CRDSI, santé mentale et troubles musculosquelettiques
Le travail de l’Association des médecins omnipraticiens de Laurentides-Lanaudière commence à porter ses fruits, notamment en matière de troubles musculosquelettiques et d’accès aux services en santé mentale. Sa présidente, la Dre Lyne Couture, fait le point.
M.Q. – votre région a été choisie pour tester un nouveau logiciel du Centre de répartition des services en imagerie (CRDSI). Comment cela s’est-il passé ? |
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L.C. • Le Ministère a mis en œuvre son projet pilote dans toutes les Laurentides. Le logiciel, conçu à Toronto, a d’abord été employé au Royaume-Uni pour favoriser une plus grande pertinence des examens d’imagerie. Cependant, nous avons rapidement constaté que plusieurs motifs de demandes de résonance magnétique, de tomodensitométrie, d’échographie et de mammographie n’étaient pas dans les menus déroulants. La radiculopathie, par exemple, y était absente. Les débuts du projet pilote ont été difficiles. Le recours à la plateforme CRDSI pour obtenir nos examens consommait beaucoup de temps et était une source de mécontentement pour nos membres. Avec la FMOQ, nous avons rencontré les responsables du Ministère afin d’améliorer la plateforme pour tenir compte du point de vue des cliniciens. |
M.Q. – Le Ministère a-t-il montré de l’ouverture ? |
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L.C. • Oui, les responsables du Ministère ont été réceptifs et, avec eux, nous avons formé un comité de médecins champions qui donnent des solutions pour faciliter l’utilisation du logiciel. Plusieurs indications cliniques ont par ailleurs été ajoutées aux menus déroulants. Des éléments irritants, comme les allergies aux produits de contraste, qu’on devait préciser alors qu’on ne connaît jamais le produit exact, ont été retirés. Bref, le logiciel a été amélioré et a commencé à être déployé dans d’autres régions. Il n’est cependant pas encore optimal. Ainsi, même s’il est intégré au dossier médical électronique, il ne peut pas inscrire automatiquement des résultats de tests comme le taux de créatinine d'un patient. Le Ministère est d’accord pour incorporer le remplissage automatique, mais des difficultés techniques en retardent la mise en œuvre. |
M.Q. – Ce logiciel n’est-il utilisé que par les médecins de famille ? |
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L.C. • C’est un aspect qui nous irrite. Dans un premier temps, les médecins de famille et les infirmières praticiennes spécialisées en première ligne sont tenus de se servir du nouveau logiciel CRDSI, mais pas les médecins spécialistes en consultations externes dans les Laurentides. Comme l’objectif est d’accroître la pertinence des examens, nous croyons que tous les médecins, à l’exception de ceux qui font de l’urgence et de l’hospitalisation, devraient également l’employer. Il n’y a pas que les médecins de famille qui doivent progresser en matière de pertinence. Le Ministère nous assure que les spécialistes aussi devront passer par un logiciel de pertinence. Nous suivrons ce dossier. |
M.Q. – L’AMOLL s’est par ailleurs donné le mandat d’améliorer l’accès aux services de santé mentale. Avez-vous obtenu des résultats ? |
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L.C. • D’abord, j’aimerais souligner que les médecins de famille ne sont pas des médecins demandeurs de soins en santé mentale. Au contraire, nous sommes des donneurs de soins. Nous offrons plus de services en santé mentale que les psychiatres. Cependant, il nous faut des outils pour bien travailler, dont un meilleur accès à la deuxième ligne quand c’est nécessaire. Si plus de soins en psychiatrie étaient offerts aux patients externes, des visites à l’urgence pourraient être évitées. Cela dit, notre conseil d’administration s’occupe de ce dossier depuis trois ans, et ça ne va pas vite. Nous avons rencontré à quelques reprises la Direction des services professionnels du CISSS des Laurentides et de celui de Lanaudière pour améliorer la trajectoire de soins. Mais l’accès en psychiatrie pour nos patients demeure très difficile. Même ceux qui ont eu une consultation ou qui ont été hospitalisés en psychiatrie ont du mal à obtenir ensuite un suivi. J’ai toutefois bon espoir que la situation s'améliore prochainement. |
M.Q. – Qu’est-ce qui vous rend optimiste ? |
