En fin... la facturation

Garde en disponibilité et garde sur place - II

Michel Desrosiers | 1 novembre 2025

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Les modalités de rémunération de la garde en disponibilité sont fraîches en mémoire ? Abordons alors celles de la garde sur place, une forme exceptionnelle de rétribution des activités durant la garde qui s’applique dans certains milieux. Allons-y !

Le Dr Michel Desrosiers, omnipraticien et avocat, est directeur des Affaires professionnelles à la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec.

Des collègues vous parlent d’assurer la garde « sur place ». Vous n’y comprenez rien. Après tout, vous aussi, vous devez rester dans la localité à proximité de l’installation pour laquelle vous assurez la garde. Quelle curieuse description !

Garde sur place

Dans certains milieux, un médecin assure en tout temps la garde sur place. Tous les médecins connaissent le fonctionnement d’une urgence hospitalière ou de l’urgence d’un CLSC du réseau de garde intégré. Aujourd’hui, ce genre de garde est généralement rétribué à l’acte ou selon l’Entente particulière sur la garde sur place dans certains établissements. Mais au départ, spécifiquement en ce qui a trait aux urgences des CLSC du réseau de garde intégré, les médecins y étaient payés à honoraires fixes, y compris pendant la garde sur place. Certains le sont toujours, mais depuis la création du mode de rémunération à tarif horaire en 1994, les médecins de bon nombre de ces milieux optent pour le tarif horaire.

En plus de ces milieux, les médecins qui font la garde sur place dans des hôpitaux psychiatriques et quelques centres de réadaptation peuvent aussi y être rétribués à honoraires fixes ou à tarif horaire.

Pourquoi ces milieux ? Une des raisons est historique. Les médecins exerçant dans les hôpitaux psychiatriques étaient à salaire avant leur intégration à l’Entente générale, et leurs conditions de rémunération prévoyaient alors la rémunération d’une telle garde. Ces modalités ont été reproduites dans l’Entente lorsque ce groupe de médecins s’est joint à la FMOQ, tout comme leur formule de rémunération qui est devenue le mode des honoraires fixes.

Mais l’histoire était aussi le reflet d’une réalité d’alors. Les hôpitaux psychiatriques avaient à l’époque un grand nombre de patients et une urgence ouverte 24 heures par jour. Donc, la présence d’un médecin sur place en tout temps était nécessaire. En ce qui a trait aux hôpitaux de réadaptation, ceux assurant la garde sur place traitent généralement des patients nouvellement quadriplégiques. Ces patients peuvent souffrir d’une grande instabilité hémodynamique qui doit être traitée de façon différente de celle des patients qui réagissent à une perte sanguine importante ou à une arythmie. Cette réalité exige normalement la présence d’un médecin sur place.

Quant aux CLSC du réseau de garde intégré, les médecins qui y travaillaient à l’époque se sont aussi joints à la FMOQ quelques années après sa création. Auparavant, chaque groupe négociait sa rémunération directement avec le ministère. Le mode de rémunération de ces médecins était alors le salariat, comme dans les hôpitaux psychiatriques. Afin d’offrir des soins d’urgence (réception d’ambulances, réanimation, stabilisation de l’état du patient et transfert par la suite vers un hôpital), les CLSC qui se trouvaient à plus d’une heure à une heure et demie de l’hôpital le plus proche ont été désignés pour assurer une garde sur place en tout temps. Les médecins ont initialement continué à être rétribués à honoraires fixes, mais ont pu opter pour le tarif horaire quand il a été créé en 1994. Par la suite, une autre formule est devenue accessible en fonction d’un choix collectif du groupe, soit l’Entente particulière sur la garde sur place dans certains milieux.

En gros, pour se prévaloir de la rémunération selon la garde sur place, le médecin de garde doit se trouver dans l’installation pendant la durée de sa garde. S’il assure une garde de nuit, il doit donc coucher sur place, à défaut de circuler dans l’installation pour offrir des services. L’installation doit aussi avoir le personnel pour assister le médecin et, dans le cas de l’urgence d’un CLSC du réseau de garde, elle doit être « ouverte », c’est-à-dire être accessible aux patients.

