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Facteurs de risque cardiovasculaires
À 59 ans, il n’est pas trop tard

Élyanthe Nord | 1 octobre 2025

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À 59 ans, il n’est pas trop tard pour prendre sa santé en main. En éliminant un seul facteur de risque cardiovasculaire, même si on les a tous, on pourrait accroître sa longévité. Par exemple, une patiente présentant tous les facteurs de risque retrouve une pression normale ? Elle pourrait espérer 2,4 ans de vie supplémentaire sans cardiopathie. Elle parvient à maîtriser ses autres facteurs de risque ? Elle pourrait éventuellement gagner 5,2 années de vie additionnelles.

Une nouvelle étude publiée dans le New England Journal of Medicine s’est penchée sur l’effet des cinq facteurs de risque cardiovasculaires classiques modifiables sur la durée de vie : l’hypertension, l’hyperlipidémie, le diabète, le tabagisme et un poids non optimal (sous-poids, surpoids ou obésité)1.

Le Consortium mondial sur les risques cardiovasculaires, qui a effectué l’analyse, a recouru aux données de plus de deux millions de personnes venant de 133 cohortes, issues de 39 pays répartis sur six continents. Le groupe a estimé, selon la présence ou l’absence des cinq facteurs de risque à 50 ans, la probabilité de maladie cardiovasculaire et de décès toutes causes confondues avant 90 ans.

Premier constat : l’absence des cinq principaux facteurs de risque cardiovasculaires à 50 ans est associée à un précieux cadeau. Pour les femmes, 14,5 années de vie additionnelles. Pour les hommes, 11,8 ans supplémentaires. Et c’est sans compter les années de vie sans maladies cardiovasculaires : 13,3 ans de plus pour les femmes et 10,6 pour les hommes. Ces années additionnelles ont été estimées par rapport aux participants qui présentaient les cinq facteurs de risque (tableau I).

« Il s’agit de chiffres frappants, souligne le Dr Philippe L.-L’Allier, cardiologue hémodynamicien et directeur de la Prévention à l’Institut de Cardiologie de Montréal. C’est très pertinent de les communiquer aux patients pour les encourager à considérer les facteurs de risque comme une menace à leur longévité. On peut leur dire que s’ils prennent les mesures nécessaires, ils pourront non seulement profiter de 10 ou 15 ans de vie supplémentaires, mais aussi d’années additionnelles en bonne santé. »

Deux facteurs de risque à cibler : l’hypertension et le tabagisme

La beauté de l’étude, cependant, est de montrer que tout n’est pas joué à 50 ans. Les personnes de 50 à 55 ans qui présentent les cinq facteurs de risque, mais qui en modifient certains entre l’âge de 55 ans et de 60 ans gagnent des années de vie supplémentaires et des années sans maladie cardiovasculaire.

Sans changement, les perspectives de ces patients n’étaient pas très bonnes. Dans l’étude, les hommes présentant les cinq facteurs de risque à 50 ans avaient une probabilité de 38 % d’être victimes d’une complication cardiovasculaire : infarctus du myocarde, angor instable, pontage coronarien, accident vasculaire cérébral, décès de nature cardiovasculaire ou mort de cause inconnue. Pour les femmes, le risque était de 24 % (tableau I).

La modification d’au moins un facteur de risque peut donc être intéressante. Mais tous ne se valent pas. La maîtrise de certains procure davantage de gains. Ainsi, la normalisation de l’hypertension a été associée à la plus grande hausse du nombre d’années sans cardiopathie : 2,4 ans. L’abandon de la cigarette, lui, a été lié au plus important accroissement de la longévité : également 2,4 ans (tableau II). « Ces facteurs de risque sont possiblement ceux sur lesquels il faudrait mettre l’accent. En ce qui concerne l’hypertension artérielle, il faudrait consacrer plus d’efforts à la dépister. Quant au tabagisme, on doit continuer à essayer de l’éliminer », indique le Dr L.-L’Allier, également professeur à l’Université de Montréal.

