En début d’année, je vous ai exprimé mon souhait d’aboutir à un accord-cadre bénéfique tant pour les médecins de famille que pour leurs patients. Bien que la signature de cette entente ne dépende pas uniquement de la FMOQ et de ses membres, nous devons maintenir le cap et avancer avec détermination de manière à bâtir une vision durable et à éviter que l’impatience ne freine nos efforts. Pour y parvenir, il nous faudra toutefois deux éléments incontournables : la présence de tous les acteurs stratégiques autour de la table de négociation et des mécanismes d’arbitrage en cas d’impasse.
L’entente sur le GAP, qui a d’indéniables effets positifs sur la population, arrive une fois de plus à échéance bientôt. L’an dernier, l’attente pour reconduire ce mécanisme qui fonctionne a causé des effets néfastes sur les patients. Une entente passerelle a ensuite été signée in extremis. N’attendons pas une fois de plus à la dernière minute ! Attendre au 31 mai prochain pour renouveler l’entente passerelle causerait, une fois de plus, beaucoup de tort à la population, en plus d’être une autre occasion manquée de montrer que nous avons une vision claire et proactive de notre système de santé. Une telle attente risque de mettre les services sur pause alors que les médecins de famille répondent, eux, inlassablement « présents » et sont encore au rendez-vous.
Pour que les négociations soient constructives et débouchent sur une véritable entente, elles doivent se dérouler dans un climat propice aux développements, et non sous la contrainte d’échéances imminentes. Une meilleure planification en amont assurera un meilleur service à la population et évitera d’inutiles tensions.
Lors de récentes discussions entre la FMOQ et les dirigeants de Santé Québec, nous avons constaté un alignement encourageant entre la vision de la société d’État et celle de notre fédération : Santé Québec considère elle aussi la première ligne comme un investissement incontournable plutôt qu’une éternelle dépense. Bien que la participation directe de la société d’État aux négociations eût été idéale, l’intégration de la perspective de ses dirigeants est néanmoins essentielle pour garantir un accord-cadre cohérent et aligné sur les besoins du terrain. Leur participation aux discussions permettrait au moins de mieux aligner la rémunération sur un modèle de soins adapté aux réalités de la première ligne, et non l’inverse. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle nous vous avons consultés en 2024 sur les manières d’améliorer l’actuel modèle de soins, car vous êtes tout aussi essentiels à ce processus. Je suis, en outre, heureux de vous annoncer que nous vous révélerons sous peu les résultats fort intéressants de ces consultations tenues l’automne dernier.
Si nous voulons entériner une entente qui a du sens pour tous, tant sur le plan de la rémunération que de l’organisation des soins, il est impératif que chaque partie ayant des intérêts stratégiques soit présente autour de la table d’une manière ou d’une autre. Les dirigeants de Santé Québec doivent donc, eux aussi, faire partie des discussions, à défaut de faire partie des négociations. Il en va de la vision et du modèle qu’on veut se donner en santé au Québec.
Nous nous répétons, mais dans l’éventualité d’obstacles majeurs aux négociations, des mécanismes d’arbitrage devraient être en place, comme c’est le cas dans d’autres provinces canadiennes. C’est d’ailleurs ce que nous avons demandé dans le dernier pourvoi déposé par la Fédération en Cour supérieure. Un tel mécanisme garantirait que des discussions, même complexes ou difficiles, aboutissent à des solutions concrètes et, surtout, au profit du plus grand nombre.
La collaboration est certes essentielle. Mais pour avancer efficacement et surmonter les blocages, nous avons besoin d’outils structurants. Ce n’est pas un luxe, mais une nécessité pour répondre aux attentes des Québécois en matière de santé. Nous continuerons donc d’insister sur la mise en place de ces outils.
En moyenne, depuis 1995, le délai entre l’échéance des accords-cadres entre la FMOQ et le gouvernement (à l’exclusion des prolongations d’entente) et la conclusion des ententes de principe était de 23 mois. Pour différentes raisons, chaque fois, le processus était long et fastidieux. Or, le fantasme politique de « mater rapidement les médecins de famille » demeure puissant d’un gouvernement à l’autre et occulte systématiquement une réalité essentielle : seuls, nous allons certes plus vite, mais ensemble, nous allons assurément plus loin.
Le 31 janvier 2025
Dr Marc-André Amyot |