Quand paraît le tout premier numéro du Médecin du Québec, en juin 1965, accompagné de l’éditorial du premier président de la FMOQ, le Dr Gérard Hamel, la revue se présente d’abord comme un outil de communication résolument syndical. Elle naît dans le sillage d’une époque bouillonnante au cours de laquelle les médecins de famille revendiquent reconnaissance, équité et autonomie professionnelle. À travers ses pages, on explique, on mobilise, on se prépare à négocier.
Soixante ans plus tard, la publication a gardé cette voix : claire, ancrée, engagée. Mais elle s’est surtout imposée comme une référence incontournable en formation médicale continue, embrassant le savoir scientifique avec rigueur, en phase avec l’évolution des pratiques, des avancées médicales et des attentes de la population. Le Médecin du Québec a grandi, mais il n’a jamais renié ses racines : celles de la défense collective des médecins de famille, pour leur bien et celui de leurs patients.
Une expertise à contre-courant
Depuis six décennies, Le Médecin du Québec a nourri des générations de médecins. La revue a contribué à forger une première ligne à la fois accessible, compétente, humaine — mais surtout, fondée sur la science. Ses dossiers, mises à jour cliniques, cahiers de formation, analyses critiques ont soutenu l’expertise de milliers de médecins, pas uniquement celle des médecins de famille, tout en favorisant un lien tangible entre la recherche et le terrain.
Or, cette même expertise est aujourd’hui attaquée de toutes parts. Et pas seulement ici. Aux États-Unis, dans plusieurs pays d’Europe, une droite populiste remet en question la légitimité des scientifiques, oppose les faits aux opinions, mine la confiance du public envers les établissements de savoir. Cette remise en cause n’épargne pas la médecine. Elle s’infiltre dans les discours publics, les décisions politiques, les logiques comptables qui relèguent la clinique à l’arrière-plan.
Ce courant n’est pas étranger à ce que nous vivons au Québec. Le plus récent projet de loi du gouvernement Legault, le projet de loi 106, en est une illustration troublante. Sous couvert de « bonne gestion », ou de « droit de gestion » on y nie, une fois de plus, les données probantes, mais aussi la réalité et la complexité de la pratique médicale. Une réalité et une complexité qu’on préfère désormais ignorer sciemment. On remet en question l’autonomie professionnelle des médecins. Et surtout, on balaie du revers de la main l’expertise de terrain des médecins de famille, comme si leur parole, leur réalité, leur formation, leur jugement n’avaient plus leur place dans l’organisation des soins.
Soyons clairs ! Cette façon de faire s’inscrit dans une manœuvre plus large. On cherche à contourner nos organisations, à éroder le droit d’association, à affaiblir les voix collectives. Ce n’est pas anodin. Ce n’est pas neutre. Et ce n’est surtout pas digne d’un État qui prétend valoriser la santé de sa population. Si le projet de loi 106 est adopté, il causera des dommages irréparables à notre système de santé. Non seulement il n'améliorera pas l'accès des patients aux services médicaux, mais il le détériorera. Et ce sont les patients qui en paieront le prix.
Savoir, respect et engagement
À la FMOQ, nous restons pleinement engagés à défendre la place, le rôle et l’expertise des médecins de famille. Cet engagement passe par le soutien actif à l’essor de cette expertise, par le développement professionnel continu, par la recherche, par la reconnaissance de ce que nos membres apportent au quotidien à leurs patients, mais aussi à leurs communautés et à l’ensemble du système. Cet engagement passe également par un refus catégorique : celui de laisser la voix médicale s’effacer devant le bruit politique et la désinformation démagogique.
Depuis 60 ans, Le Médecin du Québec soutient la médecine et ceux qui l’exercent avec rigueur, engagement et humanité. Dans un monde de plus en plus polarisé, dans un Québec où les dérives populistes s’installent avec aplomb, cette mission est plus actuelle que jamais.
Bon 60e anniversaire au Médecin du Québec ! Et bravo à celles et ceux qui, chaque mois, le rendent pertinent et vivant. Restons solidaires et engagés envers la médecine de famille et envers nos patients.
Le 28 mai 2025

Président de la FMOQ, |