Évidemment, plus le nombre de facteurs corrigés est élevé, plus les gains s’accroissent. Les femmes qui réussissaient entre 55 et 60 ans à maîtriser leur hypertension, leur hyperlipidémie, leur diabète et leur dépendance à la cigarette avaient 5,2 ans de vie de plus et les hommes, 4,5 ans. L’espérance de vie estimée des premières grimpait ainsi à 78 ans et celle des seconds à 75 ans.

D’autres manières de traiter les facteurs de risque

Peut-être, par ailleurs, faut-il aller au-delà de la maîtrise des facteurs de risque. « Toutes les études montrent que leur élimination est beaucoup plus efficace que leur traitement », affirme le Dr L.-L’Allier.

Le diabète en est le meilleur exemple. « Une pilule permet de réduire la glycémie, mais pas l’ensemble de la physiopathologie sous-jacente. Les données montrent d’ailleurs que beaucoup d’antihyperglycémiants ne diminuent pas de manière vraiment importante les complications cardiovasculaires. La rémission du diabète, par contre, va bien plus loin que la maîtrise du taux de glucose et permet d’améliorer la santé. » L’Institut de cardiologie de Montréal a une grande expérience dans ce domaine. Certains de ses patients diabétiques réussissent, grâce à des changements intenses de leurs habitudes de vie, à obtenir une véritable rémission.

L’hypertension est également une cible intéressante. Les traitements non pharmacologiques peuvent être d’une grande aide. « Je n’ai rien contre les médicaments, soutient le cardiologue. Ils sont souvent nécessaires pour abaisser rapidement la pression sanguine. Cependant, si on peut éliminer ce facteur de risque en réduisant le surpoids, l’apport en sel, la consommation d’alcool et en faisant plus l’exercice, on obtiendra une foule de gains additionnels pour la santé dans son ensemble. »

Les changements d’habitudes de vie peuvent aussi être bénéfiques pour la lipidémie. « Il faut non seulement tenir compte de la quantité de cholestérol, mais aussi de sa qualité, explique le Dr L.-L’Allier. Quand on prescrit des médicaments comme les statines et les anti-PCSK9, on en baisse de façon très importante la quantité, mais on n'en change pas beaucoup la qualité. » L’alimentation, en revanche, peut le faire.

Les aliments influent sur la structure des lipoprotéines comme les LDL, et ainsi sur leur athérogénicité, même s’ils n’en changent pas forcément le taux. L’alimentation méditerranéenne est la plus efficace. L’étude CORDIOPREV, par exemple, montre qu’elle diminue davantage les complications cardiovasculaires importantes qu’une alimentation simplement faible en gras2.

« Quand les gens adoptent une alimentation méditerranéenne en plus de prendre une statine, le risque de complications cardiovasculaires est réduit, même si leur profil lipidique n’est pas modifié. C’est un élément dont il faut discuter avec le patient », affirme le spécialiste.

Ces autres facteurs de risque

L’absence des cinq facteurs de risque classique n’offre pas une protection totale. Ces derniers ne seraient responsables que de la moitié des cas des maladies cardiovasculaires dans le monde. D’ailleurs, chez les participants de l’étude qui ne présentaient aucun facteur de risque, la probabilité de complications cardiovasculaires demeurait de 21 % chez les hommes et de 13 % chez les femmes.

« Ces données signifient qu’il faut continuer à travailler sur les facteurs de risque non classiques, mentionne le Dr L.-L’Allier. Il y en a une grande gamme : la pollution atmosphérique, l’augmentation de la température, le bruit, le manque de sommeil, le stress, la détresse psychologique, etc. Ils ont tous été reconnus dans des études, mais leurs répercussions n’ont pas été quantifiées. Il reste donc du travail à faire pour les repérer, les suivre et mesurer l’effet de leur modification. »

bilibographie

1. Global Cardiovascular Risk Consortium. Global effect of cardio­vascular risk factors on lifetime estimates. N Engl J Med 2025 ; 393 (2) : 125-38. DOI : 10.1056/NEJMoa2415879.

2. Delgado-Lista J, Alcala-Diaz JF, Torres-Peña JD et coll. Long-term secondary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet and a low-fat diet (CORDIOPREV): a randomized controlled trial. Lancet 2022 ; 399 (10338) : 1876–85. DOI : 10.1016/S0140-6736(22)00122-2.

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