Des solutions pour l’avenir
Le Dr Jean-Yves Boutet, président de l’Association des médecins omnipraticiens du nord-ouest du Québec, sait que de nombreux médecins de sa région prendront leur retraite en 2019, en 2020 et en 2021.
Mais pire encore, les jeunes médecins arrivent maintenant au compte-gouttes. En 2019, seulement sept des 19 postes accordés dans le cadre du plan régional d’effectifs médicaux ont été pourvus. « Le recrutement a été à peine plus de la moitié de celui de l’année dernière », a expliqué le président aux médecins qui assistaient à l’assemblée générale annuelle de l’association.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux, cependant, insiste non seulement pour que les omnipraticiens continuent à inscrire des patients dans toutes les régions du Québec, mais aussi pour y déployer des projets comme Rendez-vous Santé Québec. « Pour donner à un patient un rendez-vous avec un médecin, il faut qu’il y ait des médecins ! Surtout en Abitibi-Témiscamingue et sur la Côte-Nord ! », a indiqué le Dr Boutet.
Le président déplore le manque de sensibilité du ministère à l’égard des territoires en difficulté. « La réalité des régions éloignées est différente de celle des zones urbaines. En Abitibi-Témiscamingue, les médecins de famille effectuent 40 % de leur travail en milieu hospitalier, le recrutement est très difficile et le recours au dépannage, de plus en plus ardu. »
Comme la relève est difficile à attirer, pourquoi ne pas tenter de retenir les médecins plus âgés ? « On pourrait créer une rémunération dite “sénior” pour garder nos “têtes grises”, a proposé le Dr Boutet. Après 40 ans de pratique, ces cliniciens pourraient avoir droit à une majoration de 40 %, plus 1 % par année additionnelle. Les omnipraticiens âgés veulent ralentir, mais pas nécessairement arrêter. Les frais de cabinet cependant continuent à courir. »
Sur le plan financier, il y a un autre dossier important, selon le président : l’indexation du budget des GMF. « Depuis la création de ces groupes, en 2004, il n’y a jamais eu de hausse. Les dépenses, elles, ont continué d’augmenter : les fournitures médicales, l’électricité, le loyer, etc. Si on évalue le coût de la vie à 2 % pendant 15 ans, cela représente une somme énorme. C’est 30 %, et on nous demande de faire des miracles. Arrive un moment où l’on se demande si cela vaut encore la peine d’être un GMF. » Heureusement, affirme le Dr Boutet, le cadre financier des GMF est maintenant un plus souple. « On a une enveloppe globale plutôt qu’un budget par poste. »
La capitation ? Le président de l’AMONOQ trouve cette avenue intéressante. Ce nouveau type de rémunération pourrait remplacer à moyen terme une grande partie de la rétribution à l’acte. « C’est une approche qui permet un suivi beaucoup plus moderne et sensé du patient. Elle supprime l’obligation de voir celui-ci pour être payé. Beaucoup de problèmes peuvent être réglés soit par téléphone, soit avec une infirmière ou d’autres professionnels de la santé. La capitation offre une certaine souplesse. Un médecin a tant de patients et reçoit telle somme. Je pense que cela va être un progrès. »
La capitation a aussi l’avantage de rétribuer des actes qui ne le sont actuellement pas. « Quand on écrit à un spécialiste pour avoir une consultation électronique, lui, il est payé, mais pas nous. La capitation permet donc d’être rémunéré quand on se sert de ce type d’outils. Elle permettra aussi d’utiliser les téléconsultations ou les médias électroniques pour communiquer avec nos patients. »
La capitation donnerait également la possibilité au système de mieux s’adapter aux transformations du corps médical. « La plupart des jeunes médecins veulent l’interdisciplinarité. Ils nous disent souvent : “Pourquoi dois-je voir le patient ? Il peut être vu par l’infirmière pour son diabète. S’il y a un problème, je le verrai”. Je pense que dans le contexte de la féminisation des effectifs médicaux et du changement générationnel de la façon de travailler, la capitation est incontournable. » //