Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec. |
Quoi de plus excitant que de parler d’assurance invalidité ! Vous avez probablement contracté votre assurance durant votre résidence ou en début de pratique. Depuis, vous ne vous en êtes plus soucié. Les clauses du contrat ne sont donc pas fraîches à votre mémoire. Il y a fort à parier que si un accident ou une maladie vous rendait invalide, vous devriez relire votre contrat pour avoir une idée de votre couverture. Vous y trouveriez le délai de carence pour retirer des prestations, la durée d’invalidité totale ininterrompue (souvent de 30, 60 ou 90 jours), le montant de la couverture et la formule pour évaluer les prestations auxquelles vous avez droit. Votre contrat indique également l’existence ou non d’une couverture en cas d’invalidité partielle et la durée minimale d’invalidité totale requises pour y avoir droit. Bref, un ensemble de détails importants dont vous ne vous souvenez probablement pas.
Toujours est-il que si votre invalidité devait se prolonger, vous devriez peut-être songer à faire une demande de rente d’invalidité à la Régie des rentes. Dans certains contrats (généralement de groupe ou collectif, comme OMNIMAX, et le contrat des médecins à honoraires fixes), l’assureur peut exiger que l’assuré fasse une demande à la Régie des rentes pour obtenir une rente d’invalidité. Les assurances individuelles ne comportent habituellement pas de telles clauses.
Dans le cas de ces dernières, le fait que l’assuré demande une rente d’invalidité à la Régie des rentes ne change rien aux prestations, car l’assureur s’est engagé à verser un montant fixe en cas d’invalidité totale. L’avantage pour l’assuré est évident : si la rente est versée, il bénéficie d’un revenu additionnel qui s’ajoute à sa couverture d’assurance. Si l’invalidité se prolonge, l’assurance individuelle comporte aussi un autre avantage dont nous parlerons sous peu.
Dans le cas des contrats de groupe, l’avantage pour l’assureur est évident. En effet, lorsque l’assuré reçoit une rente d’invalidité d’un régime public, le montant à lui verser est réduit d’autant. Comme le risque de l’assureur est moindre, il peut offrir un tarif plus avantageux pour l’assurance, ce qui réduit les primes.
En plus d’une réduction des primes, les assurés peuvent aussi obtenir un autre avantage après la fin de la couverture de l’assurance invalidité, soit d’augmenter le montant de la rente versée. En effet, lorsqu’un assuré arrive à 65 ans, sa couverture d’assurance prend fin. Il devra alors compter sur les rentes publiques et ses économies. Lorsque l’invalidité s’est prolongée sur plusieurs années, la capacité d’épargne du médecin a pu être touchée. Ainsi, une grosse différence dans le montant versé par la Régie des rentes pourrait avoir un effet important sur son niveau de vie à partir de 65 ans. Effectivement, beaucoup de médecins sont sous-assurés par rapport à leur rémunération afin d’économiser sur le coût des assurances. Et l’invalidité peut augmenter les besoins financiers courants, laissant moins de place à l’épargne. Les médecins à honoraires fixes peuvent compter sur le RREGOP, mais ce n’est pas le cas des médecins rétribués autrement.
Faire une demande de rente d’invalidité auprès de la Régie des rentes (tant qu’elle est acceptée) peut constituer un moyen de maximiser sa rente à 65 ans lorsque l’invalidité se prolonge. Comprendre comment est calculée la rente peut être utile (encadré). En gros, la Régie des rentes ajuste vos cotisations passées au taux actuel, puis en fait une moyenne. Elle exclut une faible proportion des mois les moins avantageux, mais si vous n’avez pas cotisé pendant plusieurs mois, les limites à exclusion peuvent réduire votre moyenne et donc le montant de votre rente.
La Régie des rentes ajuste vos cotisations passées au taux actuel, puis en fait une moyenne. Bien qu’elle exclue certains mois moins avantageux, l’absence de cotisation pendant plusieurs mois peut réduire votre moyenne et donc le montant de votre rente.
Toutefois, en plus de l’exclusion offerte à tous, il est possible de faire enlever d’autres années du calcul, soit les périodes d’invalidité. Il ne suffit toutefois pas qu’un assureur ait accepté de verser des prestations d’invalidité pour pouvoir bénéficier de ce traitement. En effet, la définition de l’assureur pourra être différente de celle de la Régie des rentes. Il faut donc faire une demande de rente d’invalidité auprès de la Régie des rentes pour avoir droit à la rente d’invalidité et à l’exclusion des mois de versement de cette rente, période durant laquelle vous ne cotisez pas.
Les critères de la Régie des rentes pour accorder la rente d’invalidité sont différents selon que la demande est faite avant 60 ans et à partir de 60 ans. Avant 60 ans, l’invalidité doit être permanente, et la personne devra être incapable d’occuper un emploi, quel qu’il soit. À partir de 60 ans, la personne devra être inapte à occuper l’emploi qu’elle détenait avant le début de son invalidité.
Une personne peut donc faire la demande à 55 ans, au début de son invalidité, et la faire de nouveau à 60 ans si elle est refusée.
Si le paiement de la rente est accepté par la Régie des rentes à compter de 60 ans, le montant de la rente sera fonction des cotisations versées par la personne et d’une formule de réduction pour anticipation qui diminue la rente de 0,04 % par mois d’anticipation (par rapport à 65 ans).