Ce mode de fonctionnement n’est pas seulement un choix du médecin, mais doit être une exigence de l’établissement. C’est donc dire que le service ou le département aura défini un besoin pour une telle garde sur place qui deviendra alors obligatoire pour l’ensemble des médecins. Le choix de l’établissement sera généralement consigné dans une politique ou un règlement.

Il va sans dire qu’il n’y a pas grand intérêt à assurer une garde sur place pour le médecin rétribué à l’acte. En effet, si le volume des activités (même essentielles) est faible, le niveau de rémunération le sera aussi. On saisit donc tout de suite l’attrait de la rémunération sur base de temps pour les urgences des CLSC du réseau de garde intégré dont le volume d’activité peut être faible ou très variable. La mise en place de l’Entente particulière sur la garde sur place dans certains établissements est venue répondre à ce besoin d’une autre façon. On comprend ainsi pourquoi des CLSC du réseau de garde à volume plus important ont fait le saut vers cette formule différente.

Il y a quand même certains hôpitaux de soins de courte durée (non psychiatriques) qui choisissent d’avoir un médecin sur place, en plus du médecin de l’urgence, pour couvrir les soins intensifs, répondre aux consultations de l’urgence, régler les problèmes courants des pa­tients aux étages et même assurer la réanimation de patients hospitalisés. Rien n’empêche ce médecin de se prévaloir des forfaits de la garde en disponibilité, selon le partage convenu au sein du département ou du service. Sa présence sur place n’étant pas dictée par la rémunération qu’il reçoit, il n’y a pas d’incompatibilité, contrairement à ce qui existe de jour dans un milieu adhérent à l’Entente particulière sur le malade admis. En ce qui a trait aux services qu’il prodigue lorsqu’il est présent, il sera rétribué à l’acte, mais n’aura pas droit aux suppléments de déplacement, puisqu’il est déjà sur place. Le déplacement d’un pavillon à un autre situé sur le même terrain ne constitue pas un déplacement aux fins de l’entente (paragraphe 2.4.7.5 du Préambule général du Manuel de facturation).

Vous aurez compris que le médecin rémunéré pour une garde sur place ne reçoit pas de forfaits pour la garde en disponibilité et ne peut pas facturer ses services selon le mode de l’acte. C’est le tarif horaire ou à honoraires fixes qui s’applique à la rémunération de sa présence et de l’ensemble des actes qu’il peut poser.

Bien que le mode de rémunération à tarif horaire soit accessible dans plusieurs autres secteurs que ceux de la garde sur place (CHSLD, SAD, gériatrie, etc.), il ne donne pas pour autant accès à la rémunération pour la garde sur place. Comme nous l’avons évoqué, la garde sur place se limite principalement aux hôpitaux psychiatriques, à certains centres de réadaptation et aux urgences d’un CLSC du réseau de garde.

Fonctionnement des honoraires fixes

Nous l’avons évoqué d’entrée de jeu, les modalités de rémunération de la garde sur place servaient au départ à des médecins payés à honoraires fixes. Ce mode a une structure assez rigide dans laquelle les heures n’ont pas la même valeur selon le volume d’activité durant une semaine. Un fonctionnement équivalent a été intégré au tarif horaire lors de sa création en 1994.

En gros, les avantages de base des honoraires fixes (régime de retraite, accumulation des vacances, assurances collectives) sont fonction d’une semaine de travail de 35 heures. L’entente prévoit de plus la possibilité d’être appelé à effectuer la garde sur place jusqu’à concurrence de 12 heures par semaine. Lorsque ces heures sont en excédent de la semaine de base de 35 heures, elles ne sont pas retenues pour le régime de retraite, mais seulement pour l’ac­cumu­lation des vacances et pour les assurances, du moins durant les 12 premières heures excédentaires. Par la suite, le médecin n’accumule plus d’avantages sociaux.

C’est cette structure qui explique l’obligation d’utiliser des codes d’activité lors de la garde sur place selon le nombre d’heures de la semaine (à honoraires fixes). Si les heures de garde sur place servent à atteindre les 35 heures de la semaine, le code associé à ces heures sera le XXX132. Pour les heures de garde sur place en excédent de 35 heures par semaine, ce sera plutôt le XXX063 pour un maximum hebdomadaire de 12 heures, puis le XXX030 pour les heures sans avantages sociaux. Pour les médecins qui ont droit au dépassement du plafond de 880 heures excédentaires à tarif horaire, la facturation de la garde sur place à tarif horaire sera associée au code d’activité XXX071.

