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Antibiothérapie contre une bactériémie

sept jours aussi efficaces que 14

Élyanthe Nord  |  2025-04-23


Lamontagne

Peut-on administrer des antibiotiques pendant seulement sept jours à un patient atteint d’une bactériémie ? Une étude canadienne publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) montre que cette durée de traitement n’est pas inférieure à une antibiothérapie de quatorze jours1.

L’essai clinique BALANCE (Bacteremia Antibiotic Length Actually Needed for Clinical Effectiveness), dirigé par le Dr Nick Daneman et le Dr Robert Fowler, de Toronto, s’est déroulé dans 74 centres situés dans sept pays. L’étude comptait 3608 patients, dont 75 % étaient canadiens.

La plupart des participants, âgés en moyenne de 70 ans, avaient été contaminés dans la collectivité. La majorité étaient infectés par une bactérie à Gram négatif, souvent Escherichia coli. Le foyer de la bactériémie était fréquemment les voies urinaires (42 %), mais parfois l’abdomen (19 %), les poumons (13 %) ou d’autres organes. Cinquante-cinq pour cent des sujets étaient hospitalisés aux soins intensifs et 45 %, dans une autre unité. « C’était des patients très malades », explique le Dr François Lamontagne, intensiviste au CIUSSS de l’Estrie, qui a participé à la conception de l’essai clinique.

Au cours de cette étude, qui s’est étendue sur 8,5 ans, les participants ont reçu des antibiotiques pendant sept ou quatorze jours, selon le hasard. L’essai avait une particularité : la randomisation n’avait lieu qu’au jour 7. « Comme médecin, on ne pouvait donc pas savoir pendant les sept premiers jours dans quel groupe irait le patient. On ne le traitait ainsi pas différemment. Cette façon de procéder atténuait l’inconvénient d’un essai clinique ouvert », explique le chercheur, qui était le responsable de l’étude à Sherbrooke où 88 des sujets ont été recrutés.


Encadre

Le type d’antibiotique, la dose et la voie d’administration étaient décidés par l’équipe traitante. Pour 1814 patients, l’antibiothérapie a pris fin au bout d’une semaine et, pour 1794, elle s’est poursuivie jusqu’au jour 14. Quels ont été les taux de décès respectifs au bout de 90 jours ? Dans le groupe traité par une antibiothérapie brève, 14,5 % des patients (261) sont morts contre 16,1 % (286) dans le groupe traité plus longtemps. Une différence non significative de 1,6 % (intervalle de confiance : de 0,4 à 0,8). L’administration d’antibiotiques pendant sept jours n’est donc pas inférieure à un traitement de 14 jours, selon les critères spécifiés avant le début de l'étude.

Certains patients ont toutefois été exclus de l’étude (encadré). Par exemple, ceux dont la bactériémie était causée par une infection nécessitant une antibiothérapie prolongée (comme une ostéomyélite, une endocardite, etc.). « On estimait que pour certaines infections particulières, des durées de quatre à six semaines, voire de huit semaines faisaient consensus », indique le Dr Lamontagne, également professeur à l’Université de Sherbrooke.

L’essai clinique s’est déroulé dans différents pays. Outre le Canada, Israël, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, la Suisse, l’Arabie saoudite et les États-Unis y ont participé. Le Québec, pour sa part, a fourni 393 patients, soit plus de 10 % de tous les sujets.

