Le troisième conseil de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) de l’année 2025, tenu le samedi 13 décembre dernier, restera dans les mémoires comme un conseil rempli d’émotions et porteur d’espoir. Réunissant les 150 délégués issus des 18 associations affiliées de la FMOQ, ce rendez-vous statutaire avait cette année un caractère tout particulier : il s’agissait d’un conseil électoral, marqué par des départs significatifs, des renouvellements importants et un climat profondément influencé par la présentation, la veille, d’une entente de principe avec le gouvernement ainsi que la suspension de la Loi 25 (ancien PL2) jusqu’au 28 février prochain.
Dès l’ouverture de la séance, l’ambiance qui régnait dans la salle oscillait entre prudence et optimisme. Les délégués, conscients des défis encore à venir, ont néanmoins exprimé un soulagement palpable et une confiance renouvelée envers leur Fédération.
Une présidence partagée, un conseil bien orchestré
La séance du matin, présidée par le deuxième vice-président du conseil d’administration, le Dr Guillaume Charbonneau, a été marquée par le rapport du président-directeur général de la Fédération, le Dr Marc-André Amyot, tandis que la séance de l’après-midi a été menée par le premier vice-président, le Dr Pierre Martin, qui vivait ce jour-là son tout dernier conseil à titre de membre du conseil d’administration et de premier vice-président.
Cette alternance à la présidence de la séance a permis d’assurer une continuité fluide des discussions et des décisions, tout en mettant en lumière l’engagement et la rigueur des dirigeants sortants. Elle symbolisait aussi, de façon éloquente, le passage graduel vers une toute nouvelle étape de gouvernance au sein de la FMOQ.
L’un des moments les plus marquants de la journée est survenu lors de l’arrivée au micro du président-directeur général de la FMOQ, accueilli par une ovation tout à fait spontanée. Ce geste fort témoignait bien de la vive reconnaissance des membres envers le leadership du président, sa constance, son énergie et son engagement dans un contexte exigeant de négociation.
Une entente de principe qui apaise, sans effacer les blessures
Le conseil de décembre ne pouvait faire abstraction du contexte politique et législatif particulièrement éprouvant des derniers mois. La médecine de famille sort partiellement d’une période d’incertitude prolongée, marquée par des négociations difficiles et un climat de tension rarement égalé entre la FMOQ et le gouvernement au fil des décennies.
Cette période, ponctuée par le dépôt du projet de loi 106, au printemps dernier, est rapidement devenue un symbole d’affrontement qu’aucun médecin de famille ou patient ne souhaitait voir advenir. En visant à encadrer par la voie législative des éléments traditionnellement négociés — notamment en matière d’organisation des soins, de rémunération et de responsabilités collectives — le gouvernement de la Coalition Avenir Québec a profondément ébranlé la confiance des médecins de famille. La transformation subséquente de ce projet initial, le projet de loi 106, en projet de loi 2, puis son adoption précipitée et sous bâillon le 25 octobre dernier pour en faire la loi 25, ont accentué le sentiment de rupture chez plusieurs médecins de famille et suscité de nombreuses préoccupations quant aux impacts concrets de la loi sur l’exercice de leur profession.
Au-delà des considérations plus techniques, plusieurs intervenants ont exprimé un sentiment de désillusion. Après des mois de mobilisation, de négociations et de tensions, certains délégués ont exprimé l’impression d’un décalage entre l’ampleur de la crise traversée et les résultats obtenus, résumée par un sentiment largement partagé de « tout ça pour ça ? ». Cette perception a contribué à la confirmation d’un sentiment d’avoir été trahi par le gouvernement, nourri par le contournement volontaire des mécanismes de dialogue habituels.
Dans un contexte déjà marqué par une pénurie flagrante de médecins de famille et par la pression croissante sur l’accès aux soins, cette manière de procéder a fragilisé la confiance de plusieurs médecins de famille envers l’environnement dans lequel ils exercent. À l’occasion de ce conseil, cette réalité a été reconnue, notamment par des interventions soulignant les départs de médecins qui ont choisi de quitter le réseau ou le Québec au cours des derniers mois.
C’est donc dans un climat encore fragile, mais animé d’un désir manifeste d’apaisement, que l’entente de principe a été déposée le 10 décembre. Fruit d’un retour intensif à la table de négociations et de l’intervention du premier ministre, cette entente prévoit notamment de modifier en profondeur la Loi 25 (ancien PL 2), en amendant ses dispositions les plus controversées et en ajoutant l’instauration d’une disposition donnant préséance à l’entente sur la loi.
Au conseil, cette avancée a été accueillie avec prudence et ouverture. Sans occulter les tensions vécues et rappelant que les mois écoulés ont profondément marqué la profession, les délégués ont exprimé un certain soulagement et une volonté de se projeter vers l’avenir. L’entente ne fait visiblement pas disparaître les blessures infligées, mais elle ouvre à tout le moins un nouvel espace pour reconstruire sur des bases jugées plus respectueuses de la réalité du terrain.
