N’ayons pas peur des mots, les résultats du Service canadien de jumelage des résidents (CaRMS) sont catastrophiques. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La réalité est implacable : alors qu’aucun poste de résidence en médecine de famille n’est resté vacant dans le reste du Canada, 56 le sont demeurés au Québec ! Force est de constater que ce n’est pas la médecine familiale qui est impopulaire auprès de la relève médicale, mais plutôt la médecine familiale spécifiquement au Québec.
Si on dresse un portrait d’ensemble du Québec, 58 postes de résident n’y ont pas été pourvus, soit 2 en spécialité et... 56 en médecine de famille ! De plus, ces 56 postes restés vacants représentent un recul par rapport à l’an dernier alors que 41 postes n’avaient pas été pourvus. On parle donc d’un échec incontestable qui ne sera malheureusement pas sans conséquence. En effet, des centaines de milliers de Québécois pourraient devoir attendre plus longtemps pour avoir un médecin de famille tandis que des équipes de soins en établissement risquent de demeurer fragilisées pendant encore trop longtemps.
Les responsables de cet échec sont toutefois faciles à identifier : ils sont à Québec et sont, pour la plupart, élus à l’Assemblée nationale. Depuis l’automne 2008, lorsque la FMOQ a rendu public son Énoncé de principes pour une politique nationale sur la médecine familiale, tous les acteurs du milieu médical s’étaient pourtant mobilisés pour changer la tendance observée depuis le début des années 2000 dans les facultés de médecine de la province. La médecine familiale n’avait alors plus la cote par rapport à la médecine spécialisée et était peu attirante pour la relève médicale. D’ailleurs, le fait qu’on soit passé d’effectifs équivalents en médecine familiale et en spécialité au tournant des années 2000 à un avantage numérique dépassant le millier pour les spécialistes de nos jours témoigne à lui seul de cette faible attirance. Cependant, après notre cri d’alarme de 2008, la mobilisation qui a suivi a changé peu à peu les choses, de sorte qu’une amélioration significative du pourcentage des postes pourvus en résidence en médecine de famille a été observée dans les années subséquentes. En 2014, à titre d’exemple, seulement 22 postes sont demeurés vacants.
Malheureusement, à partir de ce moment, la classe politique québécoise a décidé que l’avenir s’éclaircissait un peu trop, puis a choisi de tout gâcher. Comment ? D’abord en adoptant une loi infâme, digne de l’empire soviétique, la loi 20. Ensuite, en tentant par diverses mesures coercitives et autres lois ou projets de loi d’assujettir la profession médicale à des contraintes inacceptables et sans pareil ailleurs au pays. Et, enfin, en faisant une surenchère, tous partis confondus, de sorties médiatiques teintées de préjugés et d’ignorance sur le dos des médecins de famille. Sur un sujet aussi important que l’accès aux services médicaux, où la rigueur et les faits auraient dû avoir préséance, nombre de nos élus ont plutôt fait le choix de la démagogie, de l’improvisation et de la politique partisane à court terme. C’est non seulement regrettable, mais dramatique pour les Québécois qui se verront bientôt privés de forces fraîches en soins médicaux de première ligne. Nous avons collectivement grand besoin de cette relève à une époque où les demandes de soins croissent comme jamais.
Même si les dommages causés sont irréparables, il est toutefois à espérer que des résultats aussi dramatiques amènent la classe politique et les dirigeants du MSSS à réaliser que leurs paroles et les gestes qu’ils posent peuvent avoir des conséquences extrêmement négatives. Et qu’ils réalisent surtout que la coercition et l’accumulation de contraintes envers la profession médicale, plus particulièrement envers les médecins de famille, ne peuvent que se conclure par un gâchis prévisible à moyen et à long terme.
Le 18 avril 2017
//
Le président, Dr Louis Godin |