Pour être rémunéré pour la garde sur place, le médecin doit se trouver dans l’installation en vertu d’un choix de l’établissement. Il ne peut pas simplement choisir ce mode de fonctionnement sur une base individuelle.

Avec le temps, certaines adaptations ont été faites, soit la possibilité de comptabiliser une part des heures excédentaires dans le régime de retraite, sous réserve de certaines conditions restrictives. De plus, lors du dépassement de la charge de base, le médecin à honoraires fixes peut être rémunéré à tarif horaire. Il n’accumule pas de vacances et ne cotise pas aux assurances sur ces heures. En contrepartie, il reçoit un montant supérieur en argent (paragraphe 15.01 de l’Annexe XIV). Encore là, le nombre d’heures est limité à 880 par année. Comme ces adaptations peuvent devenir compliquées, restons-en au plus simple !

Suffit de comprendre que les heures de garde sur place peuvent compter parmi les activités régulières pour arriver au quantum hebdomadaire de 35 heures. Par la suite, la valeur des avantages qui y sont associés (avantages sociaux sans cotisation au régime de retraite), jusqu’à 12 heures excédentaires par semaine, est moindre que celui des heures régulières de 94 %. Au-delà des 35 heures régulières et des 12 heures excédentaires de garde sur place par semaine, le médecin n’a plus d’avantages sociaux. Donc, à partir de ce moment, au mode des honoraires fixes, la valeur de la rémunération est de 71,8 % des heures régulières. Le montant versé est toujours le même et correspond à 71,8 % du taux de rémunération à tarif horaire.

La garde sur place se limite essentiellement aux hôpitaux psychiatriques, à certains centres de réadaptation et aux urgences d’un CLSC du réseau de garde.

C’est cette réalité qui explique le traitement qui peut sembler incompréhensible pour les heures de garde sur place, tant à honoraires fixes qu’à tarif horaire. Dans le cas du tarif horaire, la gestion se fait sur une base annuelle (de juin à mai) plutôt qu’hebdomadaire. Les 35 heures par semaine deviennent 1540 heures par année (35 heures par semaine × 44 semaines par année) et les 12 heures de garde sur place deviennent 528 heures par année (12 heures par semaine × 44 semaines par année). Le modèle à tarif horaire a été calqué sur celui à honoraires fixes (4 semaines de vacances, deux semaines de jours fériés et 2 semaines de perfectionnement), d’où les 44 semaines payées dans une année. Les codes d’activité utilisés sont les mêmes, selon la nature des activités, que ceux des médecins à honoraires fixes.

Comme si ce n’était pas assez, dans le but de favoriser la participation à la garde sur place, les médecins peuvent opter pour la rémunération à tarif horaire pour les heures en excédent de la semaine normale (jusqu’à 880 heures par année). Ce nombre n’étant pas suffisant dans certains milieux, une modification à l’Entente a permis au comité paritaire d’autoriser le dépassement sans limite d’heures excédentaires rémunérées. Imaginez un CLSC du réseau de garde avec la garde sur place partagée entre trois ou quatre médecins, qui effectuent en plus leurs activités régulières. Ces médecins dépasseront le maximum des 35 heures par semaine et des 880 heures par année, non par choix mais pour éviter des interruptions de service. C’est ce qui explique que le dépassement des 880 heures excédentaires s’applique généralement aux médecins qui exercent dans des milieux où ils assurent la garde sur place.

Notez qu’un médecin qui bénéficie de cette autorisation du dépassement des 880 heures n’a pas avantage à facturer ses heures de garde sur place avec le code XXX063, car sa rémunération serait alors inférieure de 6 % à celle qu’il recevrait pour des heures régulières ou de dépassement.

Il y a de quoi être étourdi. Tenez-vous-en donc à l’essen­tiel : les types de milieux visés, l’exigence que l’établissement la juge nécessaire et l’impose, l’obligation de se trouver dans l’installation visée pendant l’ensemble de la période de garde et les modalités particulières de rémunération. Ces éléments peuvent vous éviter bien des surprises. Bonne facturation !

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