Éditorial

Muscler la collaboration

Marc-André Amyot  |  2025-03-01

Les dénouements des dernières semaines nous auront donné raison sur cette phrase qui terminait l’éditorial de février : « Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » La véritable collaboration, quand elle est authentique et mutuelle, porte ses fruits. Le récent accord ayant permis de reconduire l’entente sur l’inscription collective, et par le fait même le GAP, avant son échéance et jusqu’à la conclusion d’un nouvel accord-cadre, en est un exemple éloquent. Espérons qu’il ne sera pas un exemple isolé, car seul un effort concerté nous permettra d’avancer. La confrontation et la coercition divisent toujours plus qu’elles ne résolvent les enjeux. Le dialogue, lui, éclaire systématiquement l’horizon.

Mes experts, tes experts, nos experts

La FMOQ est avant tout une organisation encline à la discussion. Même quand le gouvernement souffle le chaud et le froid. Même quand il tombe sans crier gare dans la confrontation ouverte. Et, oui, même quand il opte pour le dédoublement en formant de nouveaux comités au lieu de se focaliser sur des actions concrètes. Nous l’avons dit, nous étions dubitatifs devant la création d’un nouveau comité d’experts mandaté pour influencer le développement d’une politique gouvernementale sur l’organisation des services de première ligne.

Néanmoins, tendre la main ne signifie pas s’effacer. La FMOQ n’a donc pas attendu d’être convoquée en consultation, car être proactif, c’est dans l’ADN des médecins de famille. Elle a aussitôt accueilli ces experts, désignés par le ministre Dubé, à son dernier colloque de la Commission des présidents. Ces experts ont ainsi rencontré les dix-huit présidents et présidentes des associations affiliées à la FMOQ. Dix-huit médecins de famille, ancrés dans la réalité du terrain, qui travaillent depuis des années à résoudre les enjeux de leur région. Dix-huit experts qui non seulement analysent les soins de première et de deuxième ligne, mais les prodiguent aussi jour après jour. C’est donc avec sérieux et ouverture que la FMOQ a offert toute sa collaboration au nouveau comité, dévoilant sans réserve ses travaux actuels et ceux déjà entrepris.

L’objectif est simple : garantir que l’organisation des soins et des services réponde aux besoins réels des patients, et non à des considérations purement politiques ou technocratiques.

« On entraîne des résultats »

Si la FMOQ est prête à collaborer, ce n’est toutefois pas à n’importe quelle condition. Comme le clamait le célèbre slogan publicitaire : « On entraîne des résultats. » Toute collaboration doit donc mener quelque part.

Elle ne peut exister que si l’on dépasse l’exercice politique de créer… une autre politique. On doit aller plus loin encore. On doit déployer une vision intégrée des soins et des services, appuyée par un plan d’action concret, une vision qui couvre l’ensemble du continuum de soins, de la première à la troisième ligne, mais aussi les soins surspécialisés et les services communautaires.

Il ne faut surtout pas oublier que 34 % des activités des médecins de famille se déroulent en deuxième ligne. D’autres médecins de famille, eux, n’œuvrent pas forcément en première ou en deuxième ligne, mais dans des secteurs particuliers. L’expertise et l’engagement de ces médecins font partie des piliers du réseau de santé, mais leur polyvalence constitue un atout essentiel dont on ne peut se priver aujourd’hui.

Une politique d’organisation de la première ligne ? Pourquoi pas. Mais elle ne sera un succès que si elle s’inscrit dans une vision beaucoup plus large encore, intégrée à l’ensemble du système. Nous n’avons plus le luxe de réfléchir et d’agir en silo.

Le véritable enjeu n’est pas seulement de se parler, mais de bâtir un modèle d’un commun accord. Car penser l’organisation de la première ligne isolément, sans tenir compte de l’intégralité du réseau, c’est comme rénover une pièce d’une maison sur le point de s’affaisser. On aura peut-être une cuisine toute rutilante, mais si le toit coule et que les fondations s’effritent, il ne faudra alors pas se surprendre que la maison devienne rapidement inhabitable.

La franche collaboration est comme un muscle. Peu exercée, elle s’atrophie. Bien entraînée, elle produit des résultats.

 

Le 1er mars 2025

Marc-André Amyot

Président de la FMOQ,
Dr Marc-André Amyot