problèmes et solutions
L’assemblée générale annuelle de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal (AMOM), le 22 novembre, était la dernière de la tournée du Québec du président de la FMOQ, le Dr Marc-André Amyot. « Ces rencontres sont importantes pour nous. On y voit entre 1000 et 1200 médecins », a-t-il indiqué aux 104 membres présents.
Le climat politique était morose. « Le discours public envers les médecins de famille est dur. On a un déficit de 12 milliards, peut-être plus. Un cynisme s’est installé, même dans la communauté médicale. On sait que le climat et les conditions de travail sont difficiles pour les médecins, a reconnu le président. Moi, je veux vous dire “Merci ”, parce que vous travaillez fort et que ce travail-là n’est souvent pas reconnu à sa juste valeur. C’est souvent ce qui est le plus décevant dans le climat actuel. »
Les omnipraticiens n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts. « Vous avez offert un million de rendez-vous, malgré une pénurie de 1500 médecins de famille, malgré des conditions extrêmement difficiles. Vous avez réussi à améliorer l’accès aux soins. Bravo ! », a dit le Dr Amyot.
Les chiffres, comme ceux de l’exode des omnipraticiens vers le secteur privé, sont par ailleurs révélateurs de l’atmosphère actuelle. « C’est le symptôme d’un malaise dans le réseau public. La solution n’est pas d’ajouter des contraintes supplémentaires. Il y en a déjà trop. Il faut améliorer les conditions de pratique des médecins pour qu’ils restent. C’est la position que nous défendons. »
L’association de Montréal, pour sa part, a eu à s’occuper de nombreux dossiers en 2024. La pénurie de médecins, par exemple, continue à avoir d’importantes répercussions dans la métropole. « Nous avons remis à l’avant-scène le dossier des plans régionaux d’effectifs médicaux (PREM). Nous avons écrit des lettres dans les médias et interpellé le ministère de la Santé. Nous travaillons en collaboration avec la FMOQ. Nous discutons d’un plan pour éliminer les PREM au cours des prochaines années », a expliqué le Dr Samer Daher, président de l’AMOM, à ses membres.
Plusieurs cliniques montréalaises, dont certaines étaient importantes, ont par ailleurs dû fermer leurs portes au cours des deux dernières années. « La FMOQ a créé un comité sur le financement des cliniques en difficulté. Nous aussi travaillons à ce dossier », a affirmé le Dr Daher.
Cette question soulève notamment celle de la propriété des cliniques médicales. « Le but des cliniques médicales appartenant à des promoteurs non médecins est différent de celui des cliniques possédées par des médecins, a souligné le président de l’AMOM qui, par transparence, a déclaré être lui-même propriétaire d’une clinique. Nous, nous sommes là pour nos collègues. »
Les règles concernant la propriété des cliniques ne sont par ailleurs pas uniformes. « Comme les cliniques de radiologie sont la propriété de radiologistes, les pharmacies celle de pharmaciens, on voudrait que les cliniques médicales ne puissent être détenues que par des médecins. Nous avons discuté de ce sujet avec la FMOQ qui s’intéresse à ce dossier. » Plusieurs articles publiés dans la presse ont, en outre, révélé des dérives survenues dans des cliniques possédées par des non-médecins, a indiqué le président.
L’AMOM est également intervenue au cours de l’année au sujet de l’offre de services concernant les tests de laboratoire et les examens d’imagerie dans la métropole. « Plusieurs médecins nous ont écrit pour nous dire que c'est incohérent que leCentre universitaire de Santé McGill (CUSM) refuse d’offrir des tests prescrits par les médecins qui n’y pratiquent pas. Nous avons alors fait une intervention politique qui a beaucoup fait bouger de choses. Le ministre de la Santé a été obligé d'intervenir le matin même. »
Le CUSM avait-il légalement le droit d’interdire ces tests ? « Là, n’est pas la question, a fait valoir le Dr Daher. Le problème, c’est que les temps d’attente sont énormes à Montréal. Si vous enlevez un ou deux gros centres comme le CUSM et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal, les délais vont augmenter. »
Qu’en est-il de la modernisation de l’organisation des soins en première ligne ? L’an dernier, la FMOQ a demandé à ses associations de commenter la revue de littérature faite sur ce sujet par le Pr Jean-Louis Denis, maintenant rattaché à l’Université de Toronto. Les membres du conseil d’administration de l’AMOM ont effectué l’exercice.
« Concernant l’équipe médicale, on doit viser un ratio d’une infirmière par médecin, comme en France. Pour les autres professionnels, le ratio dépend des besoins de la clientèle », a expliqué le Dr François-Pierre Gladu, vice-président de l’AMOM.
Les membres du CA voyaient également d’un bon œil que les médecins se concentrent sur le diagnostic et le traitement, leur domaine d’expertise. La prévention et la promotion de la santé, elles, pourraient davantage être déléguées aux infirmières. « Le suivi longitudinal reste essentiel pour nous », a souligné le Dr Gladu.
Par ailleurs, les patients qui ont besoin d’un rendez-vous en première ligne devraient être orientés par le 8-1-1 ou le guichet d’accès vers le professionnel adéquat, qui peut être un physiothérapeute, un psychologue, etc., a suggéré le CA. « En cas de non-disponibilité d’un professionnel du CISSS, un code de remboursement devrait être émis pour permettre la visite dans le privé », a précisé le Dr Gladu.
Et devant les difficultés du Centre de répartition des demandes de services, pourquoi ne pas revenir aux polycliniques des années 1980, au sein desquelles les médecins de toutes les spécialités pratiquaient ? « Le patient serait mieux servi par un réseau local de consultants qui pourraient même offrir l’accès adapté », a mentionné le vice-président.
Par ailleurs, s’il y a recours aux indicateurs de performance, ils devraient porter sur l’ensemble des professionnels. « Si on ne fait que mesurer la performance des médecins de famille, qui constituent 5 % des 192 000 professionnels du réseau de la santé, on ne servira pas l’accessibilité. »
Bien des aspects de la première ligne pourraient ainsi être repensés. « C’est en réfléchissant en termes de trajectoires de services qu’on pourra améliorer l’accessibilité », a estimé le Dr Gladu. L’Association rédigera un second rapport après les consultations des médecins montréalais sur l’amélioration de l’organisation des soins de première ligne.