Fonds FMOQ

Présidence républicaine aux États-Unis

quels impacts pour l’économie canadienne ?

David Dupuis  |  2025-01-01

Donald Trump, avec son style caractéristique, s’apprête à retrouver la Maison-Blanche, et l’économie mondiale pourrait connaître de nouvelles fluctuations importantes. Fidèle à sa politique axée sur le principe de « l’Amérique d’abord », le 47e président des États-Unis prévoit de redéfinir certains accords commerciaux, de réexaminer les conventions multilatérales et de repositionner les relations avec ses partenaires économiques. Aujourd’hui, les experts s’interrogent sur l’impact que ce second mandat pourrait avoir sur le protectionnisme américain. Depuis l’ère Clinton, une tendance au protectionnisme s’observe. Plutôt pragmatique chez les Démocrates, plus affirmée chez les Républicains, une intensification de la dynamique protectionniste pourrait entraîner des répercussions significatives pour le Canada, principal partenaire économique des États-Unis.

David Dupuis est économiste et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke.

La « Trumponomique » désigne le programme économique, les principes et les politiques mis en avant par l'ancien président Donald Trump. Son premier mandat s’est caractérisé par des politiques économiques axées sur le protectionnisme et la promotion des intérêts nationaux. L’objectif affiché était de stimuler l’économie américaine. Pour son second mandat, les priorités semblent inchangées, avec quatre piliers principaux : les tarifs douaniers, la réduction des impôts, la déréglementation et la promotion de l’indépendance énergétique. Toutefois, l’ampleur des mesures à venir reste une inconnue. Avec le contrôle du Sénat et de la Chambre des représentants, la marge de manœuvre de Donald Trump est renforcée. Certains observateurs se demandent si les récents changements au sein de l’administration modifieront la dynamique des contre-pouvoirs observée lors de son premier mandat.

Ainsi, les cent premiers jours devraient apporter l’imposition de tarifs douaniers importants visant la protection et le regain de vitalité du secteur manufacturier américain. Un droit de douane universel de 10 % sur toutes les importations américaines et de 60 % pour les biens en provenance de Chine, est prévu. Ce changement devrait perturber le commerce mondial en rehaussant l’ensemble des coûts de production le long de la chaîne d’approvisionnement. Il est possible que le Canada parvienne à négocier une exemption des tarifs douaniers américains, mais le ralentissement de l’économie mondiale et les pressions positives sur les prix pèseront sur la demande pour les produits canadiens. Nos exportateurs en ressentiront les effets, et cela, sans compter la renégociation de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) prévue pour 2026.

Les États-Unis sont le principal partenaire commercial du Canada, absorbant environ 75 % des exportations canadiennes. C’est pourquoi le commerce extérieur représente une épée de Damoclès pour le Canada. Une reprise du protectionnisme américain pourrait engendrer des défis significatifs, notamment pour les secteurs de l’aluminium, de l’acier, du bois d’œuvre, de l’énergie et de l’agriculture. Ces industries ont déjà été affectées par des politiques commerciales restrictives par le passé et pourraient être à nouveau concernées. Les négociateurs canadiens auront un rôle clé à jouer dans ce contexte, tandis qu’une incertitude persistante pourrait influencer les décisions des entreprises ayant des activités aux États-Unis.

Le plan républicain prévoit également la réduction des impôts des entreprises et des particuliers. La démarche vise à rendre permanents les changements de la réforme fiscale du Tax Cuts and Jobs Act de la première administration. Le président élu a même évoqué l’idée de réduire davantage les taux marginaux d’imposition. Ces réductions, quelle qu’en soit la cible, augmenteront la consommation et l’investissement en sol américain, et soutiendront aussi bien la croissance américaine que la croissance canadienne par le biais de nos exportations. Toutefois, en cas de baisse marquée de l’impôt sur les sociétés américaines, le Canada pourrait peiner à convaincre les entreprises étrangères d’investir en sol canadien et d’y étendre leurs activités. Celles-ci pourraient préférer rehausser leur capacité productive aux États-Unis.

