quoi savoir avant d’agir ?
La gestion des employés dans une clinique n’est pas toujours une tâche facile. Dans certains cas, il faut prendre la décision de congédier un employé. Dans le présent article, nous vous présentons une mise en situation des principales règles applicables.
Me Annie Bourgeois et Me Alexandra Gévry sont respectivement associée et sociétaire chez Langlois Avocats et travaillent en droit du travail. Elles s’intéressent particulièrement aux dossiers de fin d’emploi. Me Simon Chénard est associé chez Langlois Avocats et travaille en droit des affaires. Il y est coordonnateur du programme Lexmed. |
La Dre Perreault est responsable du GMF de Cinq-Rivières et gestionnaire de la clinique médicale qui l’abrite. Depuis un bon bout de temps déjà, un employé de la clinique arrive souvent en retard et est parfois déplaisant avec les patients. La Dre Perreault et ses collègues songent fortement à le relever de ses fonctions. Mais quelles règles devraient-ils connaître avant d’agir* ?
Il est à noter que dans le cadre du présent article, nous ne traiterons pas des règles applicables en milieu syndiqué.
Le congédiement est la rupture unilatérale et définitive du contrat individuel de travail du salarié par l’employeur. En droit du travail, il s’agit de la sanction la plus sévère.
Il est important de souligner la distinction entre un congédiement administratif et un congédiement disciplinaire, qui repose essentiellement sur le caractère intentionnel ou non d’un manquement commis par un salarié.
Le congédiement disciplinaire s’applique lorsque le salarié adopte un comportement fautif. Les exemples sont multiples, notamment les absences volontaires, les retards, l’insubordination, la négligence, le vol et la fraude, le harcèlement à l’endroit d’un collègue de travail, le manquement à l’obligation de loyauté, le langage injurieux et grossier, la violence et le manquement à un règlement de l’employeur.
Avant de procéder à un congédiement disciplinaire, le gestionnaire d’une clinique médicale doit généralement respecter le principe de la gradation des sanctions, qui comporte souvent un avis verbal, puis un avis écrit, une suspension (dont la durée peut varier) et, enfin, le congédiement.
Le principe de la gradation des sanctions repose sur la prémisse qu’une mesure moins grave que le congédiement peut permettre au salarié de se rendre compte du caractère fautif de son comportement et ainsi d’amender sa conduite. À noter que le principe de la gradation des sanctions ne s’applique pas toujours, notamment quand la faute du salarié est grave (fraude, vol, etc.).
Il est également important que le gestionnaire de la clinique documente les manquements allégués et rencontre le salarié afin d’obtenir sa version des faits. Une faute grave peut entraîner le congédiement immédiat. À titre d’exemples, les comportements suivants ont été jugés « sérieux » : l’usage de drogues sur les lieux du travail, le harcèlement sexuel, l’atteinte à la dignité et les propos racistes, le vol, la fraude, la violence ou l’abus de confiance.
À la différence du congédiement disciplinaire, le congédiement administratif s’applique plutôt lorsque le comportement reproché à l’employé est involontaire et concerne sa prestation de travail.
Les exemples sont multiples, notamment le manque de compétence, le manque de connaissance et l’incapacité physique ou mentale. Ainsi, le congédiement sera qualifié de « non disciplinaire » (administratif) lorsque le renvoi du salarié est lié à son incapacité à fournir la prestation de travail demandé.
Avant d’en arriver à un congédiement administratif, différentes mesures peuvent être prises par le médecin gestionnaire, entre autres la remise d’une lettre à l’employé, la création d’un plan d’action ou d’amélioration de la performance claire et détaillée ou une rétrogradation. La jurisprudence a établi plusieurs critères à respecter en cas de congédiement administratif pour rendement insatisfaisant.
Ainsi, le salarié doit connaître les politiques de la clinique et les attentes à son égard.
1. Ses lacunes lui ont été signalées.
2. Il a obtenu le soutien nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs.
3. Il a bénéficié d’un délai raisonnable pour s’ajuster.
4. Il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part.
5. L’employeur a démontré avoir déployé des efforts raisonnables pour réaffecter le salarié à un autre poste compatible.
Dans la mesure du possible, il est recommandé de rencontrer le salarié dans un endroit à l’écart, par exemple un bureau fermé, afin de lui expliquer les motifs de fin d’emploi. Évidemment, le moment de cette rencontre dépend des activités de la clinique. Dans un monde idéal, ce serait en début ou en fin de quart de travail de sorte que la personne puisse quitter les lieux sans croiser ses anciens collègues. Cette rencontre peut s’avérer tendue ou émotive, d’où l’importance de demeurer calme et courtois.
Dans le cadre de cette rencontre de fin d’emploi ou parallèlement à cette dernière, les bonnes pratiques veulent que l’employeur remette une lettre de fin d’emploi, traitant notamment de la date de prise d’effet de fin d’emploi, des motifs y ayant mené, des montants qui seront versés, dont le salaire ainsi que les sommes liées aux heures supplémentaires, à l’indemnité de vacances et à l’indemnité tenant lieu du préavis à verser, le cas échéant. La durée de ce préavis est fixée en fonction du nombre d’années de services.
Oui. Un employé congédié pourrait vouloir contester la décision de son employeur. À cet égard, la Loi sur les normes du travail prévoit des recours pour congédiement sans cause juste et suffisante et pour pratiques interdites. Le salarié qui désire se prévaloir de ces recours doit déposer sa plainte par écrit auprès de la CNESST dans les 45 jours de son congédiement. L’employé qui n’a pas atteint deux ans de service continu ne peut porter plainte auprès de la CNESST, mais dispose d’autres recours auprès des tribunaux usuels en vertu du Code civil. Il est donc important que les médecins propriétaires s’assurent que le congédiement est fait dans les règles de l’art.
L’exploitation d’une clinique médicale est certes une expérience emballante, mais elle oblige aussi à l’occasion les médecins à faire face à diverses situations dont ils se passeraient bien. La gestion des ressources humaines dans une clinique, comme dans toute autre entreprise, présente plusieurs défis. Recrutement, congédiement, licenciement, il y a parfois de quoi y perdre son latin. Le recours à du soutien professionnel lorsque certains événements et certaines questions surviennent est préférable à l’adoption d’une mauvaise conduite. Dans ces situations, il n’est pas superflu de communiquer avec ses avocats et ses comptables afin de bien faire les choses.
La Dre Perreault et ses collègues ont bien suivi les conseils de leurs avocats. Ils ont constitué un dossier bien documenté sur leur employé problématique, ont préparé un entretien avec lui et ont convenu d’un lieu et d’un moment propice pour le rencontrer. À l’occasion de cette rencontre, ils lui ont fait part de leur insatisfaction à son endroit et lui ont remis une lettre d’avertissement. Souhaitons-leur que le tout s’arrange pour le mieux !
* Cette présentation est construite autour de personnages imaginaires. Toute similitude avec des événements réels est purement fortuite.