Par le passé, le fait de recevoir cette rente d’invalidité « condamnait » la personne à une rente réduite à vie, même lorsqu’elle atteignait 65 ans. Le gain avant 65 ans devenait une « pénalité » à compter de 65 ans. Toutefois, depuis 2024, une modification apportée aux règles de la Régie des rentes rehausse le niveau de la rente de la personne ayant reçu une rente d’invalidité lorsqu’elle atteint l’âge de 65 ans, selon un nouveau calcul basé sur les cotisations de la personne, excluant les années de versement de la rente d’invalidité sans réduction pour rente anticipée.
Bref, si l’on suppose que toute la durée de l’invalidité était reconnue par la Régie des rentes, la personne pourrait se retrouver à 65 ans avec un montant maximal de rente. Selon la durée de l’invalidité, il pourrait s’agir d’un gain de 5000 $ ou de 10 000 $ dollars par année une fois à 65 ans. Les rentes de la Régie étant indexées selon l’inflation, c’est un gain bienvenu pour la personne dont les finances sont limitées.
Depuis 2024, la perception d’une rente d’invalidité de la Régie des rentes ne réduit pas la rente payable à 65 ans. C’est plutôt le contraire.
Dans le cas des médecins à honoraires fixes, il ne faut pas oublier qu’à compter de 65 ans, ils pourront retirer leur rente du RREGOP, bonifiée par les contributions de la RAMQ ou de l’assureur durant la période d'invalidité. Donc, même si leur capacité d’économie était faible, ils pourront compter sur une autre source de revenus lorsque la rente de leur assureur invalidité prendra fin. Cette rente tient compte de celle de la Régie des rentes. Si un médecin a refusé de faire une demande d’invalidité à la Régie des rentes (lors de son invalidité et à 60 ans), le RREGOP fait ses calculs en supposant que la demande du médecin aurait été acceptée, ce qui réduit le montant qu’elle verse, même si la somme ne correspond pas à ce que le médecin reçoit de la Régie des rentes. C’est une raison additionnelle pour demander la rente d’invalidité de la Régie des rentes.
Conséquences fiscales
Les prestations d’assurance invalidité ne sont pas toutes traitées de la même façon. Lorsqu’un employeur a contribué aux primes (comme c’est le cas dans le régime des médecins à honoraires fixes), les prestations versées par l’assureur sont imposables. Dans un tel contexte, les prestations de l’assureur ou de la Régie des rentes ne changent rien au traitement fiscal. Les deux sources de revenus sont imposables. Les retenues d’impôts sur les prestations peuvent être légèrement inférieures du fait du fractionnement des paiements entre deux payeurs. Toutefois, lors de la production de la déclaration de revenus, l’impôt à payer sera le même, que les prestations proviennent d’un seul payeur ou de plusieurs.
Dans le cas de régimes comme OMNIMAX ou d’une assurance individuelle, le résultat est différent. Si le médecin n’a pas déduit le coût des primes sur le plan fiscal, les prestations d’assurance ne sont pas imposables, mais celles de la Régie des rentes le sont. Le médecin pourra donc devoir faire un calcul individualisé qui tiendra compte de l’importance de l’éventuelle rente de la Régie des rentes par rapport à celle venant de l’assureur et de ses autres sources de revenus (comme ses placements). Si les revenus d’autres sources sont faibles, il ne paiera potentiellement pas d’impôt sur le revenu. Il pourrait alors demander la rente d’invalidité de la Régie des rentes, ce qui serait d’autant plus intéressant quand il arrivera à 65 ans en raison de l’effet de la reconnaissance de l’invalidité sur le montant de la rente versée à 65 ans. En l’absence d’autres sources de revenus, le médecin a avantage à maximiser ses rentes publiques. N’oubliez pas que, dans le cas d’OMNIMAX, votre rente sera réduite si vous ne demandez pas la rente d’invalidité à la Régie des rentes.
Si les revenus d’autres sources sont élevés, le calcul est plus compliqué. Par ailleurs, il se peut que l’enjeu pour la personne en invalidité fortunée soit moins grand, la majoration de la somme versée par la Régie des rentes à 65 ans étant alors moins importante pour sa sécurité financière.
Selon sa situation, depuis les modifications législatives récentes touchant le calcul de la rente versée par la Régie des rentes, il peut être dans l’intérêt du médecin de faire une demande de rente d’invalidité auprès de cet organisme dans le but de maximiser le montant de la rente qu’elle versera lorsque le médecin arrivera à 65 ans. Avant de prendre des décisions impulsives, il peut valoir la peine de consulter un conseiller financier pour s’assurer de tenir compte de potentiels angles morts selon la situation individuelle du médecin. Il ne faut pas supposer que c’est désavantageux.
En ce qui a trait au contrat individuel dont le médecin a acquitté les primes lui-même (et non par l’entremise de sa société par actions), un revenu additionnel est toujours bienvenu, même s’il est imposable. De plus, le versement de la rente améliorera le montant versé par la Régie des rentes lorsqu’il arrivera à 65 ans. Si c’est votre société par actions qui paie les primes de cette assurance, la situation est plus compliquée. Vous devrez en discuter avec vos conseillers si vous deviez un jour, être en invalidité totale prolongée.
Si ce sujet vous semble bien compliqué, voyez le tableau qui résume le traitement selon le type de situation.
Selon sa situation individuelle, le médecin en invalidité pourrait avoir avantage à demander la rente d’invalidité de la Régie des rentes, autant dans l’immédiat que pour maximiser la rente versée à partir de 65 ans.
Nous avons piqué votre curiosité ? Tant mieux. Vous souhaiterez peut-être retrouver et relire votre contrat d’assurance invalidité afin de vous assurer qu’il correspond toujours à vos besoins et que vous en comprenez le fonctionnement. À la prochaine !