Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la FMOQ. |
Les médecins savent généralement qu’ils doivent soumettre leur facturation à la RAMQ dans les 90 jours de la date de service, faute de quoi ils ne seront pas payés. Il y a des situations où le calcul de ce délai pose des problèmes, et certains médecins sont surpris des validations de la RAMQ. Voyons-en quelques-unes.
Vous vous assurez sans doute que la majorité de votre facturation est transmise dans les semaines suivant la date à laquelle vous avez rendu les services. Tant mieux, vous êtes alors payé plus rapidement et vous ne courez pas le risque de vous faire refuser votre facturation lors d’une demande de dérogation au délai de facturation.
Néanmoins, il arrive que des médecins prennent du retard. Ils ont parfois l’impression d’avoir été piégés du fait qu’ils ont une mauvaise compréhension de la façon de facturer certains services. C’est le cas de certains forfaits qui couvrent des périodes d’un mois, de trois mois ou même d’un an. Faisons le tour.
Lorsqu’on parle de forfaits périodiques, on pense généralement aux forfaits liés à l’inscription de la clientèle, soit le forfait annuel d’inscription générale et le forfait de responsabilité pour les patients vulnérables. Toutefois, ces forfaits ne se facturent pas. C’est plutôt la RAMQ qui évalue le droit d’un médecin à les recevoir. Des médecins peuvent avoir des questions sur la comptabilité des inscriptions actives ou sur les versements, mais leur facturation n’est jamais en jeu.
Certains forfaits sont payables sur une période prédéterminée. Les médecins sont libres de les facturer dès le début de la période, d’en étaler la facturation dans le temps ou même de les facturer à la toute fin de la période en cause. Du fait de la liberté dont ils disposent quant à la date de facturation, il arrive que des médecins se « fassent prendre » et finissent par dépasser les délais de facturation.
Un exemple concret est le forfait compensatoire pour l’utilisation d’un DME. Il peut être facturé n’importe quand dans la période visée de trois mois. Pour obtenir la compensation du trimestre (du 1er janvier à la fin mars), un médecin peut indiquer la date du 1er janvier ou du 31 janvier sur sa facture, tout comme celle du 30 mars. Le choix de la date influencera toutefois la manière dont la RAMQ validera sa facturation.
Si le médecin inscrit la date du 31 janvier, il doit transmettre sa facturation avant la fin avril, soit avant qu’il ne se soit écoulé 90 jours depuis la date indiquée. Bien que le trimestre qui donne droit à la compensation se termine le 31 mars, la RAMQ va effectuer la validation en fonction de la date indiquée sur la facture. Le médecin qui attend le début mai pour transmettre sa facture datée du 31 janvier subira donc un refus puisqu’il est hors délai. Il pourra corriger la situation, pourvu qu’il le fasse avant la fin mai, en remplaçant la date indiquée sur sa facture par celle du 2 ou du 3 mars. Une telle date se trouve toujours à l’intérieur du trimestre visé par la compensation et du délai de 90 jours pour soumettre la facture.
Si le médecin ne change pas la date du 31 janvier, il ne sera jamais payé, car il est hors délai. C’est frustrant, car il est encore à l’intérieur du délai de 90 jours depuis la fin du trimestre. Cet exemple ne fait que souligner à quel point le choix de la date de facturation est important.
Un autre médecin pourrait avoir facturé son tout premier forfait en date du 1er du mois qui suit la date du premier trimestre pour lequel il pouvait réclamer le forfait. Il a alors renoncé, sans s’en rendre compte, à la compensation pour ce tout premier trimestre. La RAMQ le paie ainsi pour le deuxième trimestre, pas le premier.
Choisir une date de facturation en début de trimestre pour un forfait trimestriel peut artificiellement devancer la date limite pour la transmission de votre facture à la RAMQ, même si vous avez transmis votre facture moins de 90 jours après la date de fin du trimestre.
Tant qu’il facture le 1er du mois suivant la fin du trimestre de façon continue, il aura l’impression qu’il est payé correctement. Un changement du montant payable lors de la renégociation de l’entente pourrait lui donner l’impression que la RAMQ l’a payé incorrectement. Et si le médecin changeait d’approche de facturation pour réclamer le forfait à l’intérieur du trimestre plutôt qu’après, il se rendrait subitement compte de son erreur. Sa facture en date de la fin du trimestre serait perçue par la RAMQ comme une deuxième facture pour le même trimestre et serait ainsi refusée. Son choix initial de facturer après le trimestre avait décalé sa facturation et l’avait privé du montant du tout premier trimestre.
La meilleure façon de prévenir ce genre de situation est de bien comprendre les règles de validation.
Les forfaits de chef (de DRMG, d’urgence, de département de médecine générale, du GMF) peuvent aussi donner lieu au même genre de problème. Les plus récents exemples datent du rehaussement du nombre de forfaits pour les chefs en juin 2022. Le rehaussement s’étant fait le 1er juin, la RAMQ a séparé l’année en deux périodes : une première de janvier à mai et une deuxième de juin à décembre. Il fallait donc respecter le maximum pour la première période et pour la deuxième. Un médecin ne pouvait diviser le nombre maximal de forfaits par douze et facturer ce nombre chaque mois. Il se serait trouvé, le cas échéant, à réclamer plus que le nombre permis durant les cinq premiers mois et moins que le maximum autorisé durant les sept mois suivants.
Le médecin qui aurait attendu à la fin de l’année pour réclamer l’ensemble des forfaits pour l’année aurait été encore plus pénalisé, car il n’aurait reçu que les sept douzièmes des forfaits de l’année, donc essentiellement rien pour les cinq premiers mois. Très frustrant !
Un changement de période lors d’un rehaussement du nombre de forfaits en cours d’année peut aussi provoquer une surprise si le médecin n’ajuste pas ses dates de facturation pour correspondre aux nouvelles dates de validation.
Bref, lors de la facturation de forfaits couvrant une période donnée, faites attention à la date de service que vous indiquez afin de choisir une date à l’intérieur de la période visée et d’éviter de devancer artificiellement le délai de transmission de votre facturation et ainsi de vous priver de la rémunération à laquelle vous avez droit
Espérons que la situation ne vous touchera pas. Bonne facturation !