Rapport présidentiel et administratif : un cap assumé
Dans son rapport présidentiel et administratif, le Dr Amyot est revenu sur les grandes orientations de la dernière année, les choix de la Fédération et les leçons tirées d’un cycle de négociation intense. Il a rappelé l’importance de toujours maintenir en priorité un dialogue solide avec les instances gouvernementales, tout en restant fermement arrimé aux besoins du terrain.
Son ton, à la fois lucide et rassembleur, a trouvé écho auprès des délégués, comme en témoignait la période de questions, ponctuée à de nombreuses reprises de remerciements adressés directement au président et à l’équipe de la FMOQ. Ces échanges ont permis d’approfondir certaines préoccupations, mais aussi de réaffirmer la confiance envers la direction de la FMOQ.
Un après-midi tourné vers la gestion... et l’avenir
Les travaux de l’après-midi ont été marqués par la présentation une fois de plus des rapports annuels des directeurs généraux adjoints (DGA), offrant un portrait détaillé des dossiers administratifs, financiers et organisationnels. Ces présentations ont mis en lumière la complexité croissante des opérations de la Fédération, et l’importance d’une structure solide pour soutenir les revendications professionnelles.
Un message clair s’est également dégagé des échanges de l’après-midi : la volonté de la FMOQ de se préparer dès maintenant aux prochaines négociations, afin d’éviter de se retrouver, une fois de plus, à renégocier longtemps après l’échéance de l’accord-cadre. Cette intention, largement partagée par les délégués, s’inscrit dans une logique de prévisibilité, de stabilité et de respect envers les membres et envers leurs patients.
Un Conseil électoral aux résultats déterminants
Le caractère électoral de ce conseil lui conférait une importance toute particulière. Normalement, les membres auraient dû se prononcer sur le poste de président. Toutefois, le Dr Marc-André Amyot ayant été le seul candidat à se manifester lors de la période de mise en candidature en septembre dernier, ce dernier a été réélu par acclamation il y avait déjà quelques mois.
Les autres postes soumis au vote ont mené aux résultats suivants :
- 1er vice-président : Dr Guillaume Charbonneau, précédemment 2e vice-président, président de l’AMOOQ
- 2e vice-présidente : Dre Lyne Couture, précédemment administratrice, présidente de l’AMOLL
- Secrétaire-trésorier : Dr Pascal Renaud (renouvellement), président de l’AMOQ
Cinq postes d’administrateurs étaient également en élection :
- Dre Anne-Patricia Prévost (renouvellement), présidente de l’AMOY
- Dr Philippe Mc Neill (nouvellement élu), président de l’AMOM Mauricie
- Dre Caroline Delisle (nouvellement élue), présidente de l’AMORSL
- Dr Guillaume Lord (renouvellement), président de l’AMOCN
- Dr François-Pierre Gladu (renouvellement), vice-président de l’AMOM Montréal
Ces résultats traduisent un désir clair de continuité, tout en intégrant de nouvelles voix au sein du conseil d’administration.
Des départs salués avec émotion et reconnaissance
Ce conseil fut également l’occasion de souligner des départs marquants. Celui du Dr Pierre Martin, après un engagement soutenu à la vice-présidence de la FMOQ et à la présidence de l’AMOMauricie pendant 24 ans, a été accueilli avec beaucoup d’émotion. Deux autres figures importantes de la FMOQ ont aussi été chaleureusement remerciées : le Dr Michel Desrosiers, directeur des affaires professionnelles, qui a consacré 23 années de sa vie professionnelle à la Fédération, et la Dre Louise Fugère, directrice adjointe à la direction de la formation professionnelle et rédactrice en chef du Médecin du Québec, après sept ans à la barre de cette revue médicale.
Ces hommages ont rappelé à quel point la force de la FMOQ repose sur l’engagement durable de ses membres, du personnel, de sa permanence et de ses dirigeants.
Un conseil tourné vers demain
En clôture de ce troisième conseil de 2025, un sentiment dominant s’imposait : celui d’une organisation qui, malgré les épreuves, choisit résolument d’aller de l’avant, pour le bien des patients et de ceux qui les soignent surtout. Entre la stabilité de son leadership, le renouvellement de ses instances et la volonté affirmée d’anticiper les prochaines négociations, la FMOQ semble sortir de ce conseil renforcée et motivée à mieux préparer la pratique médicale de demain.
Plus qu’un simple exercice statutaire, ce conseil aura été un moment de rassemblement, de reconnaissance et de projection vers l’avenir — fidèle à la mission de la Fédération : défendre, soutenir et représenter les médecins de famille du Québec, aujourd’hui comme demain.