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L.C. • Le Département territorial de médecine familiale (DTMF) des Laurentides se montre très désireux de parvenir à des résultats, et nous a donné son appui. D’ailleurs, en février, il a collaboré avec notre association pour mener un sondage sur la satisfaction et les besoins des médecins de famille. L’Association des médecins de CLSC du Québec nous aide également à transmettre ce sondage à ses membres œuvrant dans les Laurentides. Les résultats ne sont pas encore compilés, mais l’idée est d’avoir un portrait précis de la situation, des données et de déterminer les besoins de nos membres pour qu’ils puissent mieux outiller et traiter leurs patients en santé mentale. |
M.Q. – Votre association est aussi à l’origine d’un projet de recherche en physiothérapie. De quoi s’agit-il ? |
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L.C. • Les troubles musculosquelettiques constituent environ 30 % des consultations en médecine familiale. Ces patients pourraient-ils être dirigés directement vers un physiothérapeute ? Pour le savoir, nous nous sommes intéressés à une étude menée en 2020 au CHU de Québec—Université Laval. Dans cet essai clinique à répartition aléatoire, des patients qui se présentaient à l’urgence pour un problème musculosquelettique étaient soit vus directement par un physiothérapeute, soit par un urgentologue. Les résultats obtenus par les physiothérapeutes n’étaient pas inférieurs à ceux des médecins. Leurs patients avaient tendance à avoir moins de douleur par la suite, à moins retourner à l’urgence pour le même problème et à moins consommer des médicaments d’ordonnance ou en vente libre. Nous avons donc suggéré aux deux CISSS de notre territoire de mener une étude semblable, mais auprès des patients orphelins qui contactent le Guichet d’accès à la première ligne pour des problèmes musculosquelettiques. Le CISSS de Lanaudière a mis en place le projet de recherche RéPHORM-1, qui a commencé en décembre. |
M.Q. – En quoi consiste cette étude ? |
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L.C. • Un groupe de patients est dirigé vers l’un des deux GMF-U de Lanaudière pour être traité en physiothérapie, tandis qu’un groupe témoin est évalué en médecine familiale. C’est la Dre Valérie Charbonneau, médecin de famille au GMF-U du Sud de Lanaudière, qui est responsable de l’étude. L’objectif est de vérifier si l’accès direct à un physiothérapeute présente des avantages pour les patients, tout en réduisant les consultations médicales associées à des problèmes musculosquelettiques. Si les résultats sont concluants, nous pourrions établir un maillage entre médecins et physiothérapeutes, que ces derniers travaillent en établissement ou en clinique privée. Dans un contexte où il manque de médecins de famille, ce serait une façon de donner à la population les soins par d’autres professionnels que des médecins et avec des résultats au moins aussi bons. |
M.Q. – Comment ce projet de recherche est-il accueilli par les physiothérapeutes ? |
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L.C. • Ils sont enthousiastes. Toutefois, ils ont également des demandes. Notamment, ils souhaitent pouvoir orienter sans tarder vers un médecin les patients dont l’état les inquiète, et c’est normal. Ils désirent, en outre, une consultation médicale rapide lorsqu’un patient a besoin d’une radiographie, car ils ne peuvent en prescrire qu’aux patients qui ont subi un traumatisme dans les 72 dernières heures. Le Département territorial de médecine familiale se montre très ouvert à leurs besoins. Nous tentons d'ailleurs d’améliorer les échanges entre les physiothérapeutes et les médecins de famille. |
M.Q. – Pour terminer, l’AMOLL a-t-elle de nouveaux projets ? |
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L.C. • Oui. En janvier, notre association a formé un comité afin de mettre en place des initiatives pour favoriser le mieux-être de nos membres. L’objectif est d’aider les médecins à avoir plus de temps de qualité dans leur vie personnelle, familiale et professionnelle. Nous voulons leur offrir des services qui pourraient leur faire gagner du temps dans leur quotidien, des forfaits de divertissement ou d’activités sportives, etc. Peut-être pourrons-nous également conclure des ententes avec des entreprises. Le comité a par ailleurs la responsabilité de créer des occasions de réseautage entre les membres, car c’est aussi un moyen qui contribue au mieux-être. |