Éditorial

La bonne recette SVP !

Louis Godin  |  2019-10-25

Il est de notre devoir de rappeler régulièrement l’immense chemin parcouru depuis 2014 pour l’accès aux médecins de famille. Malgré le fait que les médecins de famille doivent toujours, en 2019, consacrer près de 40 % de leur charge professionnelle à du travail en milieu hospitalier, la proportion de la population québécoise prise en charge par un médecin de famille dépasse aujourd’hui 81 % alors qu’elle était de 67 % en 2014. On parle en tout d’environ 1 200 000 Québécois de plus qui ont maintenant un médecin de famille, et ce nombre ne cesse d’augmenter malgré une pénurie d’effectifs encore évaluée à plusieurs centaines de médecins omnipraticiens dans l’ensemble de la province.

Si le pouvoir politique n’avait pas, entre 2014 et 2018, à la fois découragé la relève médicale de choisir la médecine familiale (plus de 200 postes de résidents en médecine familiale sont demeurés vacants durant ces quatre années au Québec) et poussé de nombreux médecins d’expérience à la retraite, la cible provinciale de 85 % de prise en charge serait probablement déjà atteinte. C’est un constat qui fait mal, mais qui est difficilement contestable quand on sait que le Québec comptait, au tournant des années 2000, un nombre équivalent de médecins de famille et de médecins spécialistes et qu'on dénombre aujourd’hui 1000 spécialistes de plus, un fait unique au Canada. Nous espérons que ces années sombres sont maintenant derrière nous pour de bon.

N’empêche, il demeure inacceptable en 2019 que, d’une part, des régions comme la Côte-Nord et l’Abitibi-Témiscamingue continuent de faire face à des défis importants sur le plan des effectifs médicaux, ce qui y fragilise l’offre de services (particulièrement en établissement), et que, d’autre part, la grande région métropolitaine et l’Outaouais soient aussi aux prises avec une pénurie chronique d’effectifs en médecine familiale qui y ralentit l’amélioration de l’accès aux soins de première ligne.  L’augmentation constante du nombre de personnes prises en charge par un médecin de famille et le fait que les seules ruptures de services en établissement (en obstétrique notamment) observées dans ces régions à ce jour soient dues exclusivement à une pénurie d’infirmières relèvent pratiquement du miracle et en disent long sur l’engagement des médecins de famille québécois !    

Dans ce contexte, il est urgent que la classe politique s’attaque aux pénuries qui affligent le réseau de la santé (médecins de famille et infirmières notamment) au lieu de promettre de fausses solutions à des problèmes pourtant bien réels. Promettre qu’élargir le champ de compétence des quelques centaines d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) qui travaillent déjà à temps plein en première ligne améliorera de façon notable l’accès aux soins constitue le parfait exemple de promesses cosmétiques qui ne résistent pas à une analyse rigoureuse, à moins de prétendre que ces IPS se tournent actuellement les pouces ! Svp, valorisons plutôt la médecine familiale, la profession infirmière et la collaboration interprofessionnelle afin que la relève soit au rendez-vous ! Des effectifs plus nombreux et un environnement de travail plus stimulant et moins contraignant pour ces professionnels de la santé, voilà la prescription dont nous avons besoin collectivement.

Les médecins de famille ont augmenté de manière inédite leur offre de services au cours des dernières années. Ils entendent poursuivre dans cette voie dans les années à venir, mais ont besoin, pour y arriver, que le gouvernement mette la main à la pâte. Comment ? En valorisant la médecine familiale pour que la relève médicale embrasse la profession et en mettant en place les conditions pour favoriser une contribution plus grande de nos collègues spécialistes en milieu hospitalier, en ajoutant d’autres professionnels (notamment d’infirmières) dans les cliniques médicales, un soutien administratif adéquat en établissement et un accès simplifié et amélioré aux consultations spécialisées et aux plateaux techniques. La bonne recette, elle est là. Pas ailleurs !

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Le président, Dr Louis Godin