Vous avez une pratique orientée vers les troubles musculosquelettiques et soignez des patients atteints de problèmes chroniques réfractaires aux traitements usuels ? Peut-être avez-vous recours à des techniques comme la prolothérapie ou l’injection de plasma riche en plaquettes. Comme ces services ne sont pas assurés, certaines particularités s’appliquent quand vient le temps de facturer vos services. Informez-vous !
Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
La prolothérapie, un traitement des problèmes inflammatoires localisés par des injections de glucose hypertonique, semble devenir populaire. L’organisation d’ateliers de formation sur cette technique par la Fédération depuis quelques années y a sans doute contribué.
Il n’en reste pas moins que ce service n’est pas assuré par la RAMQ. Cette dernière suit effectivement les recommandations de l’INESSS, qui a récemment mis à jour son évaluation de ce service. Cette réalité impose des particularités quand vient le temps de facturer des services, soit à la RAMQ, soit au patient. Bien que l’INESSS n’ait pas revu les injections de plasma riche en plaquettes, ce service doit faire l’objet des mêmes précautions de facturation.
La prolothérapie, malgré sa popularité chez nos voisins du Sud, n’est pas un service assuré au Québec. La CNESST accepte, pour sa part, de payer pour ce service. Par ailleurs, le Collège des médecins ne le considère pas comme un service expérimental. La prolothérapie peut donc s’effectuer à l’extérieur d’un protocole de recherche. Toutefois, en raison de l’évaluation de l’INESSS, les informations à fournir aux patients pour obtenir leur consentement sont plus nombreuses qu’elles le seraient autrement. En cas de plainte relative à ce service, le Collège pourrait juger le médecin fautif si le consentement ne respecte pas cette norme, même si le geste technique lui-même a été exécuté de façon impeccable. Bref, il faut réserver cette technique aux situations appropriées, bien présenter les bienfaits et les complications possibles et bien consigner la discussion au dossier.
En ce qui a trait à la répartition de la facturation entre patients et RAMQ, plusieurs nuances s’imposent. La consultation servant à évaluer le problème et à confirmer le diagnostic, à prendre connaissance des différents traitements passés et à en proposer d’autres constitue un service assuré, même si un traitement non assuré est ensuite administré, même s’il est prodigué le même jour ou lors de la même visite. Vous devez alors facturer la consultation à la RAMQ. Toutefois, si le but d’une consultation est simplement d’effectuer un traitement de prolothérapie, comme ce service n’est pas assuré, la consultation ne le sera pas non plus. C’est donc dire que, dans ce deuxième contexte, consultation et traitement de prolothérapie seront facturés au patient.
Certains médecins semblent croire qu’ils peuvent facturer l’injection à la RAMQ parce qu’il existe un tarif dans le Manuel de facturation pour cet acte. C’est oublier que les tarifs de la RAMQ s’appliquent aux services dont la finalité est couverte par la RAMQ. Par exemple, l’injection de dextrose hyperosmolaire n’étant pas un traitement assuré, l’injection requise pour ce faire ne l’est pas non plus, la finalité étant le traitement de dextrose hyperosmolaire.
Comme le traitement de prolothérapie n’est pas reconnu, les informations pour obtenir le consentement sont plus nombreuses qu’elles le seraient autrement.
S’il faut recourir à un appareil d’échographie pour le guidage ou le diagnostic, ce service est aussi aux frais du patient, du moins en cabinet. En centre hospitalier, le volet diagnostique pourrait être assuré. Même si le gouvernement en venait à assurer l’échographie de guidage pour des services assurés, tant que la prolothérapie ne sera pas assurée par la RAMQ, l’échographie associée demeurera aux frais du patient.
Lors d’une visite de suivi, il faut distinguer une évaluation visant à traiter une complication ou à suivre l’évolution du problème sous-jacent (à la charge de la RAMQ) et une consultation dictée par certaines exigences de la technique elle-même, comme retirer des points de suture (aux frais du patient). Il faut donc tenir compte de ces particularités lorsque vous fixez le tarif de cette technique.
Enfin, bien qu’il s’agisse de services non assurés, vous devez tout de même vous conformer aux exigences de la RAMQ et du Code de déontologie. Vous devez ainsi afficher vos tarifs dans votre salle d’attente et obtenir le consentement du patient quant aux frais à payer avant de procéder. Les médecins participants doivent produire une facture permettant de distinguer les différents volets du service (honoraires ou frais pour du matériel ou des produits injectés) et portant l’avis précisant le recours possible à la RAMQ. Tous les médecins doivent respecter les exigences de l’article 105 du Code de déontologie. Par conséquent, ils doivent indiquer, en plus, la période de validité des prix affichés, produire une facture ou un reçu détaillé précisant les honoraires, les frais pour les fournitures et le coût des produits injectés ou des appareils fournis.
L’injection de dextrose hyperosmolaire à titre de traitement en soi n’étant pas assurée, l’injection elle-même ne peut être facturée à la RAMQ.
Certains médecins se demandent s’ils peuvent réclamer une avance pour certains services afin de couvrir les frais au cas où une personne ne se présenterait pas. L’article 106 du Code de déontologie interdit de réclamer des honoraires pour des services non rendus, à l’exception « d’une avance raisonnable pour couvrir les frais et honoraires liés à l’exécution de ses services professionnels ». Le Collège interprète cette exception en permettant, par exemple, d’exiger des frais pour réserver un bloc opératoire ou pour retenir les services d’un anesthésiste. Selon le Collège, l’article ne s’applique pas aux frais ordinaires de fonctionnement du médecin. Bref, les situations justifiant une avance pour un service non assuré sont exceptionnelles. L’administration de la prolothérapie n’en est pas une.
Les injections de plasma riche en plaquettes constituent un autre service courant dans le traitement des problèmes musculosquelettiques chroniques. Elles sont moins faciles d’accès que la prolothérapie, car elles exigent d’être en mesure de prélever du sang et de le centrifuger pour séparer les cellules du plasma, cette dernière fraction retenant les plaquettes du fait de leur faible poids. Par la suite, il faut réinjecter ce plasma au même patient, conformément aux normes de stérilité. Bref, il ne s’agit pas d’une technique accessible à tous.
Comme la prolothérapie, ce service n’est pas assuré par la RAMQ. Le Collège en permet l’utilisation en dehors d’un cadre expérimental et a les mêmes exigences rehaussées concernant l’information donnée pour obtenir le consentement que dans le cas de la prolothérapie.
Quant à sa facturation, les nuances entre services assurés et non assurés sont les mêmes que pour la prolothérapie. Il faut donc en tenir compte lorsque vous fixez votre tarif pour ce service et bien l’expliquer à votre patient.
Espérons que ces explications éviteront des surprises aux médecins qui ont recours à ces techniques. Bonne facturation !