L’étude BALANCE semble marquer une étape importante. Elle « représente une contribution majeure au domaine de l’antibiothérapie », souligne l’éditorialiste du NEJM, le Dr Vance Fowler, de l’Université Duke, en Caroline du Nord2. La méthode de l’essai clinique était rigoureuse et le nombre de ses participants considérable, note-t-il. « Daneman et coll. montrent de manière convaincante qu’environ sept jours d’antibiotiques peuvent constituer un traitement efficace pour les patients atteints d’infections sanguines associées à diverses espèces bactériennes et à différentes sources infectieuses. »

« En faire moins, c’est en faire plus »

Jusqu’à présent, aucun consensus n’existait sur la durée de l’antibiothérapie contre les bactériémies. « Il y avait énormément de variabilité, affirme le Dr Lamontagne. Généralement, les médecins choisissaient de traiter pendant de dix à quatorze jours plutôt que durant sept jours. On avait tous intégré l’idée qu’on ne peut être trop prudent. Plus on s’inquiétait de nos patients, plus ils étaient malades, plus on avait tendance à en faire davantage. »

L’étude va probablement changer cette pratique. « Maintenant, en faire moins, c’est en faire plus. L’intervention qui semble la meilleure est la plus courte », explique le chercheur.

Une antibiothérapie brève présente d’ailleurs des avantages tant pour le patient que pour le réseau de la santé. « On utilise souvent des antibiotiques coûteux. Comme ils sont administrés par voie intraveineuse, généralement à l’hôpital, il y a aussi des frais liés au personnel et au matériel. Par ailleurs, il a lieu de s’inquiéter, lors de l’emploi non nécessaire d’antibiotiques, de l’émergence possible de souches résistantes qu’on ne peut pas traiter. »

Et qu’en est-il de la survie des patients ? L’antibiothérapie de sept jours, qui présentait une réduction non significative des décès de 1,6 %, s’est révélée non inférieure. « On dit que cette baisse est non inférieure, mais en réalité, il est même possible qu’on améliore les chances de survie des patients », estime le Dr Lamontagne.

L’inversion du risque

Traiter un patient moins longtemps n’est par ailleurs pas toujours facile. « Intuitivement, un médecin a tendance à en faire plus. Ce réflexe nous amène donc à donner beaucoup de soins », indique le chercheur.

Même dans l’étude, les cliniciens ont eu de la difficulté à s’en tenir à un traitement de sept jours. Ainsi, 23 % des patients dont l’antibiothérapie devait être d’une semaine ont reçu un traitement un peu plus long. La durée médiane a été de huit jours.

« Ce n’est pas parce qu’on cesse l’administration du médicament qu’on abandonne le patient, mentionne le Dr Lamontagne. Le médecin est toujours là pour le surveiller et suivre ce qui se passe. Si on a la preuve irréfutable que l’infection reprend, on peut recommencer un traitement. »

Et quand le patient n’est encore pas guéri après sept jours, la situation doit peut-être être réexaminée. « Ce n’est probablement pas à cause de la durée du traitement que l’infection reprend. C’est peut-être plutôt parce qu’on a raté un élément important, comme un abcès à drainer. »

Le risque lié à la durée de l’administration des antibiotiques doit maintenant être considéré dans l’autre sens, estime l’in­tensiviste. « Il faut voir qu’il y a un risque réel à continuer l’admi­nistration de ces médicaments. En voulant être plus prudent, on cause peut-être activement du tort à notre malade. »

Le chercheur est très fier des résultats de l’étude BALANCE. « Le fait d’arrêter de donner des traitements inutiles, c’est vraiment un coup de circuit. C’est considérable. » Ce type d’exercice pourrait être refait pour d’autres aspects de la pratique médicale, pense le Dr Lamontagne. « Il y a énormément de choses incertaines sur le plan scientifique que l’on fait depuis toujours en médecine et que l’on devrait étudier. Les retombées de ces remises en question sont potentiellement importantes, parce qu’elles pourraient peut-être à la fois sauver des vies et préserver le système de santé. »

Bibliographie

1. Chercheurs de l’étude BALANCE. Antibiotic treatment for 7 versus 14 days in patients with bloodstream infections. N Engl J Med 2025 ; 392 (11) : 1065-78. DOI : 10.1056/NEJMoa2404991.

2. Fowler V. Eight days a week–Balancing duration and efficacy. N Engl J Med 2025 ; 392 (11) : 1136-7. DOI : 10.1056/NEJMe2414037.