Questions... de bonne entente

Nouvelle modalité d’inspection allégée de la RAMQ

Michel Desrosiers  |  2025-02-01

Vous recevez une lettre de la RAMQ qui vous demande des copies de notes d’une dizaine de dossiers sur la facturation de codes différents. Dans quel genre de galère vous êtes-vous embarqué ?

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

La RAMQ a différentes modalités d’inspection. Parfois, elle pose des questions sur un service unique. D’autres fois, elle choisit un échantillon de 75 services identiques sur une période de cinq ans dans le but de tirer des conclusions sur l’ensemble de votre facturation du code en question. Dernièrement, des médecins ont communiqué avec la Fédération après s’être fait demander des copies de leurs notes pour une dizaine de services rendus. De trois à cinq services différents peuvent faire partie de l’échantillon. Qu’est-ce qui se passe et comment réagir ?

D’abord, il faut dire que la RAMQ n’a pas contacté la Fédération pour préciser ses motivations à procéder ainsi. Ses explications se sont limitées à indiquer qu’il s’agit d’une modalité d’inspection parmi d’autres et qu’elle est utilisée quand elle semble appropriée. Il faut donc faire des hypothèses.

Ce qu’on observe est que lors d’une inspection portant sur 75 services, le revenu des médecins en cause ou le volume de leur facturation du code en question est élevé. Par rapport à des médecins ayant une pratique comparable, les médecins ciblés facturent de façon disproportionnée les codes en question. De là probablement l’intérêt pour la RAMQ de mener une enquête afin d’extrapoler les résultats à l’ensemble de la pratique du médecin. C’est beaucoup de travail, mais elle pourrait ainsi récupérer un volume important d’honoraires sur cinq ans. Du fait, par exemple, de tout ce travail d’analyse des dossiers et des commentaires du médecin entre le début d’une inspection et sa conclusion, il s’écoule passablement de temps. Même lorsque le médecin ne soumet pas un différend, tout le processus peut prendre un ou deux ans.

Bien que de telles inspections soient parfois « payantes » pour la RAMQ, leurs effets sur la sensibilisation de l’ensemble des médecins sur les bonnes pratiques sont assez limités. Quelques médecins font l’objet de ces inspections, et ils « apprennent » à ajuster leur facturation ou leur façon de décrire les services dans leurs notes. Le bouche-à-oreille permet sûrement de diffuser l’information, mais d’une manière restreinte. Par ailleurs, la publication d’articles de la Fédération pour conscientiser les médecins sur ce qui fait l’objet d’une inspection ou d’une enquête peut aider. Néanmoins, le fait pour un médecin de subir une récupération importante a une portée limitée dans le temps sur l’ensemble des médecins.

La nouvelle approche de la RAMQ semble donc vouloir sensibiliser un plus grand nombre de médecins et plus rapidement (le temps d’analyse et d’échange avec le médecin dans le nouveau processus est beaucoup plus court). Les médecins choisis peuvent facturer des honoraires moins importants annuellement, et la nature des services visés par la vérification peut être plus variée. On peut présumer que les services vérifiés sont fonction à la fois des actes que le médecin facture plus souvent et de la nature des services qui donne lieu, de façon générale, à des inspections de plus grande envergure. À titre d’exemple, pour un médecin en cabinet, la RAMQ peut demander quelques visites périodiques du patient vulnérable (y compris l’évaluation de la codification de la vulnérabilité), quelques visites de suivi et quelques communications avec d’autres professionnels de la santé. Un autre médecin avec une pratique d’hospitalisation peut se faire demander quelques dossiers de visites de prise en charge ou de demandes d’évaluation pour donner une opinion et quelques échanges interdisciplinaires effectués le même jour que des visites de suivi.

 

La nouvelle approche de la RAMQ semble vouloir rapidement sensibiliser un plus grand nombre de médecins.

L’échantillon étant très petit, les conclusions sur ces quelques dossiers ne peuvent être extrapolées à l’ensemble de la facturation du médecin. Elles se limitent à ceux étudiés. C’est donc dire que pour deux services qui auraient dû être facturés autrement, c’est la différence entre ce qui a été facturé et qui aurait dû l’être qui sera réclamée au médecin. Le montant risque donc d’être faible, parfois même moins de 100 $.

Pour le médecin, ce fonctionnement présente plusieurs avantages. Il doit consacrer beaucoup moins de temps à trouver les dossiers, à les revoir et à faire ses commentaires à la RAMQ. Sa vie est perturbée beaucoup moins longtemps avant de recevoir un rapport d’évaluation de la RAMQ. Du fait des conséquences généralement faibles, le médecin risque d’investir moins de temps dans sa négociation avec la RAMQ. Plutôt que de perdre quelques heures dans des échanges avec la RAMQ pour éviter une récupération de 150 $ (qui réduit ses revenus sur le plan fiscal), il est probablement plus rationnel de voir quelques patients de plus ou de profiter de la vie.

