaines conséquences du traumatisme craniocérébral, selon une vision optimiste des effets des commotions cérébrales dans le sport », écrivent les auteurs.

Le meilleur conseil : la reprise progressive des activités

Que faire pour permettre au patient de récupérer le mieux possible ? « Le conseil numéro un à lui donner, c’est vraiment de reprendre ses activités peu à peu. C’est la clé du succès. Il ne doit pas arrêter. Bien sûr, durant les 48 premières heures, il faut qu’il se repose, comme le recommande l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Ensuite, il doit s’adonner graduellement à ses activités intellectuelles, physiques et sportives. Le patient peut débuter, par exemple, par 20 minutes, puis faire une pause », explique la neuropsychologue.

Comme chercheuse, la Dre de Guise crée des programmes d’intervention pour faciliter la récupération des patients après un traumatisme craniocérébral léger. « Si les bonnes recommandations sont appliquées dès le début, les patients ont de meilleures chances de se rétablir et de ne pas avoir de symptômes chroniques. C’est la base de toutes mes études et de ma recherche. »

Il faut donc intervenir rapidement. Le patient doit être accompagné dans la reprise progressive de ses activités ainsi que dans la gestion de son anxiété, de ses symptômes dépressifs, de ses symptômes cognitifs, de sa fatigue et de ses problèmes de sommeil. « On réduit ainsi le risque que les problèmes perdurent », explique la professeure. Le sommeil, par exemple, est crucial. « Au début, les personnes dorment beaucoup. Elles ont une hypersomnie qui, rapidement, se transforme en insomnie. Elles auront donc de la difficulté à dormir, et un cercle vicieux va s’installer. »

Le patient doit également connaître les symptômes post-commotionnels susceptibles de survenir : mal de tête, difficulté de concentration, sensation de brouillard dans la tête et étourdissements. « S’il n’en a pas été informé, il va se demander ce qui se passe. Son anxiété va augmenter. Et comme il sera anxieux, ses symptômes s’amplifieront. Il dormira mal, se sentira fatigué ou deviendra de plus en plus déprimé. S’installera alors un cercle vicieux qu’il faudra briser au plus vite en lui fournissant les renseignements appropriés », recommande la Dre de Guise.

On doit également encourager le patient à continuer à faire du sport. « L’exercice a de nombreux effets bénéfiques sur le cerveau et la santé mentale. »

Ainsi, chez les sportifs, tout comme chez les autres patients, les traumatismes craniocérébraux doivent être suivis de près, même si les répercussions semblent avoir été légères et qu’aucune anomalie n’apparaît à l’examen d’imagerie. « Cette étude nous montre qu’il faut revoir le patient six mois plus tard, mentionne la Dre de Guise. Il est par ailleurs essentiel d’utiliser les bons outils de mesure. On recommande d’en employer plusieurs, parce que certains ne sont pas assez sensibles pour détecter toutes les difficultés. Il faut donc évaluer le patient selon plusieurs approches. »

Bibliographie

1. Ntikas M, Stewart W, Ietswaart M et coll. Contrasting characteristics and outcomes of sports-related and non-sports-related traumatic brain injury. <em>JAMA Netw Open</em> 2024 ; 7 (1) : e2353318. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2023.53318.