une nouvelle solution possible : la vitamine k2
Peu de traitements existent contre les crampes nocturnes dans les jambes. Un supplément, toutefois, vient de se révéler efficace contre ces contractions musculaires. Il en diminue la fréquence, la durée et l’intensité sans effet indésirable.
Ce produit ? La vitamine K2.
Des chercheurs chinois, le Dr Jing Tan et ses collègues, qui publient leurs résultats dans le JAMA Internal Medicine1, avaient déjà testé ce supplément chez des patients hémodialysés dans une petite étude pilote. La vitamine s’était avérée efficace contre les crampes et sûre2.
Cette fois-ci, l’équipe a effectué une étude à double insu et à répartition aléatoire sur 199 personnes. Les participants, âgés de 65 ans et plus, ont été recrutés par des annonces placées dans deux hôpitaux de la province du Sichuan. Ils souffraient d’environ 2,6 crampes par semaine. Leurs contractions musculaires, sans cause connue, étaient relativement légères : elles avaient une intensité de 3,3 à 3,6 sur une échelle analogique de 10 et duraient de 1,15 à 1,3 minute (graphique).
Les participants ont été distribués en deux groupes. Un premier, de 103 personnes, prenait une capsule de 180 µg de vitamine K2, un supplément vendu sans ordonnance, tandis que le second, regroupant 96 sujets, recevait un placebo. Tous devaient prendre le produit avant de se coucher.
Dès la première semaine, les crampes ont commencé à diminuer chez les participants prenant de la vitamine K2. Elles ont décru jusqu’à la sixième semaine. Les sujets du groupe expérimental n’ont ainsi ressenti en moyenne qu’une crampe par semaine au cours des deux mois de l’intervention. À l’opposé, les participants témoins en ont eu 3,6. La différence était statistiquement significative.
La vitamine K2 a aussi diminué la durée des crampes. Les contractions persistaient 15 secondes avec le supplément contre 1 minute avec le placebo. Et elles étaient deux fois moins intenses avec la vitamine qu’avec le placebo (1,12 contre 2,08 sur l’échelle analogique) (graphique).
« C'est une étude intéressante, parce qu’elle comble un besoin en médecine. Les crampes sont un problème récurrent. Les données dont on disposait jusqu’à présent étaient peu convaincantes. La quinine, par exemple, a trop d'effets indésirables », explique le Dr Hugues Allard-Chamard, rhumatologue et professeur-chercheur au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.
Le spécialiste proposera probablement de la vitamine K2 à certains de ses patients. « Cela peut être sensé de l’offrir à des personnes qui, à cause de leurs crampes, ne sont plus capables de dormir et ont une qualité de vie affreuse. Il faut discuter avec elles des risques et des avantages de ce traitement. »
Le Dr Allard-Chamard reste néanmoins prudent. On ne peut pas encore recommander la vitamine K2 dans tous les cas. « Les résultats de l’étude chinoise sont préliminaires. Il s’agit d’un essai clinique effectué sur une population différente de la nôtre et qui n’a pas été reproduit », indique le professeur-chercheur.
Plusieurs données, en outre, manquent dans l’article du JAMA Internal Medicine, notamment les réactions indésirables liées ou non à la vitamine K2. « Normalement, tous les effets doivent être mentionnés. Dans une étude de phase 3 financée par une compagnie pharmaceutique et destinée à Santé Canada, on disposerait de ces informations. »
Les auteurs se contentent de mentionner dans leurs résultats qu’aucun effet indésirable n’a été associé à la vitamine K2. Ils soulignent, cependant, qu’il a été prouvé que ce supplément est sûr et que des organismes comme l’Organisation mondiale de la Santé n’ont pas fixé de dose maximale.
La vitamine K2, qui peut toutefois potentiellement réduire l’effet de la warfarine, n’est pas conseillée aux patients sous anticoagulothérapie. « Pourrait-elle causer des problèmes chez les patients atteints d’autres troubles de la coagulation ? », se demande le Dr Allard-Chamard. Cet aspect n’a pas été testé, note-t-il.
« Est-ce que cette étude est très intéressante ? Absolument. Est-ce qu’elle m’enthousiasme ? Oui, indique le spécialiste. La vitamine K2 n'est pas chère et ne semble pas avoir beaucoup d'effets indésirables. Les résultats sont encourageants, mais devraient être reconfirmés par d’autres études de plus grande envergure. »
Comment agit la vitamine K2 ? Les auteurs proposent un mécanisme d’action potentiel à partir d’une étude in vitro. Dans ces travaux, la vitamine a provoqué une relaxation musculaire en inhibant l’apport du calcium venant du médium externe. « Cette action était effectuée par le blocage des canaux calciques dépendant du potentiel et, par conséquent, réduisait le taux de calcium intracellulaire dans les cellules musculaires », écrivent-ils.
D’autres questions restent cependant encore en suspens. Combien de temps le patient doit-il prendre de la vitamine K2 ? Peut-il cesser après un certain temps ? On l’ignore. L’étude n’a duré que dix semaines au total (en incluant la phase préliminaire). Et un autre problème se pose : l’achat du produit. Les comprimés que l’on trouve dans les pharmacies sont de 120 µg plutôt que de 180 µg, comme dans l’étude. Il faudrait alors recourir à un fournisseur sur Internet.
1. Tan J, Zhu R, Li Y et coll. Vitamin K2 in managing nocturnal leg cramps: a randomized clinical trial. JAMA Intern Med 2024 ; 184 (12) : 1443-7. DOI : 10.1001/jamainternmed.2024.5726.
2. Xu D, Yang A, Ren R et coll. Vitamin K2 as a potential therapeutic candidate for the prevention of muscle cramps in hemodialysis patients: a prospective multicenter, randomized, controlled, crossover pilot trial. Nutrition 2022 ; 111608. DOI : 10.1016/j.nut.2022.111608.