Nouvelles syndicales et professionnelles

Conseil de la FMOQ

Négociations : des statistiques et des données

Élyanthe Nord  |  2025-05-08

Le 3 mai, au cours du conseil de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), les 150 délégués ont décidé, par un vote unanime, « de signifier publiquement au gouvernement le rejet du dépôt qu’il a présenté à la FMOQ le 19 mars 2025 à l’occasion des négociations entourant le renouvellement de l’accord-cadre. »

La Fédération refuse notamment « la proposition du gouvernement du Québec de retirer des médecins de famille à des patients qui sont inscrits individuellement pour les inscrire collectivement ».

Cette intention du ministère de la Santé, manifestée il y a quelques mois, est réapparue à la page 4 des propositions du gouvernement présentées à la FMOQ dans le cadre du renouvellement de l’Entente : « À noter que les patients inscrits actuellement resteront affiliés à leur milieu où ils sont présentement et ceux vulnérables demeureront associés à leur médecin. »

La Fédération a alors réagi. « Nous avons demandé à l’équipe de négociation ministérielle si elle allait faire un nouveau dépôt dans lequel cette phrase serait modifiée. On est en attente de la réponse », a expliqué le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, aux membres du conseil. La Fédération a par ailleurs elle-même déposé depuis longtemps son propre cahier des demandes liées à l’accord-cadre, échu depuis le 31 mars 2023.

Données sur l’alourdissement de la patientèle

Que contiennent sur le plan financier les offres du gouvernement ? « Vous avez vu qu’il n’y a aucune augmentation, a indiqué le président aux délégués. On y trouve une réallocation de 30 % des sommes de l’enveloppe. De plus, 25 % sont liées à l’atteinte d’objectifs de performance globaux du système. »

Le réseau ne donne cependant pas aux médecins de famille les ressources nécessaires pour être efficaces. « Quand vous devez revoir cinq ou six fois le patient qui attend sa résonance magnétique ou sa consultation avec un spécialiste, est-ce de la non-performance ? Quand vous devez faire le travail du psychologue ou du travailleur social, est-ce de la non-performance ? On va vous juger là-dessus alors que vous n’avez pas de contrôle sur ces éléments », a dénoncé le Dr Amyot.

Le travail du médecin de famille devient par ailleurs de plus en plus difficile. « La population augmente, vieillit, est plus malade. » La FMOQ a des chiffres pour le prouver. Ainsi, les personnes de 65 ans et plus sont passées de 15 % à 21 % en quinze ans, et le nombre de leurs visites dans les cabinets de 17 % à 21 %.

Le nombre de patients vulnérables s’est aussi multiplié. En 2023, ils constituaient 44 % des personnes inscrites individuellement. « Le groupe de patients qui ont au moins deux problèmes de santé, dont un de santé mentale ou une déficience intellectuelle, s’est accru de 10 % entre 2017 et 2023 », a précisé le Dr Amyot. À ses yeux, la rémunération des médecins de famille n’est pas adaptée à cet alourdissement.

Une pénurie de 2000 médecins de famille

Les médecins de famille devraient être plus nombreux. « La pénurie est maintenant estimée à 2000 médecins de famille », a affirmé le président. Le Québec compte toujours moins de médecins de famille que la moyenne canadienne : 12,4 de moins par 100 000 habitants, selon les données les plus récentes. Et déjà, les autres provinces souffrent d’une pénurie. « C’est sans compter que les médecins de famille québécois travaillent davantage en deuxième ligne que partout ailleurs au Canada. Alors, imaginez le déficit. »

La FMOQ s’est également intéressée à la proportion des dépenses en santé consacrées à la rémunération des médecins au Québec. En 2015, elle représentait 15 % et en 2024, 12 %, selon les données de l’Institut canadien d’information sur la santé. « Mme Geneviève Biron, de Santé Québec, affirme que depuis 2020 le budget de la santé a augmenté de 17 milliards. L’enveloppe de la rémunération des médecins des deux fédérations confondues, elle, ne s’est pas accrue. Mais, depuis 2020, on compte 3000 cadres et fonctionnaires de plus dans le réseau de la santé. Aujourd’hui, certains tentent de faire croire que c’est à cause de la rémunération des médecins que le système va mal », a mentionné le président.

Sondage Léger

Que pense la population ? La FMOQ a commandé un sondage Léger mené sur le Web auprès de 1002 personnes du 17 au 20 avril (https://bit.ly/43gCW70). Les résultats révèlent que parmi les répondants :

  • 86 % veulent que chaque Québécois ait un médecin de famille.
  • 68 % s’opposent à l’idée de retirer les médecins de famille à certaines personnes pour les attribuer à des patients jugés plus vulnérables.
  • 71 % refusent de perdre leur médecin de famille en échange d’une inscription à une clinique médicale sans médecin attitré.
  • 79 % souhaitent rencontrer en priorité un médecin de famille lors d’une consultation médicale. Chez ceux qui ont déjà un médecin de famille, la proportion grimpe à 85 %.

Ainsi, selon la FMOQ, la population a tendance à rejeter les solutions de rechange du gouvernement. Il faut par conséquent résoudre la pénurie de médecins de famille, estime le Dr Amyot. Comment ? « Certainement pas en les dénigrant, mais notamment en les rémunérant équitablement par rapport à leurs collègues spécialistes. »

Les priorités de la FMOQ dans ses négociations avec le gouvernement sont donc :

  • la réduction de l’écart de rémunération avec les autres spécialistes et avec les médecins de famille du reste du Canada ;
  • la valorisation de la médecine familiale ;
  • l’amélioration du modèle d’organisation et de rémunération des soins de première ligne ;
  • une garantie du financement des cliniques médicales pour assurer leur pérennité ;
  • une augmentation du tarif horaire.

Médiation et arbitrage

La Fédération désire coopérer avec le gouvernement, a assuré le président. « On ne veut pas se battre contre lui, mais travailler avec lui. Cette collaboration est essentielle pour améliorer les services en santé. La population le mérite. »

La solution que demande la FMOQ : le recours à la médiation et à l’arbitrage. « Ailleurs au Canada, les gouvernements sont beaucoup plus collaboratifs. Ils sont moins agressifs, moins envahissants, probablement parce qu’il y a en place des mécanismes de résolution des différends que nous n’avons pas ici. Quand un mécanisme d’arbitrage est instauré, le gouvernement n’a pas avantage à être agressif envers ceux avec qui il doit travailler pour améliorer les services à la population. »

Par ailleurs, même quand l’accord-cadre sera signé, la Fédération continuera à se battre pour obtenir ce mécanisme. « Il faut régler ce dossier une fois pour toutes pour s’assurer d’un équilibre entre les parties et éviter les abus de pouvoir de l’État. »