Nouvelles syndicales et professionnelles

Étude DIABÉPIC-1

rémission du prédiabète et du syndrome métabolique

Élyanthe Nord  |  2025-01-01

JIGrau

Comment inciter des patients cardiaques à changer suffisamment leurs habitudes de vie pour éliminer leur prédiabète et leur syndrome métabolique ? La clé de la réussite pourrait être dans l’alimentation : réduction des produits ultratransformés, nourriture méditerranéenne et heures d’ingestion limitées.

À l’Institut de Cardiologie de Montréal, le Dr Josep Iglesies-Grau, cardiologue, a permis à un petit groupe de patients d’obtenir des résultats impressionnants. Atteints d’une maladie cardiovasculaire, les 36 participants venaient tous de recevoir un diagnostic de prédiabète et 20 présentaient en plus un syndrome métabolique.

Au bout de six mois, 50 % des sujets sont redevenus normogly­cémiques et 70 % de ceux qui avaient un syndrome métabolique étaient en rémission. Les participants ont, en outre, perdu en moyenne 8 kg. Leur tour de taille a diminué de 9,2 cm, et leur graisse viscérale a fondu de 1,3 litre (tableau).

Le Dr Iglesies-Grau et ses collaborateurs avaient mis sur pied dans le cadre de leur étude pilote, DIABÉPIC-1, un programme comprenant un entraînement physique intensif, de l’enseignement au patient, mais surtout des changements alimentaires. Ces mesures étaient-elles trop exigeantes ? C’est ce que les chercheurs désiraient tout d’abord savoir. En tout, 89 % des patients ont terminé le programme de 24 semaines. « C’est énorme », affirme le Dr Iglesies-Grau, qui vient de publier ses résultats dans le Canadian Journal of Cardiology Open1.

Les trois volets de DIABÉPIC-1

Les sujets ont été recrutés à l’Institut de Cardiologie de Montréal au sein d’un programme de réadaptation cardiaque. Ils présentaient de l’angine stable, avaient eu un trouble coronarien aigu ou subi récemment une revascularisation coronarienne ou un pontage. Ils avaient en moyenne 61 ans et un indice de masse corporelle de 30 kg/m2. Leur hémoglobine glyquée, entre 5,7 % et 6,4 %, reflétait leur prédiabète récemment diagnostiqué.

Le programme auquel les patients ont participé se déroulait en deux phases de trois mois et comportait trois volets :

1) L’alimentation

Les sujets bénéficiaient de six rencontres avec une nutritionniste qui les aidait à :

  • réduire leur consommation d’aliments ultratransformés ;

    Les participants apprenaient à reconnaître les produits hautement transformés et à les éviter : boissons sucrées, charcuterie, mets congelés, pizzas, etc. Ils devaient consommer en priorité des aliments frais ou peu trans­formés (encadré).

  • adopter l'alimentation méditerranéenne ;

    Les sujets pouvaient manger à volonté une version de l’alimentation méditerranéenne contenant moins de 40 % de glucides, en privilégiant l’équilibre et la variété.

  • pratiquer le jeûne intermittent de type 16/8 ;

    Au bout de trois mois, pour la seconde phase de l’étude, la nutritionniste recommandait aux patients de jeûner 16 heures quotidiennement entre le dernier repas de la journée et le premier du lendemain et de limiter ainsi la période d’alimentation à huit heures par jour.

2) l'Exercice

Les sujets devaient faire 30 minutes d’activité aérobique et 30 minutes d’exercices musculaires trois fois par semaine au centre ÉPIC de l’Institut de Cardiologie de Montréal. Ils étaient supervisés par un entraîneur pendant la phase 1 et s’entraînaient ensuite seuls durant la phase 2.

3) L' Enseignement au patient

Les participants rencontraient une infirmière qui prenait d’abord leurs mesures anthropométriques et leur remettait leurs résultats de laboratoire, puis leur parlait de sujets comme la résistance à l’insuline, le prédiabète ou la rémission du diabète.

Encadré

Matériel pour aider les patients à faire de bons choix alimentaires

Les chercheurs de DIABÉPIC-1 ont conçu deux feuillets pour aider les patients à réduire leur consommation d’aliments ultratransformés :

  • Conseils pour une alimentation sans produits ultratransformés ;
  • la classification NOVA

Pour avoir accès aux documents, voir à la page 11 du PDF de la section « Supplementary Material », à la fin de l’article, à https://bit.ly/3Opj1K (publication en accès libre).

La piste des produits ultratransformés

Le programme de DIABÉPIC-1 est la version améliorée d’une formule que le Dr Iglesies-Grau avait testée dans une étude présentée en 20222. Parmi les 72 participants prédiabétiques alors suivis, seulement 24 % avaient retrouvé une glycémie normale.

« On désirait de meilleurs résultats. On voulait créer une intervention beaucoup plus intensive pour réduire la graisse viscérale et le tour de taille. On a décidé de se concentrer sur l’alimentation », explique le médecin, également professeur au Département de nutrition de l’Université de Montréal.

Le nombre de rendez-vous avec la diététiste a donc été accru. La mesure semble avoir porté ses fruits. Ainsi, à la fin de l’étude, les sujets tiraient des produits ultratransformés 15 % de leur apport énergétique plutôt que 25 % comme au début. Inversement, les produits frais constituaient désormais 50 % de leur source d’énergie au lieu de 42 %. « On voit qu’il y a vraiment eu un déplacement des choix alimentaires vers des produits beaucoup plus sains », indique le chercheur.

