Éditorial

La baguette « magique » du gouvernement

Marc-André Amyot | 1 novembre 2025

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Au gouvernement, on ne propose pas de régler la pénurie de médecins de famille, ni d’ajouter des ressources en première ligne, ni de préserver l’une des rares avancées positives des dernières années, le GAP. Non ! On veut affilier 100 % de la population à des cliniques sans bonifier le réseau, accoler des codes de couleur aux patients et imposer des pénalités de « sous-performance » aux médecins de famille. Et hop ! Comme par magie, tout sera réglé dans le merveilleux monde caquiste !

Cette vision comptable, simpliste et désincarnée ne favorisera en rien l’accès aux soins et ne fournira aucun repère solide à la population. Un exemple ? Le simple respect des contrats de GMF permettrait d’offrir 750 000 rendez-vous médicaux supplémentaires aux Québécois.

Ce gouvernement démontre une incompréhension profonde des enjeux, une déconnexion complète du terrain et un entêtement obsessif à mater les médecins, comme s’ils étaient des adversaires plutôt que des alliés.

On aura beau créer des structures, les défaire et les re­faire, ajouter des cadres, jouer aux durs à cuire avec les soignants, tant qu’on refusera d’investir en première ligne et dans la co-construction du réseau, nous recule­rons collectivement.

Pendant ce temps, en Ontario…

Afin d’accroître l’accès aux soins de deux millions d’Ontariens supplémentaires d’ici quatre ans, la province voisine n’est pas entrée en guerre contre ses médecins, elle. Elle a plutôt tenu compte de la littérature scientifique qui montre sans équivoque que chaque dollar injecté en première ligne n’est pas une dépense, mais bien un investissement social. Elle a ainsi choisi d’engager 1,8 milliard de dollars dans un plan d’action « historique » visant à transformer sa première ligne, notamment en ajoutant ou en bonifiant 305 équipes de soins complètes et en mettant en place des stratégies de recrutement et de rétention des médecins, des infirmières et des autres professionnels de la santé.

Cette vision clairvoyante et constructive reçoit l’appui de l’ensemble des intervenants du réseau ontarien : médecins de famille, associations médicales, infirmières. Motivant, non ?

Le contraste entre l’approche québécoise – vocabulaire guerrier, impositions, pénalités – et l’approche ontarienne – investissements massifs, collaboration, valorisation – est frappant. Ici ? On brandit les menaces. Là-bas ? On collabore. La FMOQ salue cet engagement clair et sans détour de l’Ontario en faveur d’un réseau public fort.

L’Outaouais sonne l’alarme

À la fin de l’été, une trentaine de médecins de famille de l’Outaouais épuisés par le climat actuel ont indiqué songer à s’exiler, à quitter le navire ou à se réorienter.

Dans la foulée des investissements ontariens, la Ville d’Ottawa a lancé une offensive pour recruter 270 médecins, dont plusieurs francophones. Quand il n’y a qu’une rivière à traverser pour améliorer ses conditions de travail et se sentir entendu et valorisé, grande est la tentation de franchir le pont.

Divers intervenants du milieu (AMOOQ, CMDP, DTMF FIQ, élus municipaux et citoyens engagés) craignent à juste titre un exode des médecins de famille et ont sonné l’alarme. Ce qui se passe en Outaouais n’est que le symptôme d’un mal québécois plus large, car les cris du cœur des médecins de famille résonnent partout au Québec en ce moment. Et nous les entendons.

Soyons clairs ! Chaque médecin de famille qui abandonne la pratique au Québec en raison de ce climat malsain est une tragédie pour les patients privés de soins. Mais nous refusons de nous résigner. Nous continuerons de défendre la médecine de famille et d’améliorer les conditions de pratique. Nous continuerons de dénoncer l’absurde et de tendre la main à ceux qui voudront vraiment rebâtir la première ligne afin de préserver un accès digne et humain aux soins.

Parce que derrière chaque médecin de famille qui tient encore, c’est tout un système qui tient debout. Nous ne faisons pas de la magie. Nous faisons de la médecine. Avec rigueur, humanité et courage ! Et c’est ce réalisme-là, pas les illusions, qui sauvera notre réseau.

 

Le 01 novembre 2025

Marc-André Amyot

Président de la FMOQ,
Dr Marc-André Amyot

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