Nouvelles syndicales et professionnelles

L’avis de grossesse deux ans plus tard

Un succès qui doit prendre de l’ampleur

Élyanthe Nord  |  2024-08-20

JDeschamps

Depuis son lancement, en mars 2022, l’avis de grossesse a été rempli par presque 73 000 femmes. Environ 40 % d’entre elles ont été orientées vers un service ou ont eu de l’aide pour obtenir un suivi obstétrical. D’ailleurs, 1169 médecins et infirmières ont accepté d’apporter leur contribution et de prendre en charge des participantes du programme.

L’avis de grossesse a ainsi connu un succès rapide. Son but est d’aider toutes les femmes enceintes à avoir, dès que possible, un suivi médical ou d’autres services (préparation à l’allaitement, cours prénatal, suivi Olo, services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance [SIPPE], etc.)

Beaucoup de femmes sont ainsi jointes. « Quand on regarde le nombre d’avis de grossesse par rapport au nombre total de naissances, on peut voir que l’on a atteint environ 50 % de femmes enceintes », affirme Mme Julie Deschamps, responsable du programme au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Sur le terrain, des programmes comme SIPPE et Olo ont d’ailleurs connu une hausse fulgurante du nombre de femmes enceintes qui recourent à leurs services. De leur côté, des organismes comme Médecins du monde et le Programme régional d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile (PRAIDA) ont pu aider bien des futures mères à obtenir des services en les orientant vers l’avis de grossesse.

Femmes vulnérables ou non

CLacroix

L’avis de grossesse doit être rempli en ligne par la femme enceinte. « Dès qu’elle envoie le formulaire, elle reçoit un courriel automatisé qui lui indique les services offerts en périnatalité dans son secteur. Elle obtient également des conseils à connaître dès les premiers mois de grossesse », explique Mme Deschamps, également conseillère en prévention et en promotion de la santé pour le volet périnatalité et petite enfance au MSSS.

Destiné à toutes les femmes enceintes, l’avis de grossesse permet par ailleurs de repérer celles qui ont besoin d’aide pour obtenir un suivi de grossesse ainsi que celles qui ont des facteurs de risque : les primipares, les femmes qui se sentent seules, qui ont un faible degré de scolarité, qui ont de la difficulté à subvenir à leur besoin ou qui aimeraient parler de leurs difficultés. Dans chacun des cas, une intervenante de l’avis de grossesse du CISSS ou du CIUSSS communique avec la future mère.

Les intervenantes, généralement des techniciennes en travail social, effectuent une analyse des besoins et dirigent la femme vers les bons services. « Elles ne font pas d’évaluation ou d’intervention auprès des femmes qui remplissent l’Avis de grossesse », précise la Dre Chantal Lacroix, médecin-conseil en périnatalité et en petite enfance au MSSS.

L’avis de grossesse n’est par ailleurs pas un outil pour obtenir des services pour la patiente. « En aucun cas le médecin ou son personnel ne doit remplir l’avis de grossesse pour diriger la femme vers des services du CISSS ou du CIUSSS », précise la Dre Lacroix, qui a participé à la conception et à la mise en œuvre de l’avis de grossesse. Les médecins, pour leur part, peuvent orienter eux aussi la patiente enceinte vers des services comme SIPPE ou Olo.

Augmenter l’accès au suivi obstétrical

L’avis de grossesse a été initialement créé pour s’assurer que les femmes qui attendent un enfant aient un suivi obstétrical dès le premier trimestre. En 2017, une étude a révélé que 24 % des femmes enceintes au Québec n’avaient pas été prises en charge avant le deuxième et parfois même le troisième trimestre.

Qu’en est-il maintenant, plus de deux ans après le lancement de l’avis de grossesse ? Les données sur les suivis obstétricaux tardifs ne sont pas disponibles. Néanmoins, pour s’assurer de réduire ces cas le plus possible, certaines améliorations pourraient être apportées au service. « Pour augmenter la rapidité d’accès au suivi de grossesse, il serait souhaitable que les femmes remplissent plus tôt leur avis de grossesse et qu’on leur offre plus rapidement un suivi auprès des professionnels de la santé », affirme la Dre Lacroix.

L’une des solutions pour accélérer la prise en charge obstétricale serait de donner aux intervenantes des avis de grossesse un accès privilégié à des plages de rendez-vous des médecins participants. « Actuellement, elles doivent appeler les secrétaires au même titre que les patientes. Il y a donc une grande perte de temps et d’efficacité à cette étape. Comme l’objectif est d’avoir une prise en charge au premier trimestre, on n’a pas beaucoup de semaines de marge de manœuvre », indique la médecin.

Dans certaines régions, ce sont par ailleurs souvent les femmes enceintes elles-mêmes qui doivent faire les démar­ches. L’intervenante leur donne une liste de médecins qui acceptent des patientes. « Un certain tri est donc fait, mais la femme doit quand même appeler chaque clinique », explique Mme Deschamps.

Un nouveau réflexe : remplir l’Avis de grossesse

Les femmes enceintes doivent également être jointes plus tôt. « On va regarder comment y parvenir. Faut-il lancer une campagne médiatique pour les femmes enceintes ? se demande Mme Deschamps. Je pense que l’on doit insister davantage sur le fait que l’avis de grossesse est utile pour toutes les femmes enceintes, pas seulement pour celles qui ont des besoins particuliers. »

Le programme Avis de grossesse doit donc s’étendre encore davantage. Il reste à atteindre une future mère sur deux. « On aimerait que cela devienne un réflexe ou une norme sociale : dès qu’une femme est enceinte, elle remplit l’avis de grossesse », dit la responsable du programme.

ENCADRÉ

SUIVRE DE NOUVELLES PATIENTES ENCEINTES

Actuellement, 759 médecins de famille, 177 infirmières praticiennes spécialisées et 233 obstétriciens-gynécologues participent au programme Avis de grossesse et acceptent de suivre des femmes enceintes.

La prise en charge précoce de la grossesse est non seulement bénéfique pour les futures mères, mais également importante pour le clinicien. « On aime toujours voir la patiente au début de la grossesse afin d’amorcer le suivi de façon optimale, affirme la Dre Chantal Lacroix, qui elle-même fait des suivis de grossesse à l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal. Pendant le premier trimestre, on peut vraiment avoir un effet positif important par des interventions telles que le dépistage, la promotion de la santé et des bonnes habitudes de vie, le retrait des médicaments potentiellement dangereux, etc. Si la femme a des problèmes de santé physique ou mentale, on peut alors prendre les mesures nécessaires pour que la grossesse se passe le mieux possible et assurer le bien-être du foetus. C’est également un moment privilégié pour commencer à créer une belle relation de confiance. »

Comme la Dre Lacroix, 1168 autres professionnels de la santé ont accepté de figurer sur la liste du programme Avis de grossesse. « Aucune obligation ne nous est imposée », dit la Dre Lacroix. Les cliniciens peuvent accepter ou refuser librement les demandes de prise en charge de grossesse. « La liste de professionnels est le seul outil dont disposent les intervenantes de l’Avis de grossesse pour permettre aux femmes enceintes d’avoir un suivi obstétrical », souligne par ailleurs la médecin, également médecin-conseil en périnatalité et en petite enfance au MSSS.

Les médecins qui acceptent de nouvelles patientes enceintes peuvent donner leur nom au programme Avis de grossesse : https://bit.ly/3xwF65C.