La piste des aliments ultratransformés est très prometteuse. « Je pense que c’est cet élément qui a changé la donne dans notre étude. Les produits ultratransformés correspondent à environ 50 % des calories que l’on consomme en moyenne quotidiennement au Canada. Ils sont présents partout, tout le temps : à l’épicerie, au restaurant, etc. C’est vraiment là où, à mon avis, il faut concentrer nos efforts. »

Jeûne et calories

Parmi les 32 patients qui ont fini l’étude, 22 ont fait le jeûne intermittent au moins cinq jours par semaine et six quelques jours hebdomadairement. Un total de 88 %. « La plupart ont réussi à réduire leur période d’alimentation sans que leur faim augmente. Nous avons évalué cet élément à l’aide d’un questionnaire. Les participants n’ont pas non plus ingéré moins de calories. Ils en avaient déjà réduit le nombre au cours des trois premiers mois alors qu’ils ne jeûnaient pas. La diminution de la quantité de calories vient donc vraiment de la baisse de la consommation de produits ultratransformés et de l’alimentation méditerranéenne », affirme le Dr Iglesies-Grau.

Le jeûne, pour sa part, a aidé les patients à réduire encore un peu plus leur tour de taille, leur poids et leur masse grasse. Ils ont réussi à perdre 32 % de leur graisse viscérale au cours de l’étude.

Au-delà de l’exercice

Le Dr Iglesies-Grau a également perfectionné le volet exercice du programme. Contrairement aux patients de l’étude de 2022, les sujets bénéficiaient cette fois-ci de la présence d’un entraîneur pendant les trois premiers mois et pouvaient ensuite venir s’entraîner sur place les trois mois suivants. Ils devaient effectuer ce qui est la norme en réadaptation cardiaque : une heure d’exercice trois fois par semaine.

« Dans la plupart des centres dans le monde, cette quantité d’exercice entraîne une perte moyenne de 2 kilos. Nous, nous avons obtenu une réduction de 8 kilos, accompagnée d’une diminution du tour de taille et de la graisse viscérale. La différence dans notre étude vient de l’intervention nutritionnelle très poussée. Elle a également permis une grande amélioration de tous les paramètres cardiométaboliques des patients (tableau). C’est une nouveauté. Cet élément distingue DIABÉPIC-1 de toutes les autres études en réadaptation cardiaque », souligne le cardiologue.

L’hémoglobine glyquée moyenne du groupe est ainsi passée de 5,9 % à 5,6 %. Neuf participants (28 %) ont eu une rémission complète de leur prédiabète (HbA1c 5,7 % pendant les trois derniers mois de l’étude sans antihyperglycémiant). Six (22 %) ont eu une rémission partielle (taux d’HbA1c 5,7 % seulement à la fin de l’étude).

Le syndrome métabolique, lui, s’est résorbé chez la majorité des participants qui en étaient atteints. « La rémission de ce syndrome venait généralement du fait que deux des critères qui le définissent diminuaient beaucoup grâce à notre intervention : le taux de triglycérides et le tour de taille », précise le Dr Iglesies-Grau. Sur le plan physique, les participants jouissaient par ailleurs d’une meilleure forme cardiorespiratoire, d’une plus grande force musculaire et d’une pression sanguine plus basse.

Qu’ont pensé les patients de l’ensemble du programme ? « Ils ont trouvé le nombre d’heures nécessaires exigeant. Mais sinon, ils étaient tous très contents et ont estimé l’intervention très agréable. Ils ont beaucoup aimé la partie nutritionnelle. »

Nouvelle vision de la prévention

Les résultats de DIABÉPIC-1, s’ils se confirment, pourraient jeter les bases d’interventions pour les patients prédiabétiques cardiaques. Elles permettraient de s’attaquer aux racines mêmes de la maladie cardiovasculaire athéroscléreuse.

Quelle est la suite ? Le Dr Iglesies-Grau voudrait mener un essai contrôlé à répartition aléatoire pour étudier séparément les éléments clés de l’intervention : la réduction des aliments ultratransformés et le jeûne intermittent. Il aimerait en voir les effets sur différents types de patients : diabétiques, prédiabétiques, etc.

Aux yeux du cardiologue, la prévention des maladies cardio­mé­taboliques doit être plus dynamique. « On considère souvent les facteurs de risque comme permanents. On se contente de donner un peu plus de médicaments pour éviter les complications. On n’a pas de vision préventive. On ne dit pas au patient : ‘’ Vous venez d’avoir un diagnostic de prédiabète ou de syndrome métabolique, pourquoi ne pas essayer de le renverser ?’’ On le peut. On peut proposer une intervention non seulement pour prévenir les complications de la maladie, mais aussi pour revenir en arrière. C’est la beauté de nos résultats. »

bibliographie

1. Iglesies-Grau J, Dionne V, Latour E et coll. Cardiac rehabilitation for prediabetes and metabolic syndrome remission: impact of ultraprocessed food–intake reduction and time-restricted eating in the DIABÉPIC-1 study. CJC Open 2024 ; 6 (11) : 1411-21 (publié d’abord en ligne). https://bit.ly/3Opj1KR

2. Iglesies-Grau J, Dionne V, Latour E et coll. The short-term impact and sustainability of multiple lifestyle interventions on metabolic health and remission of prediabetes and type 2 diabetes : A two-year experience. Affiche présentée au congrès annuel de l’European Association of Preventive Cardiology, Prague, le 8 avril 2022. (Voir dans Le Médecin du Québec)

 

Cliquez sur une image
pour l'agrandir

Tableau