En contrepartie, si l’analyse et les échanges prennent moins de temps, le personnel de la RAMQ peut en mener plus dans le même laps de temps. Plus de médecins seront donc touchés. Le même médecin pourra en outre faire l’objet de plusieurs demandes de même nature dans sa carrière. De plus, comme l’enjeu financier est plus faible, le médecin ne contestera possiblement pas pleinement la valeur de l’évaluation de la RAMQ. La qualité des conclusions peut ainsi en souffrir. Il serait d’ailleurs dommage que les médecins s’en tiennent à la perception de la RAMQ : « Vous n’avez pas le droit de facturer tel service ». Souvent, la conclusion à tirer sera plutôt qu’il faudra dorénavant consigner les services rendus autrement dans le dossier de façon à pouvoir réclamer certains codes. Des modifications mineures à cet égard peuvent faire une grosse différence.

Certains peuvent y voir une stratégie de rentabilisation. La RAMQ semble mesurer le succès de son contrôle par le nombre de professionnels touchés et par la somme récupérée. Réduire les enjeux financiers et le temps requis pour mener des enquêtes peut augmenter les montants recouvrés pour le même effort de contrôle. Chacun ses perceptions.

Et la suite

Par ailleurs, la portée limitée de l’inspection ne garantit pas que la RAMQ ne mènera pas subséquemment une inspection élargie. Différents facteurs influencent la RAMQ dans le choix des professionnels qui font l’objet de ces inspections à grande portée. Et la RAMQ ne partage pas ses critères avec la Fédération. Au moins un facteur est connu, soit le fait de faire partie des « médecins millionnaires », soit ceux dont les honoraires dépassent un million de dollars par année. Dans le cas des médecins de famille, comme ce nombre est limité, la RAMQ réduit ce seuil sans en spécifier la limite. De plus, les médecins dont les honoraires ont récemment varié à la hausse de façon importante semblent aussi dans la mire de la RAMQ.

La facturation de certains codes de façon disproportionnée attirerait également l’attention de la RAMQ. Nous en avons traité par le passé.

Du fait de cette incertitude, il est prudent de consacrer un certain temps à répondre à la demande de la RAMQ.

  • Informez-vous auprès de la FMOQ des conditions pour facturer les services en question.
  • Vérifiez si des modifications ou des ajouts à vos habitudes de consignation des actes aux dossiers aideraient.
  • Faites appel à l’ACPM, au besoin.
  • Répondez à la demande promptement.
  • Si vous avez besoin de plus de temps, demandez rapidement une prolongation du délai et fournissez rapidement ce que vous pouvez afin de démontrer votre bonne foi.
  • Analysez l’avis de la RAMQ qui découle de l’analyse de vos dossiers.
  • Choisissez entre débattre et régler.
  • Ajustez vos pratiques (de consignation des actes dans les dossiers pertinents ou de facturation).

Débattre ou régler

L’enjeu financier étant faible, bon nombre de médecins choisiront de régler. S’ils optent plutôt pour la contestation, la RAMQ rendra une décision et procédera à la récupération. Le médecin contestera alors, dans les faits, la décision de la RAMQ. Dans de rares cas, les médecins peuvent prendre une attitude plus passive, soit laisser la RAMQ procéder sans s’entendre avec elle. Cette dernière attitude présente un risque supplémentaire.

Parmi les pouvoirs de la RAMQ, on trouve celui de publier sur son site Web trimestriellement le nom, le numéro de permis, le lieu de pratique, la nature de l’infraction et le montant en cause pour les médecins qui font l’objet d’une « décision » de la RAMQ. Par décision, on entend celle que prend la RAMQ lorsqu’il n’y a pas d’entente avec le médecin.

Pour l’instant, la RAMQ ne publie pas ces informations. Les deux fédérations médicales contestent la validité de ce nouveau pouvoir qui date de l’époque du ministre Barrette. La RAMQ s’est engagée à ne pas publier les informations en cause tant qu’une décision définitive n’aura pas été rendue par les tribunaux. Si ce pouvoir devait être maintenu, la RAMQ pourrait publier ces informations rétroactivement. Donc, les décisions prises dans l’attente d’une décision définitive de la question légale pourraient être publiées ultérieurement. C’est un facteur à garder en tête.

Si vous optez pour un règlement avec la RAMQ, elle vous pro­posera généralement de signer une « transaction ». Assurez-vous qu’il est indiqué que vous êtes de bonne foi, que la transaction demeure confidentielle et qu’elle ne constitue pas une décision selon les articles 22.0.1 et 22.6 de la Loi sur l’assurance maladie.

Espérons que vous ne ferez pas l’objet d’une demande de la RAMQ liée à une inspection de votre facturation. Si jamais une telle situation survenait, vous serez mieux informé pour en comprendre les enjeux et juger de la conduite appropriée. À la prochaine !