Partisan du marché libre, le 47e président des États-Unis mise sur la réduction des entraves réglementaires pour stimuler la croissance. Un mot d’ordre : simplifier. Simplifier les règles du jeu pour le secteur manufacturier, assouplir les contrôles pour le secteur bancaire, libérer le secteur des technologies, comme la 5G, la biotechnologie et les crypto-monnaies de leur carcan réglementaire.

Au cœur de cette stratégie de déréglementation se trouve le nationalisme énergétique. Le plan prévoit le relâchement des limites sur les émissions de GES, permettant aux entreprises pétrolières, gazières et charbonnières de réduire leurs coûts opérationnels. Il prévoit aussi d’assurer l’indépendance énergétique des États-Unis, par l’accroissement des explorations et exploitations, affaiblissant les engagements climatiques, tout en renforçant la position américaine sur les marchés mondiaux. Avec le récent développement du pétrole de schiste, les États-Unis sont redevenus premier producteur mondial, malgré les efforts des Démocrates pour faciliter la transition vers les énergies renouvelables (graphique).

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Cette position pourrait encourager les investissements sur les projets comme le pipeline Keystone XL, et favoriser l’essor de l’industrie canadienne. Toutefois, l’augmentation marquée de la production pétrolière américaine peut faire baisser le prix mondial de la ressource. Dans le contexte d’une économie planétaire déjà au ralenti, le Canada pourra compter sur l’oléoduc Trans Mountain pour diversifier la liste de ses clients. En effet, ce projet d’oléoduc, longtemps retardé, a commencé ses activités en mai dernier en Alberta, et presque triplé la capacité d'exportation du pétrole canadien, apportant un meilleur accès aux marchés mondiaux et une certaine stabilisation des prix du brut canadien.

Impacts économiques pour le Canada

Dans l’ensemble, la « Trumponomique » devrait avoir des effets mitigés sur l’économie canadienne. Le stimulus fiscal américain, induit par les baisses d’impôt, devrait générer de l’activité des deux côtés de la frontière, mais la mise en place de tarifs nuira à la compétitivité des entreprises canadiennes, constituant un frein à sa croissance. Alors que les politiques expansionnistes de l’administration américaine pourraient, à court terme, réduire le chômage aux États-Unis et stimuler les exportations canadiennes, elles demeurent inflationnistes et la Réserve fédérale reste vigilante : les taux d’intérêt américains seront plus élevés. Si la Banque du Canada poursuit sa politique d’assouplissement monétaire, l’écart de taux d’intérêt entre les deux pays se creusera. Ce différentiel, combiné aux tensions commerciales et à l’incertitude économique, pourrait déstabiliser le dollar canadien et accroître la volatilité sur les marchés de change. À ce titre, le dollar canadien a déjà perdu 1,6 % de sa valeur depuis l’élection. En revanche, une monnaie affaiblie rendra les exportations canadiennes plus compétitives, mais augmentera également le coût des importations au détriment des consommateurs.

Pour réduire sa dépendance envers les États-Unis, le Canada pourrait continuer à diversifier ses exportations vers les marchés asiatiques et européens. Compte tenu des évolutions des priorités climatiques aux États-Unis sous l’administration Trump, le Canada a l’opportunité de renforcer ses initiatives écologiques pour attirer des investisseurs étrangers axés sur le développement durable.

Malgré les défis potentiels, la collaboration dans des secteurs stratégiques tels que la sécurité nationale et les technologies émergentes demeure essentielle. Ces prochaines années, le Canada devra faire preuve de résilience et d’adaptabilité face aux évolutions des relations bilatérales.



Note de la rédaction.
Ce texte a été écrit, révisé et mis en pages par Conseil et Investissement Fonds FMOQ inc. et ses mandataires. Il n’engage que ses auteurs.