Nouvelles syndicales et professionnelles

Tournée provinciale du président de la FMOQ
Le point sur les négociations

Élyanthe Nord | 19 septembre 2025

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Le 5 septembre, le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ, a entamé sa tournée provinciale des associations affiliées. « Le climat et les conditions de travail sont difficiles pour les médecins de famille. La pénurie s’accentue. Notre accord-cadre est échu depuis 2023 », a-t-il dit, brossant le tableau de la situation à l’assemblée générale de l’Association des médecins de CLSC du Québec, qui avait lieu dans la Capitale-Nationale.

Les négociations avec l’État pour le renouvellement de l’Entente générale ont été réellement amorcées il y a un an. Et elles sont ardues. « On a vraiment un gouvernement qui négocie de mauvaise foi », a dénoncé le président.

La Fédération, par exemple, a fait deux dépôts. « Le gou­ver­nement n’y a jamais donné suite. Le ministre de la Santé, cependant, dit qu’il veut des propositions de la FMOQ. Peut-il commencer par répondre à celles que nous lui avons transmises ? Nous avons l’impression qu’elles n’intéressent pas les gens d’en face à la table de négociation. »

Le Dr Amyot a aussi rectifié certaines déclarations du ministre. « Quand il affirme que l’on n’est pas à la table de négociation, c’est faux. On y était tout l’été. Tout l’été, j’ai parlé au cabinet du premier ministre. J’ai également échangé à plusieurs reprises avec l’ex-présidente du Conseil du trésor, Mme Sonia LeBel. »

Le président a par ailleurs dénoncé les procédés du gou­ver­ne­ment. « Il y a beaucoup de désinformation, de vérités "al­ter­na­tives", de manipulations statistiques et de rhéto­ri­que trompeuse. »

Hausse du tarif horaire

Le gouvernement et la Fédération pourraient par ailleurs s’entendre dans plusieurs domaines. L’État a certains buts concernant le renouvellement de l’accord-cadre, comme la révision du mode de rémunération et la simplification de la facturation. « On n’est pas en désaccord », a souligné le Dr Amyot. Au contraire, la Fédération estime, elle aussi, que le mode actuel de rémunération n’est plus adapté au travail interprofessionnel et collaboratif de 2025. « On est d’accord pour en revoir les modalités. Mais il doit y avoir des travaux techniques. Que fait-on dans les secteurs qui se prêtent moins à la capitation ? Que fait-on, par exemple, pour l’enseignement ? Que fait-on pour les pratiques particulières ? »

La FMOQ a, elle aussi, ses objectifs de négociation (encadré). Ainsi, l’équité sur le plan de la rémunération entre les diffé­rents champs de pratique est essentielle à ses yeux. Elle demande à cette fin une hausse du tarif horaire. « Cette mesure permettra d’éliminer de nombreuses iniquités dans le réseau de la santé. Quand on regarde les divers secteurs de pratique que vous couvrez, il y en a beaucoup où le mode de rémunération idéal est le tarif horaire », a indiqué le président aux membres de l’AMCLSCQ. Des exemples : la toxicomanie et l’itinérance. « Souvent, les patients n’ont même pas de carte d’assurance maladie. Alors comment les médecins peuvent-ils être rétribués à l’acte ou à capitation ? Si on réussit à bonifier substantiellement le tarif horaire, on va résoudre le problème de la rémunération dans de nombreux domaines d’activité. »

Correction des écarts de rémunération

L’un des objectifs de la Fédération reste la correction de l’écart de rémunération entre les médecins de famille québécois et leurs collègues du Canada, plus précisément de l’Ontario. « On a déjà commencé à combler cette différence. Dans l’accord-cadre de 2018 à 2023, on a obtenu une hausse de 2,4 % dans ce but », a mentionné le Dr Amyot. Ce commencement de correction reposait sur un rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) qui reconnaissait la différence de rétribution avec les médecins ontariens.

Le document, cependant, recelait différentes données. « Le rapport de l’ICIS est particulier, parce qu’il présentait cinq méthodes de calcul de l’écart. Quatre nous étaient favorables et indiquaient que les médecins de famille ontariens étaient mieux rémunérés que leurs collègues québécois. Mais il y avait une méthode, celle des équivalents temps plein, qui n’est reconnue nulle part au Canada, qui nous était défavorable. Laquelle, selon-vous, le gouvernement utilise-t-il sur la place publique pour dire que les médecins québécois sont mieux rémunérés ? », a mentionné le Dr Amyot.

Le rapport proposait, par ailleurs, un mécanisme de résolu­tion des différends en cas de litige sur l’écart de rémunération. « Nous pensions que ce point allait être réglé dans le renou­vellement de l’accord-cadre, que le gouvernement allait négocier de bonne foi, qu’on allait s’entendre sur les chiffres. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Nous souhaitons donc activer le mécanisme d’arbitrage de cette entente. »

La FMOQ demande également une correction de l’écart de rétribution entre les médecins de famille québécois et leurs collègues des autres spécialités dans la province.

Projet de loi no 106

L’un des importants dossiers de l’heure est celui du projet de loi no 106 (Loi visant principalement à instaurer la responsabilité collective et l’imputabilité des médecins quant à l’amélioration de l’accès aux services médicaux).

« C’est un projet de loi inacceptable, illégal, qui porte atteinte au droit à la négociation. Il enfreint l’article 2d de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le droit à l’asso­ciation et, subsidiairement, le droit à la négociation. Les négo­ciations, par ailleurs, ne comprennent pas que les aspects financiers, mais aussi les conditions de pratique : la façon de travailler, le nombre de patients vus, etc. Tout cela doit être négocié », a expliqué le Dr Amyot.

Le projet de loi no 106 prévoit, notamment, des indicateurs de volume. « Ce qui va en résulter ? Une médecine fast-food. Le gouvernement veut que toute la population soit vue. Cependant, le nombre d’heures dans une journée est limité. »

Plan d’action

Tant pour le renouvellement de l’accord-cadre que pour cer­taines mesures législatives, la FMOQ a mis sur pied un plan d’action en plusieurs volets.

Elle continuera ainsi à négocier avec le gouvernement, mais s’adressera aux tribunaux. Elle va notamment contester le projet de loi n° 106 s’il est adopté. L’article 8 de ce dernier mentionne, par exemple, qu’avec l’approbation du Conseil du trésor, le ministre peut, par règlement, « établir les modes de rémunération des professionnels de la santé ainsi que les modalités relatives à la gestion de cette rémunération ». « Si on négocie des indicateurs de performance, six mois après, le gouvernement peut les modifier. Il n’a pas besoin de les négocier avec nous. C’est inacceptable », a estimé le président.

Les médecins spécialistes semblent partager la position de la FMOQ. « Les 22 000 médecins du Québec sont solidaires. On demande le retrait pur et simple du projet de loi 106. Nous avons besoin de vous pour cette mobilisation », a indiqué le président aux médecins présents.

Objectif : un accord bénéfique pour tous

Le but de la FMOQ ? « Notre objectif n’est pas de heurter le gouvernement, mais de conclure un accord-cadre à la satisfaction de tous, a indiqué le Dr Amyot. Une bonne entente est un accord win-win, où tout le monde gagne. Il doit vous satisfaire, satisfaire le gouvernement, mais aussi être bénéfique pour les patients. Ce doit être un accord win-win-win. Le troisième win est pour la population. »

Cependant, dans l’immédiat, les négociations risquent de continuer à être éprouvantes. « Nous allons être à pied d’œuvre pour défendre vos intérêts. Les prochains mois vont être difficiles. »

 

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