Nouvelles syndicales et professionnelles

La Dre Magali Brousseau-Foley

« Les médecins de famille ont une place à se faire en recherche »

Nathalie Vallerand  |  2024-09-01

La Dre Magali Brousseau-Foley, engagée en recherche dans les soins de première ligne, plaide pour que les médecins de famille soient plus nombreux à suivre cette voie.

DreFoley

Rares sont les médecins de famille qui font de la recherche. La Dre Magali Brousseau-Foley, médecin au GMF-U de Trois-Rivières et elle-même chercheuse, le déplore. « Le système met beaucoup de pression sur les médecins de famille. J’ai l’impression que ce climat n’aide pas à les attirer vers la recherche. Ils ont pourtant beaucoup à apporter », explique l’omnipraticienne qui vient de gagner le prix Contribution à la recherche remis par le Collège québécois des médecins de famille.

Selon la lauréate, les médecins de famille ont une compréhension de la première ligne et une vision globale de la santé permettant de concevoir des études qui reflètent ce qui se passe en cabinet. Or, les médecins spécialistes sont plus nombreux en recherche. « Leur vision est différente. En médecine spécialisée, on s’occupe d’un organe. Par conséquent, les études portent souvent sur des patients qui ont un seul problème de santé. Si cela donne de belles statistiques, les solutions proposées ne s’appliquent pas toujours en cabinet parce que notre patient type a diverses maladies dont on doit tenir compte. D’ailleurs, plusieurs lignes directrices de pratique clinique reposent sur des recommandations qui émanent d’études ne représentant pas nos patients. » De surcroît, la plupart de ces études sont menées auprès d’hommes de moins de 65 ans.

Dans un contexte où la médecine évolue rapidement, les omnipraticiens auraient avantage à être plus présents en recherche, estime la Dre Brousseau-Foley. « Il y a de plus en plus de traitements, et il faut peser le pour et le contre de chacun. Mais la recherche offre peu de réflexion sur les patients que l’on voit tous les jours au cabinet. »

 

La piqûre pour la recherche

Médecin depuis dix ans, la Dre Brousseau-Foley prépare une thèse de doctorat en sciences biomédicales sur l’activité physique chez les patients diabétiques ayant des complications aux pieds. Elle est aussi coauteure d’une quinzaine d’études dont la plupart portent sur les ulcères plantaires causés par le diabète.

D’où vient son intérêt pour ce sujet ? En fait, elle est titulaire d’un doctorat de premier cycle en médecine podiatrique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et elle a exercé à temps partiel comme podiatre pendant ses études en médecine. « Après mon doctorat en podiatrie, j’avais encore le goût d’étudier. J’ai donc décidé de faire une maîtrise, mais aussi de faire une demande d’admission en médecine, car mes études en podiatrie m’avaient motivé à élargir mes connaissances médicales », relate celle qui est aujourd’hui professeure en médecine podiatrique à l’UQTR.

C’est dans le cadre de sa maîtrise qu’elle a eu la piqûre pour la recherche. Son sujet d’étude : les cors plantaires. « Il s’agit d’un problème fréquent qui réduit la qualité de vie des patients et pour lequel il existe peu de solutions. Lorsque j’ai appris par hasard qu’un podiatre américain traitait les cors en injectant de l’acide hyaluronique dans la plante des pieds, j’ai trouvé cette avenue intéressante. Cependant, il n’y avait pas de données qui soutenaient cette utilisation. Je venais de trouver mon projet de recherche. »

Le tout s’est concrétisé par un petit essai clinique où dix-sept patients ont reçu de façon aléatoire une injection de gel d’acide hyaluronique ou d’eau stérile. Conclusion ? Les deux groupes ayant montré une amélioration cliniquement pertinente, l’acide hyaluronique ne semble pas plus efficace que l’eau stérile. « Les résultats étaient un peu décevants, mais c’est grâce à cette étude que je me suis découvert une passion pour la recherche clinique auprès des patients », souligne l’omnipraticienne de 38 ans.

Faire bouger les patients diabétiques

Pour son doctorat en sciences médicales, la Dre Brousseau-Foley a conçu un programme d’activité physique destiné aux patients diabétiques qui ont des ulcères plantaires ou présentent des risques d’en avoir. Plus précisément, sa recherche porte sur la faisabilité et l’acceptabilité d’un tel programme. Est-ce que les gens vont vouloir le suivre ? Vont-ils persévérer ? Se présenter à toutes les séances ? Effectuer les exercices à la maison ?

Les personnes diabétiques ayant des complications aux pieds sont souvent en fin de parcours, puisque plusieurs organes sont alors atteints par le diabète, explique la médecin de famille. Leur taux de mortalité est de 50 % sur une période de cinq ans. « On a tendance à abandonner un peu ces patients en se disant qu’il n’y a plus rien à faire. Et les patients pensent également ainsi. Quand je les recrute pour mon étude, ils me disent qu’ils sont trop malades pour faire de l’activité physique. Mais ce n’est pas le cas. »

Le programme qu’elle teste auprès de douze personnes, en collaboration avec des kinésiologues, est adapté aux capacités de ces patients. Il comprend notamment des exercices sur chaise et l’utilisation d’un ergocycle muni d’un pédalier pour les bras. « L’objectif principal du programme, s’il est mis sur pied, est d’améliorer la forme physique des patients pour qu’ils aient une meilleure qualité de vie et qu’ils vivent plus longtemps, indique la chercheuse. Après mon doctorat, je prévois mener une étude avec un plus grand nombre de participants pour vérifier l’effet des exercices sur leur santé. »

La Dre Brousseau-Foley contribue également à des études sur des outils d’aide à la décision concernant les soins aux patients diabétiques. « Les lignes directrices ne correspondent pas toujours à ce que le patient est prêt à faire. La botte de décharge, par exemple, entraîne beaucoup de contraintes. Les outils d’aide à la décision facilitent les discussions entre patients et médecins. »

Par ailleurs, l’omnipraticienne a été nommée récemment co­directrice de la recherche au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Son rôle consiste principalement à favoriser les maillages entre chercheurs et cliniciens ainsi qu’à valoriser la recherche auprès des équipes cliniques. De plus, elle est responsable des projets d’érudition et de recherche au sein du GMF-U de Trois-Rivières. À ce titre, cet automne, elle sera cochercheuse dans un projet de recherche-action sur la mise en place d’une clinique de dépistage des complications aux pieds chez les patients diabétiques. « L’idée est de mettre au point un modèle qui ne sera pas trop lourd pour la première ligne tout en étant efficace », résume-t-elle.

Enfin, entre ses activités de recherche et d’enseignement, la Dre Magali Brousseau-Foley consacre quelques heures par semaine au suivi de ses patients. « J’y tiens, car cela me garde connectée à la pratique. Le travail clinique nourrit mes recherches. »