Alors que le coût de vie n’a cessé de croître au cours des dernières années, beaucoup de jeunes adultes ont du mal à accumuler les fonds nécessaires pour accéder à la propriété. Dans ce contexte, de nombreux parents médecins s’interrogent sur leur capacité à donner, dès maintenant, une partie de leur patrimoine à leurs enfants, tout en respectant leur plan de retraite. Pour répondre à ces questions, il est recommandé de réaliser une planification financière comparative, avec et sans don.
Shahla Tabti est représentante-conseil adjointe et gestionnaire de portefeuille – Gestion privée Fonds FMOQ. Ronald Miglierina est planificateur financier, notaire, fiscaliste et directeur de Solutions planification financière – Fonds FMOQ. |
Odile*, médecin à la retraite, mariée, dispose d’un plan financier solide pour sa retraite. Sa fille unique de 34 ans peine à trouver un emploi de qualité dans son domaine. Pour l’aider, Odile envisage de lui offrir 50 000 $ par an, pendant quatre ans, et consulte pour évaluer l’impact de ce don sur son plan financier. Elle découvre que répartir le don sur quelques années présente l’avantage d’étaler le gain en capital, et qu’elle peut se permettre une retraite à la hauteur de ses attentes, avec ou sans don. Voici pourquoi.
Odile a 66 ans, son espérance de vie supposée est de 95 ans. Les actifs d’Odile sont constitués de 1 000 000 $ en régime enregistré d’épargne-retraite (REER), de 120 000 $ dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) et de 1 000 000 $ dans un compte non enregistré. L’exercice de planification tient compte d’une inflation de 2,1 %, d’un rendement de 4 % et d’un coût de vie annuel de 84 000 $ (indexé annuellement). Chaque année, une cotisation au CELI est faite à partir du compte non enregistré.
Le tableau suivant compare les deux scénarios (tableau). L’analyse montre qu’il reste suffisamment d’actifs successoraux au décès. Cela veut dire que le coût de vie annuel projeté sera amplement couvert année après année, malgré des dons totalisant 200 000 $.
Comme dans le cas d’Odile, une planification financière rigoureuse permet de déterminer combien donner et à quel moment. Transmettre de l’argent à vos enfants de votre vivant offre plusieurs atouts.
Le principal avantage est de pouvoir les aider au moment où ils en ont le plus besoin. Par exemple, offrir un montant à un enfant de 30 ans pour l’achat de sa première maison aura un impact bien plus grand que de lui léguer cette somme des décennies plus tard.
Un autre bénéfice du don de votre vivant est que vos enfants aient l’opportunité de commencer à épargner et à bâtir leur patrimoine immédiatement. Cela peut également les protéger financièrement en cas de périodes difficiles, comme une séparation ou une perte d’emploi.
De plus, le don ne s’ajoute pas au revenu imposable de vos enfants et n’a donc aucune incidence fiscale pour eux. En revanche, vous devez considérer l’impôt éventuel lié à la vente de placements enregistrés ayant généré des gains en capital chaque année de don.
Enfin, au décès, la facture d’impôt sur vos placements risque d’être plus élevée par rapport à un retrait effectué aujourd’hui. Donner de son vivant prend encore plus de sens depuis les modifications annoncées concernant l’imposition du gain en capital. À compter du 25 juin 2024, les gains annuels supérieurs à 250 000 $ seront ajoutés à vos revenus imposables selon un taux d’inclusion de deux tiers (au lieu de la moitié). Cependant, étant donné le contexte politique canadien, ces mesures pourraient être annulées rétroactivement.
Donner de l’argent de son vivant peut être une bonne décision stratégique, mais il faut tenir compte des implications qui ne sont pas toujours positives. En effet, un don est définitif, ce qui signifie qu’il ne peut être récupéré, même en cas de tensions ou de divisions familiales. Une autre option serait de consentir un prêt à long terme à votre enfant, une démarche qui nécessite toutefois la préparation d’un contrat comportant de nombreuses clauses.
L’équité dans la fratrie peut être une source de tensions, d’où l’importance de prévoir une répartition équilibrée dans votre planification financière. Vous pourriez choisir de donner de l’argent à tous vos enfants de manière égale tout de suite ou bien de favoriser celui qui en a le plus besoin dans l’immédiat, tout en prévoyant une compensation pour les autres dans votre testament.
De plus, il est recommandé de documenter votre don auprès d’un notaire afin de protéger le patrimoine du ou des enfants. En effet, le don ne fait pas partie du patrimoine familial, de la société d’acquêts et du patrimoine parental de celui qui le reçoit, ce qui peut avoir des impacts dans le futur.
Dans le cas d’Odile, si sa fille achète une maison en couple, et qu’Odile donne de l’argent à sa fille pour maximiser sa mise de fonds, il est important de formaliser l’acte de donation, en spécifiant ses détails et conditions. Il faudrait prévoir d’exclure le don et son rendement du partage des biens en cas de séparation du couple (cela vise uniquement le cas de l’enfant qui est marié sous le régime matrimonial de la société d’acquêts).
Par ailleurs, il est recommandé que l’enfant et son conjoint concluent une entente notariée afin de prévoir qu’en cas de vente de la maison détenue par les deux conjoints, l’enfant pourra récupérer, en priorité, sa mise de fonds excédentaire (avec un rendement).
Planifier un don d’argent est essentiel. Une étude de votre situation réalisée avec rigueur et objectivité permet d’évaluer, entre autres, les répercussions financières, fiscales et celles liées à l’équité entre frères et sœurs.
* Prénom fictif. Avis de non-responsabilité : des simulations personnalisées sont nécessaires.
Note de la rédaction. Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.